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Et si on passait aux autoroutes électriques ? (Tribune)

Tribune de Michel Gay.

Le diesel consomme moins de pétrole et émet moins de gaz carbonique (CO2) par kilomètre parcouru que l’essence. Alors pourquoi vouloir réduire sa consommation (au profit des moteurs à essence moins diabolisés) alors la France s’est donnée comme objectif d’importer moins de pétrole et de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 (loi du 13 juillet 2005) ?

Haro sur le diesel

La part des ventes de voitures diesel représentaient 73% il y a 7 ans. Elle n’est plus que de 40% aujourd’hui.

Or, l’industrie française et européenne figure parmi les champions de ce type de moteurs. Cette réduction au profit soit de l’essence, soit des batteries (produites en Chine et en Corée pour les voitures électriques) pourrait faire perdre 15.000 emplois dans le secteur de l’automobile (qui en compte plus de 35.000 en France).

Les taxes sur les carburants automobiles, et notamment sur le diesel, augmentent pour, parait-il, inciter les Français à rouler « propre », notamment à l’électricité avec des primes incitatives.

Pourquoi d’abord le diesel ?

Parce que c’est le plus consommé et c’est donc lui qui peut rapporter le plus… à l’Etat !

La majorité des véhicules roulent au diesel et c’est (c’était) le carburant le moins taxé. En augmentant les prélèvements sur ce dernier, c’est le « jackpot » fiscal ! ». En y ajoutant en plus la taxe carbone « pour sauver la planète » en finançant en partie les ruineuses énergies renouvelables, c’est même le « double jackpot » pour le gouvernement.

Nicolas Hulot avait présenté le 6 juillet 2017 son plan climat prévoyant de supprimer les voitures à essence et diesel d’ici 2040 pour les remplacer par des voitures électriques.

Mais d’où viendra le surplus d’électricité pour alimenter ces véhicules (30 milliards de kilowattheures pour un million de voitures électriques selon l’ADEME) ?

Pense-t-il vraiment qu’en recouvrant la France d’éoliennes et de panneaux solaires, leurs ruineuses productions erratiques et intermittentes y pourvoiront ? On croit rêver.

Passer aux autoroutes électriques ?

S’il s’agit de réduire la consommation d’énergies fossiles (donc principalement d’essence et de diesel), pourquoi ne pas développer des autoroutes électriques ?

Afin de limiter l’usage des batteries (coûteuses, volumineuses, lourdes et fabriquées à l’étranger) les autoroutes pourraient être électrifiées avec des caténaires pour les camions et les cars, comme les voies ferrées l’ont été pour les trains. Ce serait un bon début pour diminuer notre consommation de pétrole, donc aussi nos émissions de gaz à effet de serre.

Le gouvernement compte-t-il développer des autoroutes électriques pour diminuer la consommation d’énergies fossiles ?

Est-ce techniquement réalisable ?

Oui, répondent les constructeurs. Quelques adaptations des lignes électriques aux particularités d’une autoroute, notamment les panneaux de signalisations et les ponts, s’imposeront.

Et la technologie permet aujourd’hui de construire des camions avec un moteur électrique de 400 kilowatt (kW), soit 550 chevaux, et deux pantographes sur le toit (comme les trains) avec une batterie permettant une autonomie de plus d’une centaine de kilomètres hors voies électrifiées.

Deux portions de deux kilomètres d’autoroutes électrifiées sont déjà testées en Allemagne et en Suède. Ces autoroutes adaptées continueront bien sûr à être utilisées comme aujourd’hui par les autres utilisateurs qui pourront circuler librement sous les voies électrifiées.

Est-ce économiquement viable ? 

Oui, répond l’étude du ministère de l’environnement éditée en janvier 2017. Et ce serait d’autant plus économique et rentable pour les transporteurs qu’une partie du coût de l’infrastructure électrique (caténaires) et de l’électricité consommée par les camions pourraient être partagées par tous les usagers des autoroutes.

Il s’agit en effet d’une mesure de santé publique, de protection de l’environnement, et d’équilibre de notre commerce extérieur.

Moins de pétrole acheté à l’étranger au profit d’une électricité nucléaire et renouvelable produite sur le sol national améliorera le solde de nos échanges commerciaux.

Quatre avantages pour la France

1) Un avantage stratégique

Plutôt que de taxer le diesel, remplacer les carburants par de l’électricité nucléaire et renouvelable améliorerait bien mieux nos émissions de particules et de CO2, ainsi que notre indépendance énergétique et notre balance commerciale.

2) Un avantage environnemental

Or, parmi tous les transports, la route représente 95% des émissions de CO2 en France. Les autres moyens (aérien, ferroviaire, maritime,…) n’en constituent que 5%.

Un camion consommant 35 litres de diesel par 100 km émet environ 900 gCO2/km tandis qu’un camion électrique n’émet que 60 gCO2/km en France, soit… 15 fois moins !

Dans le domaine des transports, il est donc impératif de réduire les émissions unitaires des véhicules en mobilisant des sources massives d’énergie « décarbonée » nationales comme l’électricité nucléaire.

3) Un avantage économique pour la collectivité

La conception et l’électrification des autoroutes représentent un secteur d’activité important pour l’économie nationale. Favoriser la diffusion des véhicules consommant moins de pétrole (donc émettant aussi moins de polluants), et soutenir le déploiement des infrastructures électriques routières, sont des pistes de croissance pour la France.

4) Enfin, un avantage économique pour les transporteurs

Un camion parcourant 100 000 km par an économisera donc au minimum 20 000 € de carburant par an. L’entretien mécanique sera aussi moins couteux, même s’il faut changer la batterie une fois sur la vie du camion (7 ans et 700.000 km pour un tracteur routier).

Pétrole ou nucléaire ?

Les dizaines de milliards d’euros actuellement engloutis dans l’impasse des éoliennes et des panneaux photovoltaïques seraient plus utiles à l’électrification des 11 000 km d’autoroutes en France (dont 9000 kilomètres à péage).

A l’aune du développement durable du transport routier, au lieu de diaboliser le diesel pour mieux taxer les Français, le gouvernement serait bien inspiré de réorienter la politique énergétique de la France vers l’électricité nucléaire décarbonée pour diminuer nos importations de pétrole, notamment en favorisant les autoroutes électriques.

Mais l’avenir va être compliqué si le gouvernement souhaite diminuer à la fois la consommation des combustibles fossiles et la production d’électricité nucléaire

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • Le cas de la Suède est différent de celui de la France compte tenu notamment de la situation des villes et du fret. Les 2/3 du transport par camion pourraient y être effectués sur des routes électrifiées, réduisant la consommation d’environ 10 TWh (trois millions de tonnes de carburant) mais seuls les grands axes, soit 2 à 4 % du réseau routier, auraient à être électrifiés.

    La configuration des transports est très différente en France (avec quelques 12 millions de km pour les seuls autoroutes et sur un seul sens) donc l’approche d’autoroute électrifiée ne peut être que très partielle.

    On peut douter de sa grande utilité et de sa fiabilité quand on voit les seuls problèmes de gel et les retards que çà génère sur de nombreuses lignes de trains, la quantité de matières premières impliquées, la nécessité d’avoir encore de lourdes batteries qui ont des pertes de charges et n’ont pas un cycle complet très favorable, de concentrer les transports sur certains axes les plus rentables qui vont encore creuser des écarts sociaux-économiques entres régions etc

    Nous sommes en outre traversés par des camions de fret notamment espagnols et italiens qui peuvent développer l’hydrogène à bas coût via les renouvelables et le solaire CSP, comme proches de nous la plupart des pays du Moyen-Orient qui comptent bien en exporter, alors que nos EPR, qui fournissent l’électricité à au moins 105 euros le MWh à Hinkley Point et dont le potentiel de baisse n’a rien d’acquis, sont incapables d’être compétitifs.

    On voit donc mal ces pays ne pas opter comme tous autour de nous en Europe (25 via une alliance hydrogène) pour la voie hydrogène pour les véhicules lourds et longues distances, même si d’autres solutions intermédiaires temporaires sont parfois présentées. Il y a déjà quelques dizaines de milliers de véhicules hydrogène en circulation dans le monde. Selon les pays fabricants et exportateurs, les prix deviennent de plus en plus compétitifs (pas seulement Chine mais entre autres Corée). Les rendement des unités de production d’hydrogène « délocalisées » sont désormais élevés (82% par exemple pour les unités délocalisées Thyssenkrupp) (96% pour une unité centrale). Les meilleures piles à combustibles des véhicules sont proches des 65%. Les durées de vie ont notoirement augmenté.

    Bref, même si l’hydrogène ne répond pas à tous les usages, on voit mal par contre l’utilité de multiplier les approches et dépenses de durée assez limitée, nécessitant d’importantes ressources, quand la majorité mondiale s’oriente dans une direction qui permet de faire baisser les coûts d’une technologie de plus en plus fiable et simplifiée qui est l’hydrogène pour les véhicules lourds/longue distances dont les études en référence ne prennent pas en compte les rapides évolutions. En outre le fait de mettre du solaire flexible sur un camion peut faire économiser de 10% à 25 % (dans ce dernier cas pour les camions frigorifiques) la consommation de carburant équivalent (2000 litres de gazoil par an au Nord de l’Europe selon études) Voir par exemple eNow pour cet aspect solaire aux Etats-Unis, sans évoquer l’apport aux véhicules légers de moins de 500 kg et les multiples véhicules électro-solaires vendus (déjà plus de 300.000 par an) et de plus en plus performants qui arrivent dans ce domaine.

    Impossible ici de résumer les multiples développement dans l’hydrogène tellement ils sont nombreux mais l’un récent et significatif pour la France concerne l’offre de Symbio, Michelin et Faurecia, entre autres accords d’autres groupes comme Air Liquide, Engie etc.

    https://www.usinenouvelle.com/article/michelin-et-faurecia-creent-une-filiale-commune-dans-l-hydrogene.N816175

    .

    Répondre
  • Sauvons le diesel, une fois de plus. Le diesel aurait un bon bilan carbone, il s’agit là d’une vieille rengaine qu’il faut déconstruire. Cette idée pouvait être vrai tant qu’on avait pas intégré la notion de changement d’affectation des sols. C’est pourtant un sujet qui a été intégré dans la réflexion il y a une dizaine d’année et l’auteur de cet article ne semble pas avoir actualisé ses connaissances. L’union européenne a commandé une étude visant à évaluer l’empreinte carbone des carburant fossiles et des biocarburants. Cette étude a été reprise dans un article d’Alternatives économiques : https://twitter.com/jmgibey/status/1107928859570302982?s=09 quelles en sont les conclusions ? Le biodiesel a le bilan le plus catastrophique puisqu’il émet 2 à 3 fois plus de co2 que le diesel fossile. ce dernier émet à peine moins de co2 que l’essence fossile. Les carburants les moins émissifs sont les « bioessences » à base de d’éthanol de canne à sucre, de maïs ou de betteraves à sucre. A la finale, un biocarburant à base d’éthanol émet quasiment 6 fois moins qu’un biodiesel et 2 à 3 fois moins qu’un diesel 100% fossile. Donc non, une fois de plus, il faut tordre le cou au poncif qui voudrait que le diesel a un bon bilan carbone. La meilleure solution lorsqu’on veut rester sur une motorisation thermique c’est l’e85 dont le prix est 2 fois moindre que l’essence classique. Cette solution ne nécessite que l’installation d’un kit qui coute environ 900 euros hors pose. On rappellera que le bioéthanol vendu en France est fait à partir de betterave à sucre (et non d’huile de palme comme pour le biodiesel) et que nous avons en France un champion mondial de l’éthanol : Tereos. Si en plus on intègre le bilan sanitaire calamiteux du diesel (40000 morts prématurées), la sortie du diesel est une ardente obligation. Pour clore le tout on rappellera que la France est constamment au-delà des normes de particules fines de L’UE et qu’elle reçoit des pénalités à ce sujet.

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