L’horizon se dégage pour un méga-contrat d’Areva en Chine

Areva a franchi mardi un pas décisif vers le contrat final pour la construction en Chine d’une usine de traitement de combustibles nucléaires usés, un chantier providentiel pour l’ex-fleuron français de l’atome civil, engagé dans d’âpres négociations avec son partenaire chinois.
Areva et CNNC, le géant étatique du nucléaire en Chine, ont signé mardi à Pékin, en présence du président Emmanuel Macron et de son homologue Xi Jinping, un « protocole d’accord commercial » ouvrant la voie à la conclusion de dix ans de délicates discussions entre les deux groupes.
Pour Paris, la chose est quasiment déjà faite: « Nous avons l’assurance du contrat avec une échéance: sa signature au printemps », s’est avancé le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire.
« Cela représente un montant de 10 milliards d’euros immédiats (pour le groupe français), cela sauvera la filière », s’est-il enthousiasmé.
De fait, ce chantier colossal, qui devrait débuter en 2020 et durer une décennie, est jugé vital pour le nouvel Areva en difficulté, désormais recentré sur la gestion du cycle du combustible.
Chez le groupe français, la tonalité se voulait cependant beaucoup plus prudente: cela représente une « étape importante en vue de la signature d’un contrat en 2018 », mais rien n’est encore joué, a insisté un porte-parole d’Areva.
« Les discussions vont se poursuivre dans l’objectif d’arriver à la signature du contrat dans de bonnes conditions pour les deux parties », a-t-il indiqué à l’AFP.
– Bouffée d’air –
L’enjeu est monumental: la future usine franco-chinoise pourrait traiter jusqu’à 800 tonnes de combustibles usés par an, permettant d’en recycler une partie sous forme de « MOX », un mélange de plutonium usagé et d’uranium.
Le site doit être conçu et équipé par Areva, selon les technologies développées sur son site de La Hague (nord-ouest de la France) — lequel a fait l’objet de visites assidues de la part de responsables chinois.
CNNC s’occuperait lui du gros oeuvre de la construction, avant d’en devenir l’opérateur après sa mise en service attendue vers 2030.
Il s’agira du tout premier site de retraitement en Chine, où la fulgurante expansion du secteur nucléaire soulève la question des déchets radioactifs, pour l’heure stockés dans des piscines temporaires.
La Chine est le premier marché mondial de l’atome civil: le géant asiatique compte actuellement 38 réacteurs en activité ainsi que 20 en construction, soit un tiers des réacteurs en chantier dans le monde, selon la fédération World Nuclear Association.
Ce contrat, s’il se concrétise, apporterait une cruciale bouffée d’air frais pour Areva, qui a connu de graves difficultés financières à la suite d’investissements hasardeux et de la catastrophe de Fukushima.
Le groupe avait dû bénéficier d’une recapitalisation massive de la part de l’Etat, qui a réorganisé la filière nucléaire française: l’activité réacteurs d’Areva vient de passer sous le contrôle d’EDF, tandis que « New Areva » se recentrait sur le cycle du combustible, de l’extraction d’uranium au retraitement.
En 2015, Areva avait même conclu un protocole d’accord avec CNNC, ouvrant la porte à une entrée du groupe étatique chinois à son capital — qui ne s’était finalement pas concrétisée, les discussions achoppant sur la représentation du chinois à son conseil d’administration.
– ‘Effort sur le prix’ –
Sur le projet d’usine de retraitement, après un accord technique, les longues discussions entre Areva et CNNC avaient bloqué l’année passée sur le montant proposé par le Français, jugé beaucoup trop onéreux par la Chine.
Les pourparlers se sont certes accélérés ces dernières semaines, avec plusieurs déplacements à Pékin de dirigeants d’Areva.
« On n’a jamais été aussi proche d’un accord commercial » final, mais la valorisation du contrat fait toujours l’objet d’âpres discussions, soupire-t-on à l’Elysée.
« Pour débloquer les négociations, nous avons fait un effort sur le prix, à la demande des Chinois », a reconnu Bruno Le Maire lui même, qualifiant les pourparlers « d’extraordinairement difficiles ».
L’implantation géographique du futur site franco-chinois est par ailleurs sujette aux spéculations et controverses.
Envisagée dans un premier temps, la ville côtière de Lianyungang (est du pays, à 480 km au nord de Shanghai) avait fait marche arrière à l’été 2016 après d’importantes manifestations d’habitants hostiles au projet, inquiets des répercussions environnementales.
leb-jug/az

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