La révolution du solaire est en marche !

Philippe Kuzdzal, gérant de la société HTA PRODUCTION, en collaboration avec Alto ingénierie, a conçu dans les Monts du Lyonnais une station de production solaire de plus de 150 kW, première étape d’un projet plus ambitieux : « La tri-génération solaire intégrée au bâti ». Interview.

En quoi votre station solaire est-elle novatrice ?

Cette station solaire, dont j’ai déposé le brevet en 2012, est novatrice dans la mesure où le principe est de fabriquer plusieurs types d’énergie avec une seule source solaire. Nous utilisons essentiellement la concentration solaire thermique basée sur la technologie dite de Fresnel (NDLR : inventée par le physicien français Augustin Fresnel, cette lentille a été conçue pour équiper le système optique des phares de signalisation marine), c’est à dire une concentration du rayonnement solaire sur un tube horizontal contenant un fluide caloporteur lui-même mobile selon un plan vertical de façon à pouvoir récupérer la plus grande partie des rayons réfléchis par les miroirs primaires.

Cette station solaire, dans sa première version, produit de la chaleur en hiver. Grâce aux températures élevées provenant du capteur, l’enjeu est de mettre au point un dispositif de stockage à même de produire du chaud pour le chauffage et l’eau des sanitaires mais aussi du froid pour la climatisation et la production d’électricité.

Votre capteur peut-il produire de l’énergie même dans des zones géographiques peu ensoleillées ?

Géographiquement, j’ai un marché qui est très ouvert, du 50^e degré Nord au 50^e degré Sud en latitude. L’objectif de cette réalisation est de valider l’innovation intégrée au capteur qui le rend indépendant de son orientation par rapport au Sud, sans conséquence sur les performances de production annuelle. Cette propriété essentielle résout le point faible des capteurs à concentration et des capteurs classiques sous nos latitudes, ouvrant dès lors des perspectives importantes sur le marché de la rénovation immobilière, des micro-réseaux de chaleur, de l’industrie agro-alimentaire etc.

Comment vous est venue l’idée ?

L’idée était enfouie au fond de mon cerveau depuis une vingtaine d’années et c’est à la suite d’un incident de la vie professionnelle que j’ai décidé de la concrétiser ! C’est certainement grâce à ma formation de capitaine et de chef mécanicien de la marine marchande que j’ai pu anticiper les problématiques liées au positionnement et aux trajectoires du soleil (navigation au sextant), sans oublier les questions thermiques, thermodynamiques ou électrotechniques, et me lancer dans ce projet.

A qui sont destinées ces stations solaires ?

Je travaille essentiellement avec les collectivités territoriales, les immeubles collectifs, les hôtels ou les hôpitaux. A l’international, je souhaite valoriser mon brevet dans différents pays. Je pense à l’Inde, pays très actif dans le secteur des énergies renouvelables. Son fort potentiel solaire en fait un formidable marché.

Sur les édifices non industriels, la technologie photovoltaïque ne suffit-elle pas ?

D’un point de vue énergétique, les besoins terminaux d’un édifice non industriel sont essentiellement thermiques (chauffage et rafraichissement), par rapport aux besoins électriques qui sont relativement limités. Or l’esprit actuel du solaire sous nos latitudes est très clairement influencé par la diffusion de la technologie photovoltaïque qui est devenue un produit spéculatif générant de l’énergie avec un rendement global annuel d’environ 15 %. Cette technologie ne répond donc pas à la problématique des besoins énergétiques des édifices et génère des contraintes industrielles nationales du fait de la production aléatoire non stockable sur des réseaux considérés comme infinis jusqu’alors (avec pour conséquence une saturation des réseaux de transports électriques, la nécessité de doubler les sites de production pour assurer un relais en cas de carence de production, etc.).

L’objectif de notre solution est de compenser le plus possible les besoins en énergies d’origine fossile ou électrique consommées par les édifices, à confort équivalent, et de limiter les appels de puissance électrique onéreux dus aux systèmes de production d’eau glacée (climatisation/rafraichissement.); ces appels de puissances impactant l’investissement à la construction et générant un surcoût à l’exploitation. Enfin, en cas de surpuissance thermique estivale, notre dispositif évacue l’énergie excessive par production électrique. L’efficacité de notre solution est de l’ordre de 75% pour les procédés thermiques. Nous conservons les 15 % pour la production électrique. Ainsi notre solution offre des performances très largement supérieures aux 15% des dispositifs photovoltaïques dont 85 % sont perdus fautes d’être valorisables. A travers cette technologie, nous espérons apporter une modeste contribution aux efforts actuellement entrepris vers plus de sobriété énergétique.