Les plates-formes industrielles, vecteurs de la transition énergétique et écologique

Éclairage signé Erwan Cotard, directeur de marché chez Engie.

Ne bénéficiant pas toujours d’une image positive dans le grand public, les zones d’activités (ZA) et plate-formes industrielles poursuivent leur mue dans une certaine discrétion.

Si la lutte contre l’artificialisation des sols et le soutien à la biodiversité sont légitimement les thèmes montants, la transition énergétique reste un champ complémentaire encore largement sous exploré.

Que l’on parle de décarbonation ou plus récemment de neutralité carbone (à l’instar de l’évolution sur l’artificialisation avec le concept de zéro artificialisation nette), quelles sont les pistes pour s’assurer que les zones, d’activité ou industrielles, restent dans la course ?

Une prise de conscience qui s’accélère

L’énergie est passée du statut de sujet technique, souvent difficile à appréhender par les élus et décideurs en général, à un sujet stratégique, pour ne pas dire de société. Les acteurs moteurs de la lutte contre le changement climatique ont d’ailleurs changé : d’une logique étatique influencée par les acteurs de la société civile (époque Protocole de Kyoto) nous sommes passés à une mobilisation forte des acteurs de terrain.

Les villes, entreprises ou citoyens ont pris la tête du mouvement, avec le soutien réglementaire des états ou parfois en avance sur eux (USA, Brésil…). Quel secteur économique ne voit pas ses entreprises adopter des labels environnementaux ou adhérer à des initiatives autour du changement climatique ?

Si on s’intéresse par exemple à la pharmacie, secteur sous le feu des projecteurs avec la crise sanitaire, on constatera que tous les acteurs mondiaux se sont fixés des objectifs (22 sociétés majeures ont pris des engagements chiffrés[1] ).

Entreprises et collectivités se retrouvent dans les fameux 3D (Décentralisation, Décarbonation, Digitalisation) que nous pouvons tous nous approprier et que certains complètent dorénavant par les 3P : People, Planet, Profit.

Ces 3 piliers, nous pouvons les décliner pour l’énergie à travers l’efficacité énergétique, la production décentralisée d’ENR ou encore la mobilité décarbonée qui sont autant de pistes de travail pour les zones d’activités (déjà largement mises en œuvre par les adhérents de PALME en particulier[2] ).

On peut y ajouter l’économie circulaire qui fait un impressionnant retour en force dans les zones industrielles à travers le monde.

Les Zones d’activité, beau terrain de jeu pour la transition énergétique !

Nous verrons le cas particulier des Zones industrielles un peu plus loin car elles se caractérisent par leur intensité énergétique (et écologique, notamment par leur consommation en eau). De nombreuses zones d’activité tertiaires ou mixtes se caractérisent par des bâtiments « passoires » au bilan énergétique désastreux.

Pourtant, les outils existent comme les Contrats de performance énergétique afin de les rendre plus efficaces[3] .

Considérer les zones d’activités comme de véritables territoires permet également de leur appliquer les démarches des villes intelligentes ou Smart city et contribuer au confort de ses occupants grâce au digital (pilotage intelligent des lumières, du chauffage voire de la circulation).

Dresser un bilan carbone puis une feuille de route adaptée permet de hiérarchiser les actions et d’engager la transition énergétique et enfin de communiquer dans le territoire – un volet qui est souvent sous dimensionné.

Le solaire (photovoltaïque ou thermique) offre également un excellent moyen de transformer des zones de consommation en centres de production d’énergie verte dans une logique de « consommacteur » qui peut être bénéfiques pour les entreprises (image), les collectivités (attractivité) et les citoyens, amenés à porter un nouveau regard sur ces zones, voire à y investir dans une logique de financement participatif[4] .

Dans le cas particulier de zones n’ayant jamais décollé et qui peuvent être requalifiées, la production d’énergie offre d’ailleurs une porte de sortie intéressante (champ PV combiné avec de l’élevage, méthanisation, etc).

Au-delà de ces actions classiques, les zones d’activité ou industrielles peuvent être les champs d’expérimentation visibles sur les solutions d’avenir.

Les projets de mobilité durable peuvent bénéficier à la fois du foncier, des flux existants et du positionnement des zones pour se développer. Outre les bornes électriques, un service devenu incontournable, l’implantation de stations gaz naturel véhicules (GNV ou bioGNV) ou encore d’hydrogène vert sont une piste intéressante (la plateforme de Rungis en fournit un exemple intéressant en cumulant stations GNV, GNL, électriques et Hydrogène).

Enfin, que ce soit à des fins de mobilité (BioGNV), pour le réinjecter sur le réseau de gaz naturel ou dans la filière thermique (écoquartiers, réseaux de chaleur), le biométhane est un formidable vecteur de dialogue et de collaboration concrète avec le monde agricole voisin.

Le cas particulier des zones industrielles

Si toutes ces pistes (solaire PV, mobilité durable, biogaz,…) sont valables pour les zones industrielles et y rencontrent un nouvel écho, les consommations importantes d’énergie rendent indispensables des approches spécifiques.

Même si chaque entreprise présente sur la zone peut souhaiter mettre en place ses propres actions pour se les approprier pleinement d’un point de vue communication/bilan carbone, compte tenu de la taille des installations, les ambitions en la matière ouvrent la porte à des infrastructures mutualisées : production et réseaux d’hydrogène, « dorsales carbone [5] » ; recyclages de matières solides…

Qui elles même s’appuient sur un renouveau des logiques d’économie circulaire et de verdissement des productions. L’économie circulaire implique une rationalisation des installations et des interactions, parfaitement maitrisée par les opérateurs[6] .

À l’instar du secteur de la chimie dont l’intégration avait été mise à mal par les nombreux découpages d’entreprises et qui développe actuellement à la fois la chimie « verte » ou biosourcée et les logiques de plaque industrielle.

Le retour de « l’écologie industrielle » qui semble se faire souvent autour de l’hydrogène[7] et du carbone, au-delà de la traditionnelle chaleur fatale pourtant encore largement sous exploitée[8] . Les interactions entre secteurs sont frappantes : des aciéristes devenant des fournisseurs de chimistes et vice-versa…

Les plateformes industrielles où se côtoient des industries de secteur différents et où les filières de recyclages sont encourages par les pouvoirs publics ont clairement un avantage pour mettre en place cette nouvelle économie verte décarbonée.

Et comme il est plus facile de s’implanter sur une plate-forme existante qu’ex nihilo, des plaques industrielles anciennes pourraient y trouver un nouveau souffle[9] .

La pratique montre en effet que disposer de fonctionnaires habitués aux installations Seveso, d’agences de sous traitants connaissant l’industrie et de réseaux d’utilités en place facilitent grandement l’installation d’industries, aussi innovantes soient elles.

D’autant plus que des financements importants sont disponibles dans le cadre des plans de relance européens et nationaux. Une belle fenêtre d’opportunité pour participer à la réindustrialisation de nos pays.

—————————————–

[1] Dont 14 avec des objectifs scientifiques (“science-based targets ») tels que réduire leurs émissions de 40% d’ici 2025.

[2] https://www.palme-asso.eu/ Association des

[3] Le Camp militaire de la Valbonne, qui est une autre sorte de zone d’activité (!), a vu ainsi sa consommation sur 155 bâtiments réduite de 40% grâce à ce type de contrat. Cf https://www.ademe.fr/expertises/batiment/passer-a-laction/outils-services/garantie-performance-energetique

[4] Crowdfunding, en développement sur les champs solaires et éoliens.

[5] Voir par exemple les projets en Belgique. https://www.gasworld.com/antwerpc-investigates-potential-for-halving-co2-emissions/2019208.article

[6] Voir par exemple la plate-forme inspira et l’utilisation d’un logiciel dédié, Be Circle, pour optimiser les flux entre les entités.

[7] Dont les chimistes par exemple sont à la fois producteurs (chloriers) et consommateurs (engrais), idem en pétro chimie où les besoins sont amenés à augmenter dans les raffineries avec notamment les nouvelles normes sur les carburants.

[8] Surplus de chaleur issue d’un processus industriel qui est exploitée pour d’autres process industriels voisins ou au travers d’un réseau de chaleur pour des ZA ou quartiers voisins.

[9] Par exemple Carling où la chimie verte se développe grâce à de nouveaux acteurs et aux acteurs historiques comme Total ou Arkema.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Tout ceci est très intéressant, mais ces réflexions doivent se baser sur des faits tangibles.
    Que localement, on développe le solaire thermique et les isolations des bâtiments, par exemple, parfait.
    La consommation locale de l’électricité demanderait du stockage local, par exemple des panneaux solaires sur le toit d’une grande surface, l’énergie étant stockée dans des batteries et réinjectée dans le magasin tout au long de la journée.
    Je crains que ce soit pour le moins peu rentable, et ne pose des problèmes de pollution dus à la fabrication des batteries.
    Sinon, on voudrait injecter l’électricité produite sur le réseau.
    Et nous ne sommes plus du tout en local, mais sur la gestion générale du réseau électrique. Il n’existe pas de réseau local.
    Et là, on tombe sur un problème général :
    Un réseau électrique doit être pilotable. Je pousse le bouton, et ça fonctionne.
    Et nous pouvons classer les sources d’énergies pilotables en deux groupes :
    1) pilotables par nature, centrales à gaz ou à charbon, nucléaire, un peu de bio, hydraulique, …
    2) Pilotables par mariage, éoliennes lorsque le vent souffle mariées à des centrales à gaz en cas de manque de vent, idem pour le solaire, et ce mariage est indissociable.
    Pas d’éolienne ou de solaire sans CO2.

    L’auteur parle d' » l’efficacité énergétique, la production décentralisée d’ENR ou encore la mobilité décarbonée » Fort bien.
    Pour l’efficacité énergétique, on est totalement d’accord.
    Pour le second, on vient de montrer que c’est une ânerie, si on ne veut pas générer de CO2 en masse.
    Pour « la mobilité décarbonée », bien sûr que nous sommes encore d’accord. Que ce soit par des véhicules électriques ou à hydrogène.
    Les deux nécessitent de l’électricité verte, donc sans CO2, donc à partir de centrales nucléaires, de préférence surgénératrices, et d’hydraulique, les deux seules sources d’énergie de puissance sans CO2.
    Donc, les moyens proposés par l’auteur pour atteindre ses nobles objectifs vont à l’encontre de ces objectifs.
    Dommage.

    Répondre
  • Avec sa théorie fumeuse, le petit « ingénieur » prétend que pour chaque MW éolien il faut construire un MW de centrale au gaz pour « les jours sans vent ».

    Pour illustrer ses hallucinations, celui-ci peut-il nous dire de combien a augmenté en Allemagne la puissance en éolien, solaire, charbon, lignite, pétrole, gaz et autres depuis dix ans ?

    Répondre
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