« La RE 2020 va accompagner la volonté du gouvernement de faire de la France un pays neutre en carbone »
Quelles sont les principales orientations de la RE2020, réglementation environnementale dont l’enjeu majeur est de diminuer significativement les émissions de carbone du bâtiment dans le cadre de la loi Energie Climat. Éléments de réponse avec Adrien Fourmon, Avocat en droit public et en énergies renouvelables.
Quel est désormais le calendrier de la RE2020 ?
La RE 2020, qui a vocation à remplacer la RT 2012, devait en principe entrer en vigueur au 1er janvier 2021, mais, elle tarde à être finalisée, avec la situation sanitaire de 2020 ; celle-ci a été décalée à l’été 2021, pour viser dans un premier temps la construction neuve s’agissant des maisons individuelles et des logements collectifs essentiellement, ainsi qu’au secteur des bureaux et de l’enseignement.
Ainsi, il convient d’ores et déjà d’anticiper cette problématique à compter du 1er juillet 2021, pour les permis de construire postérieurs à l’entrée en vigueur de la RE 2020. On peut aussi s’attendre à une certaine accélération des dépôts de permis avant l’entrée en vigueur de la RE 2020, pour éviter les surcoûts qu’elle engendrera dans sa mise en œuvre.
Le projet de décret a été transmis au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), qui doit en principe l’examiner pour rendre un avis le 17 décembre.
Les premiers projets d’arrêtés (« méthode » et « exigences ») ont également été mis en consultation début décembre, et devraient être publiés en début d’année 2021. En revanche, les spécifications portant sur les bureaux et les locaux scolaires seront mis en consultation qu’ultérieurement « avec un léger décalage » …
Enfin, les bâtiments tertiaires plus spécifiques feront l’objet d’un volet ultérieur de la règlementation, d’ici un an environ.
Ce début d’année 2021 donnera ainsi à tous les acteurs de la filière de la construction un temps d’appropriation et d’adaptation, relativement court, pour s’adapter concrètement à ces nouvelles mesures, même si le sujet dans ses grandes lignes est connu depuis plusieurs années déjà, notamment avec la systématisation de l’ACV, et l’emploi des fiches d’emploi de données environnementales et sanitaires (FDES)et des PEP.
D’autant que certains projets, notamment les opérations de bureaux et de logements collectifs neufs, sont étudiés et définis bien avant leur dépôt de demande de permis de construire.
Les principales orientations de la RE2020 vont-elles selon vous dans le bon sens ?
La RE 2020 qui ne va s’appliquer qu’aux bâtiments construits après son entrée en vigueur va nettement plus loin que la RT 2012.
Elle poursuit plusieurs objectifs, d’après l’annonce des principales orientations décrites par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Emmanuelle Wargon ministre déléguée chargée du logement, le 24 novembre : la priorité est donnée à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ; – l’impact carbone de la construction des bâtiments doit être diminué, notamment en contrôlant leur empreinte dès leur conception et leur construction ; et la fraicheur en cas de forte chaleur doit être garantie.
La poursuite de l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments neufs est ainsi recherchée, en leur permettant d’être passifs en consommation, voire positifs, dans une démarche de conception de bâtiment à énergie positive, dite « BEPOS » (c’est-à-dire qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment).
Cependant, en ce qui concerne la contribution de l’énergie photovoltaïque produite sur site, seule la partie autoconsommée sera prise en compte, l’électricité injectée dans le réseau ne comptera pas.
On attend aussi un futur label accompagnant les réalisations allant au-delà des exigences de la RE 2020, afin d’encourager les projets les plus vertueux et bâtiments exemplaires, lequel pourrait aussi s’inspirer du label existant E+ C-, qui devra sans doute aussi évoluer en conséquence.
Permet-elle de diminuer significativement les émissions de carbone du bâtiment, enjeu majeur dans les objectifs de neutralité prévus pour 2050 ?
Les gisements d’économie d’émission de CO² sont en effet importants dans le secteur du bâtiment, même si l’essentiel concerne toujours la rénovation et donc la future réforme de la règlementation thermique de l’existant (RT existant), alors que le Haut Conseil pour le climat tance la France, dans un récent rapport, souligne son retard dans la décarbonation du secteur du bâtiment.
Après l’expérimentation du label « E+ C- », le gouvernement semble enfin déterminé à faire un pas en faveur de la neutralité carbone en matière de construction neuve.
La RE 2020 a ainsi été conçue et imaginée pour accompagner la volonté du gouvernement de faire de la France un pays neutre en carbone d’ici l’année 2050, et de s’adapter face au changement climatique, suivant la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Le but recherché est clairement d’exclure les énergies fossiles de la construction neuve.
En outre, l’analyse de cycle de vie (ACV) devient obligatoire, et sera appréhendée de manière « dynamique », c’est-à-dire que la « charge carbone » d’aujourd’hui pèsera plus lourd dans le calcul que celle de demain, évolution que les filières du ciment et du béton cherchaient à éviter, tandis que les matériaux biosourcés devraient être favorisés…
Ainsi, pour les maisons individuelles, le plafond maximal d’émissions de gaz à effet de serre (GES) sera fixé à 4 kgCO2eq/m².an dès l’entrée en vigueur de la RE 2020. En ce qui concerne le logement collectif, le plafond sera fixé à 14 kgCO2eq/m².an à l’entrée en vigueur de la RE 2020, puis ramené à 6 kgCO2eq/m².an en 2024. Selon les ministres, cela devrait éliminer le gaz et laisser passer le chauffage par granulés de bois.
Ainsi, le gaz semble avoir vécu (et sera exclu tout de suite en maisons individuelles neuves et d’une manière générale d’ici 2024), tandis que le biométhane et les autres gaz verts, sont plutôt développés pour remplacer le gaz naturel dans les bâtiments existants, sans avoir vocation à se développer en construction neuve.
La période de 2021 à 2024 constituera donc une période d’apprentissage (-15% de contenu carbone équivalent, exprimé en kgCO2eq/m²), pour assurer la « soutenabilité de la trajectoire », selon les termes de la Ministre Emmanuelle Wargon, puisque le seuil carbone sera ensuite plus exigeant -25% en 2027 et sera abaissé en 2030 entre 30 et 40% par rapport au niveau de référence actuel.
La RE2020 favorise-t-elle du coup l’électricité ?
Certaines orientations prises font l’objet de critiques vives ; notamment, la polémique bat son plein en ce qui concerne les arbitrages pro-électricité du gouvernement qui favoriseraient le chauffage électrique, avec la baisse du coefficient d’énergie primaire (Cep) pour l’électricité et du contenu carbone du chauffage électrique.
La prise en compte du confort d’été est-elle essentielle ?
L’un des objectifs est en effet d’améliorer le confort des habitants, en adaptant les logements au nouveau climat, pour tenir compte des épisodes de canicule que nous rencontrons régulièrement.
L’une des avancées majeures sur le plan technique est liée à la baisse de 30 % de l’indice bioclimatique dite « Bbio » – c’est-à-dire le besoin d’énergie indépendamment des systèmes de chauffage et de production d’ECS.
Ce qui est significatif par rapport à l’actuelle RT 2012 et suppose une amélioration importante de l’enveloppe des bâtiments pour minimiser les besoins de chaleur mais aussi les besoins de rafraîchissement puisque l’indice Bbio contiendra également un « Bbio froid » qui permettra de s’assurer que le bâtiment soit en dessous d’un seuil de degrés-heures d’inconfort thermique, 30 °c le jour et 28°c la nuit.
COMMENTAIRES
« Cependant, en ce qui concerne la contribution de l’énergie photovoltaïque produite sur site, seule la partie autoconsommée sera prise en compte »
Très bien mais comment , à l’avance, savoir distinguer ce qui sera autoconsommé du reste?
Logiquement la RT 2020 devrait être encore modifiée: l’Europe a décidé, avec quitus par le parlement européen il y a quelques mois, « une baisse de 60 % des émissions de CO2 d’ici 2030 » alors que pour la France, dans le cadrage de la « convention citoyenne » il s’agit de » 40% des émissions de gaz à effet de serre » ( donc encore moins pour le CO2, puisqu’il y a d’autres sources).
L’article, excellent, ne mentionne pas l’utilisation, fondamentale, de l’Hydrogène ( voir le commentaire sur les deux articles précédents connexes ( le premier sur « le chauffage électrique en France, une bonne idée pour le climat ? »: »).