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La taxe carbone, une taxe écologique mal utilisée ?

« Je forme le vœu que le grand débat soit l’occasion de mieux expliquer à quoi sert la taxe carbone afin de poursuivre dès 2020 une trajectoire de progression sur la base d’un constat partagé ». C’est à travers ces quelques mots que le président du Syndicat des Énergies renouvelables a appelé le gouvernement à ouvrir le grand débat national sur la taxe carbone.

C’est en effet la Contribution Climat-Énergie, une taxe impactant à la hausse le prix des carburants, qui a provoqué la mobilisation des « gilets jaunes » à l’automne dernier.

Retour sur les raisons et les ratés qui ont entraîné une crise sociale dont l’ampleur ne semble pas vouloir diminuer.

Sanctionner financièrement les pratiques peu respectueuses de l’environnement

C’est en 1997, lors des discussions qui mèneront à la signature du Protocole de Kyoto, que la communauté internationale évoque pour la première fois l’idée de taxer les émissions de gaz à effet de serre.

Les États-membres de l’ONU sont réunis au Japon afin de traduire les objectifs de lutte contre le changement climatique, dont celui de réduire drastiquement les émissions mondiales de CO2, par des engagements concrets et contraignants.

La taxe carbone est un outil législatif qui permet d’intégrer les coûts environnementaux négatif d’une activité économique aux prix d’un bien ou d’un service.

Il s’agit donc d’un impôt environnemental direct dont le montant varie en fonction de la quantité de dioxyde de carbone rejetée dans l’atmosphère lors de la production ou la consommation d’un bien, d’un service ou d’une ressource.

L’idée derrière cet impôt est d’inciter les gouvernements, les industriels et les citoyens à se tourner petit à petit vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

Le montant de la taxe carbone est donc progressif et programmé (son augmentation est décidée à l’avance) et se calcule sur le principe du pollueur – payeur (facturation à la tonne de CO2 émise).

La taxe carbone en France…

En France, l’instauration de la taxe carbone est discutée au moment du Grenelle de l’Environnement de 2007 puis mise en œuvre en 2014 sous le nom de Contribution Climat-Énergie.

Le gouvernement Ayrault la présente à l’époque comme la composante carbone de la loi des finances. Elle est à ce titre incluse dans le calcul des taxes intérieures de consommation de énergies carbonées (taxe sur les produits énergétiques, le gaz naturel et le charbon).

Le montant de la Contribution Climat Énergie est étroitement lié à la quantité de tonnes de CO2 émise par les produits pétroliers.

Elle est donc comprise dans le prix payé par les entreprises et les citoyens au moment de l’achat des énergies fossiles (gazole, essence, fioul et gaz naturel).

Évolutive, le montant de la taxe carbone est passé de 7 euros la tonne de CO2 en 2014 à 44,60 euros en 2018.

L’augmentation de cette taxe était jusqu’à présent passée relativement inaperçue auprès des citoyens car elle n’impactait pas leur pouvoir d’achat : la hausse de la Contribution Climat-Énergie a pendant longtemps était compensée par la baisse régulière des prix du baril de pétrole.

Pourtant, l’application de la nouvelle tarification de la composante carbone prévue à la rentrée 2019 (une hausse de 44,60 euros à 55 euros) va coïncider avec la remontée des prix du pétrole.

Provoquant ainsi la colère citoyenne à l’origine de la crise des gilets jaunes.

… un outil nécessaire mais mal utilisé

L’effet inflationniste a déjà été identifié par les économistes qui se sont penchés sur la question de la taxe carbone. Étant donné qu’elle se répercute sur les prix des produits, cette taxe présente en effet l’inconvénient de réduire le pouvoir d’achat des citoyens : la hausse de la taxe carbone a ainsi entraîné une augmentation directe du prix des carburants et donc des dépenses des Français à la pompe.

La loi de transition énergétique prévoyait pourtant que l’augmentation de la taxe serait compensée par un allègement de la fiscalité relative à d’autres produits, biens ou services.

La promesse a été tenue : le gouvernement supprime l’ISF, allège les impôts sur les revenus du capital et consolide le chèque-énergie et les primes à la conversion… Des dispositifs qui ne concernent malheureusement que les ménages les plus riches ou les moins aisés.

C’est donc la maladresse du gouvernement qui entraîne la crise des Gilets Jaunes. Une situation d’autant plus problématique que la fiscalité environnementale fait indéniablement partie des outils qui nous aideront à financer la transition vers une économie moins carbonée, et donc plus respectueuse de l’environnement.

« Il est tout à fait légitime que le maintien du pouvoir d’achat ou même son amélioration occupe une place de premier rang dans la discussion et que la fiscalité écologique soit questionnée », estime Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables.

Mais le maintien d’une trajectoire claire sur le prix du carbone lui apparait comme étant « fondamental » pour la réussite de notre transition énergétique.

Il appelle à ce titre le gouvernement à être « plus clair sur l’affectation du produit de cette taxe » afin de réduire notre dépendance aux énergies fossiles au profit des énergies décarbonées.

commentaires

COMMENTAIRES

  • La taxe carbone est indispensable en contrepartie d’aider les plus défavorisés, pas seulement financièrement mais aussi avec des solutions concrètes (véhicules électriques plus légers donc plus grande autonomie et moins chers comme l’ont démontré Valéo, Gazelle Tech etc, pompes à chaleur couplées au solaire thermique et/ou hybrides – exemple Mithra avec des Cop de 6,6 à 10 ou Dualsun couplé avec Daikin Altherma 3 – plus chères mais plus rapidement amorties et couvrant plus largement tous les besoins dont la mobilité et fourniture électrique et ce bien plus durablement qu’une seule pompe à chaleur qui tourne à faible régime les mois de printemps été et plus, pour chauffer la seule partie haute d’un ballon d’ECS, un non sens) car elle favorise les réseaux de chaleur, le biogaz, et toutes les formes de chaleur locales dont solaire thermique et hybride qui peut fournir plus de 50% du réseau avec stockage au lieu d’importer pour 49 milliards d’euros par an d’énergies fossiles. L’argent revient donc dans l’économie et les emplois « locaux » au lieu de financer des oligarques et tous les aspects géopolitiques négatifs associés.

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  • Le désastre est en train de porter tort à beaucoup de choses et à bien des personnes… Pourtant, le consensus construit progressivement sur l’impératif de protéger le climat est un vrai atout pour l’avenir, de même que les forces des industries électriques et automobiles.
    On devrait relire le discours de la Sorbonne qui parlait « taxe carbone aux frontières de l’Europe »! En plus, ici, on n’a pas voulu taxer le carbone mais matraquer le diesel , technologie qui a pourtant un meilleur rendement que le moteur à essence! Sans doute parce que l’idéologie écolo parisienne y voit le sujet des « beaufs qui fument des clopes », parce qu’on a cru que l’impact sanitaire dissuaderait les protestations (mais le dossier de Santé Publique France dit « en 2007, entre 10 morts par an et 48000 » !!!) -sans oublier les tricheries de VW aux USA….
    Alors, aujourd’hui, on ajoute une manipulation supplémentaire: tout se serait bien passé si 100% du produit de cette taxation du diesel avait alimenté l’éolien et le photovoltaïque!
    Il est urgent d’arrêter tout cela et de remettre les choses à plat avant de continuer à aggraver les factures pour les ménages et les entreprises! Sans oublier le discrédit des décideurs qui seront forcément accusés de tentative d’escroquerie….

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  • ll existe une nouvelle loi sur la taxe carbone aux USA, préparée par le Citizens Climate Lobby. Cette loi prend en consideration le porte-monnaie des moins aisés: $10 de taxe la tonne ( augmentant de 10$ chaque année), payée par les fournisseurs / grosses industries / gros pollueurs. MAIS: L’argent de cette taxe est REDISTRIBUÉ à TOUS les américains ( meme leurs enfants). C’est leCarbone Dividend Act HR763, signé par les deux partis. Il faut maintenant que cet « act »pass au sénat. Cette redistribution est en outre un bon atout politique et permet de faire passer la pilule.

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  • La consommation de carburant, de fioul et de gaz dépend de leur prix à la consommation. L’impôt CO2 est un moyen à la disposition de l’Etat pour faire monter ce prix. L’Etat a décidé d’augmenter chaque année le montant de l’impôt CO2 sans tenir compte du prix du pétrole. Il était facile de prévoir que l’augmentation de l’impôt CO2 serait ou bien insensible lorsque le prix du pétrole diminue ou bien insupportable lorsque celui-ci augmente. On a connu l’une et l’autre situations. Cela n’empêche pas certains de persister dans l’idée que l’impôt CO2 doit augmenter sans tenir compte du prix du pétrole et du gaz. Par ailleurs, une partie de l’impôt CO2 servira à financer des éoliennes et du photovoltaïque qui remplaceront les réacteurs nucléaires que l’on arrêtera, à commencer par ceux de Fessenheim. On voit mal le rapport avec la lutte contre les émissions de CO2.

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  • 100% du produit de la taxe carbone affectant essence et diesel finance effectivement le soutien aux ENR électriques.

    Quelques éléments et quelques réflexions à ce propos

    Données 2018, en ordre de grandeur

    Prélèvements

    L’application de la TICPE sur les produits pétroliers permet de collecter 40 Mds€ (le gaz est taxé à part via la TICGN (***) et le charbon via la TICC respectivement).

    45% de ce montant (soit 18 Mds€) est directement versé au budget de l’Etat, le reste, 55% (soit 22 Mds€) est affecté aux territoires.

    Sur un litre de carburant payé à la pompe 1,55€, la TICPE prélève 0,60€ et la TVA 0,25€, ces deux taxes représentant 55% du prix !

    Affectation

    Sur la part du produit de la TICPE affectée au budget de l’Etat (18Mds€), 40% (soit 7 Mds€) financent le CAS-TE [(Compte d’Affectation Spécial-Transition Energétique créé essentiellement pour soutenir le développement des renouvelables électriques (5,4 Mds€) et pour rembourser progressivement la dette de l’Etat vis-à-vis d’EDF (1,6Mds€)]

    Nota : le produit de la TICC (1M€) abonde également le CAS-TE, mais l’apport est effectivement marginal.

    Par homothétie, quand on passe à la pompe, pour un litre de carburant acheté : 0,60€ x 0,45 x 0,4 = 0,11€ financent donc directement le soutien aux renouvelables électriques (+ apurement dette CSPE vers EDF).

    La TICPE (comme la TICGN et la TICC) porte aussi la taxe carbone. Avec 50€/tonne de CO2, (44,6€/t en 2018, 55€/t en 2019 mais destinée à augmenter drastiquement chaque année (**)), elle représente à elle seule 0,13€/litre de carburant (*) inclus dans les 0,60€/litre prélevés au titre de la TICPE. Ce montant est donc supérieur à ce qui va effectivement au soutien aux renouvelables, mais est du même ordre de grandeur.

    Contrairement à ce qu’on entend et lit souvent, la taxe carbone finance donc bien la transition énergétique (que l’appui aux éoliennes et autres panneaux solaires PV en France ne réduise en rien les rejets de CO2 est une autre affaire).

    En 2018, la taxe carbone appliquée aux produits pétroliers correspond donc, en gros, à ce qui est affecté par l’Etat au soutien aux renouvelables électriques. Cette parité devait être maintenue dans les années à venir, mais à des niveaux de plus en plus élevés.
    Les récents événements (gilets jaunes) vont probablement infléchir ces orientations, sans pour autant freiner le développement des EnRi, donc le besoin de soutien. Ainsi, il faudra soit trouver cet argent ailleurs, soit reconsidérer lesdites modalités de soutien, jusqu’ici très généreuses….cette situation est peut-être l’occasion d’un virage, mais il ne faut pas trop rêver.

    (*) : 1€/tonne de CO2 correspond à 0,26c€/litre de carburant, avec 50€/tonne de CO2 on arrive à 0,13€/litre.

    (**) : Dans les années qui viennent, cette taxe carbone devait augmenter drastiquement avec pour objectif d’atteindre 100€/tonne de CO2 en 2030, bien que la dérive engagée était plutôt sur une trajectoire de 160€ en 2030 !!
    Il s’agissait, entre autres, de pourvoir aux nouveaux efforts qui seront rendus nécessaires par l’accroissement très conséquent prévu en matière de développement des EnRi (éolien x3 et solaire PV x5), orientations fixées lors de la présentation de la PPE par le Président.
    Rappel : pour la taxe carbone, comme 50€/tonne de CO2 correspondent à 0,13€ d’augmentation de la TICPE par litre de carburant, 100€/tonne de CO2 correspondrait à 0,26€, etc….

    (***) : TICGN de l’ordre de 10€/MWh…à comparer aux 22,5€/MWh de la CSPE !! Comme elle intègre aussi la taxe carbone, au même taux que pour la TICPE, elle devrait augmenter significativement…mais on part de très bas par comparaison avec l’électricité.

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