Europe : les prix de l’électricité chutent mais restent toujours imprévisibles
Malgré une baisse notable en 2024, les tarifs de l’électricité en Europe demeurent instables, soulignant les défis persistants d’un système en pleine transition énergétique.
En 2024, les consommateurs européens ont pu souffler un peu : les prix de l’électricité ont nettement reculé par rapport aux années précédentes. En moyenne, ils se sont établis à 81 euros par mégawattheure (€/MWh), selon les dernières données publiées par l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER). Ce repli marque une amélioration significative face aux sommets atteints en 2022, où le mégawattheure flirtait avec les 227 € en pleine crise énergétique. Mais derrière cette bonne nouvelle se cache une réalité plus complexe : celle d’une volatilité persistante et parfois accrue.
Un marché toujours dépendant du gaz
L’une des raisons principales de cette instabilité reste la place qu’occupe encore le gaz dans le mix électrique européen. Même si son prix moyen a chuté à 34 €/MWh en 2024, les fluctuations sur le marché mondial et les incertitudes géopolitiques continuent de peser lourd. En effet, lors des pics de consommation ou lorsque la production renouvelable faiblit, ce sont encore les centrales à gaz qui prennent le relais, influençant directement le prix de l’électricité.
L’interdépendance entre ces deux marchés reste donc un point sensible. Un sursaut du prix du gaz, même temporaire, peut se répercuter quasi instantanément sur les factures d’électricité. Cela rend difficile toute projection stable à long terme, aussi bien pour les ménages que pour les industries énergivores.
Les renouvelables : à la fois solution et casse-tête
La transition vers des énergies plus propres progresse. En 2024, les énergies renouvelables ont représenté 34 % de la production électrique en Europe. Le développement du solaire et de l’éolien a permis une baisse structurelle des prix, notamment pendant les saisons les plus favorables à leur production : le printemps et l’été.
Mais cette montée en puissance s’accompagne de nouvelles difficultés. La nature intermittente de ces sources provoque des déséquilibres fréquents entre l’offre et la demande. En conséquence, les épisodes de prix négatifs — où les producteurs paient pour injecter leur électricité sur le réseau — se sont multipliés. On en a recensé 50 % de plus qu’en 2023, un phénomène symptomatique d’un réseau manquant encore de flexibilité.
Le manque de solutions de stockage
Si l’électricité verte est disponible en abondance à certains moments, le principal défi réside dans la capacité à la stocker pour une utilisation ultérieure. Actuellement, les infrastructures de stockage, qu’il s’agisse de batteries ou de stations de pompage-turbinage, restent insuffisantes à l’échelle du continent.
Ce manque de capacité à absorber les excédents ou à lisser les creux de production aggrave la volatilité des prix. D’un jour à l’autre, voire d’une heure à l’autre, les variations peuvent être extrêmes. Selon l’ACER, en 2024, plus de 70 % des journées ont connu des écarts de prix dépassant les 50 €/MWh. Une réalité qui rend la planification énergétique de plus en plus complexe pour les entreprises, tout en générant de l’inquiétude chez les consommateurs.
Des interconnexions encore insuffisantes
Un autre levier pour limiter l’instabilité repose sur le renforcement des interconnexions électriques entre pays européens. Celles-ci permettent de mieux équilibrer l’offre et la demande à l’échelle du continent, en transférant l’énergie disponible vers les zones qui en ont besoin. Or, d’après l’ACER, ce réseau d’échanges reste encore trop limité.
Accélérer la construction de nouvelles lignes transfrontalières serait une solution rapide pour lisser les disparités régionales de production, notamment entre les pays très renouvelables et ceux encore dépendants des énergies fossiles. Cela participerait aussi à amortir les hausses soudaines liées aux tensions locales ou aux variations climatiques.
L’enjeu de la flexibilité pour l’avenir
Pour stabiliser durablement les prix de l’électricité, l’Europe devra aller au-delà de la simple augmentation de sa production renouvelable. Le véritable défi réside désormais dans la capacité à rendre son système énergétique plus flexible. Cela implique le développement rapide du stockage, l’intégration de technologies intelligentes de gestion de la demande, et une meilleure coopération entre États membres.
Sans ces évolutions, le Vieux Continent risque de faire face à un paradoxe déroutant : une électricité bon marché mais difficilement utilisable, car produite au mauvais moment. Et à l’inverse, une électricité hors de prix lorsque la demande explose. Dans un contexte de transition énergétique urgente, il ne suffit plus de produire plus, il faut produire mieux, et surtout, savoir quand et comment consommer.