industrie est fer lance massification hydrogene renouvelable bas-carbone - Le Monde de l'Energie

« L’industrie est le fer de lance de la massification de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone »

Second volet de notre entretien avec Emmanuel Bensadoum, responsable du pôle expertise-études chez France Hydrogène, pour détailler avec lui la place de l’hydrogène, en particulier décarboné, dans la stratégique énergétique française. Retrouvez la première partie ici.

 

Le Monde de l’Énergie —Parmi les différents usages de l’hydrogène bas carbone, quels sont les débouchés qui vous semblent les plus naturels en France ?

Emmanuel BensadoumL’étude Trajectoire grande ambition – volet 2 nous a permis d’avoir une visibilité sur la consommation des plus de 1 million de tonnes d’hydrogène renouvelable et bas-carbone à 2030. Notre recensement des projets nous indique que l’industrie est dans une position de fer de lance de la massification de la filière avec 815 000 tonnes (en intégrant les besoins en carburants de synthèse dont l’usage final est celui des mobilités) d’hydrogène renouvelable et bas-carbone consommées. Les usages historiques ou « conventionnels » de l’hydrogène comme le raffinage ou la production d’engrais prendront leur part de cette consommation, ainsi que la sidérurgie grâce à une conversion des process actuels de fabrication de l’acier très émetteurs de CO2 à la réduction directe par l’hydrogène. Mais un des faits marquants sur ce segment, c’est la large part des projets liés à la production de molécules de synthèse : 425 000 tonnes d’hydrogène sont consacrées à la fabrication de méthanol, d’ammoniac ou encore de e-kerosène par exemple. Ces e-fuels viendront contribuer à décarboner le secteur de l’aviation mais également celui du transport maritime. L’enjeu est important sur ce segment car il s’agit de conserver des industries en France – la sidérurgie notamment ou la production d’engrais. Pour ce qui concerne les e-fuels, l’enjeu est de faciliter réglementairement et financièrement le développement de cette filière qui devra faire face à une forte concurrence au niveau international.

La mobilité est également un débouché majeur pour la filière notamment la mobilité routière avec des équipements et une offre de véhicules déjà disponibles. C’est le cas sur le VUL avec les véhicules de Hyvia et Stellantis disponibles à la commande. Le maillage de l’infrastructure de recharge sur le territoire est initié avec une soixantaine de stations en service et 225 stations recensées en opération à court terme (2025). Les collectivités sont à l’initiative de plusieurs déploiements d’envergure notamment de bus et de bennes à ordures ménagères à hydrogène. En parallèle, les usages de l’hydrogène pour les mobilités professionnelles sont de plus en plus nombreux, le long de corridors stratégiques et autour d’écosystèmes structurants comme des plateformes logistiques, des ports et aéroports ou des zones urbaines denses (l’exemple des taxis en région parisienne).

Ce déploiement de la mobilité routière lourde et/ou intensive sera complété par les usages ferroviaires avec l’arrivée en 2025 du TER commandé par 4 régions françaises, les usages aéronautiques et les usages maritimes et fluviaux.

Ainsi les débouchés les plus naturels de l’hydrogène sont ceux qui produisent l’effet le plus important sur la décarbonation de notre industrie et de notre économie, en substitution de l’hydrogène carboné actuellement utilisé dans l’industrie chimique, mais aussi pour les nouveaux usages le plus souvent en complément ou en prolongement des solutions d’électrification « directe », comme, dans le secteur de la mobilité routière, sur les segments de la mobilité lourde et intensive pour lesquelles l’électrification directe est difficile.

Le Monde de l’Énergie —La production d’hydrogène vous semble-t-elle adaptée pour répondre à l’intermittence de la production de l’éolien ou du photovoltaïque ? Est-ce rentable de construire une station à électrolyse ne fonctionnant pas à temps plein ?

Emmanuel BensadoumA l’horizon 2035, aucune nouvelle capacité nucléaire ne devrait être raccordée au réseau électrique français. Seules des capacités renouvelables intermittentes ou fossile pilotables le seront. Le réseau électrique français est actuellement très majoritairement pilotable et bas carbone grâce à son parc nucléaire et à ses ressources hydrauliques. Avec le raccordement planifié de parcs solaires et éoliens conséquents sur cet horizon, ce réseau aura tendance à voir une augmentation croissante des écarts entre la production et la demande d’électricité. Etant donné la forte croissance de la demande d’électricité dans les prochaines années en France, les ressources pilotables décarbonées verront leurs marges de manœuvre se réduire, étant de plus en plus sollicitées au maximum de leurs capacités. Le stockage ou le transport de l’énergie produite dans les phases de surcapacités sous forme d’hydrogène permettrait dans ce contexte d’apporter de la flexibilité au réseau, soit vers d’autres débouchés de l’hydrogène, soit pour constituer une réserve d’énergie et permettre ainsi de ne pas appeler de sources carbonées lors des pics de demande et des phases d’arrêt des sources intermittentes. A noter que dans le cadre des récents travaux liés au bilan prévisionnel de RTE, l’accent a été mis sur le besoin de développement de la flexibilité et du stockage de l’hydrogène pour optimiser le fonctionnement du système électrique français. Les besoins de mise en œuvre de ces solutions émergeraient dès 2030-2035, ce qui va nécessiter de travailler concrètement sur cette thématique dans un futur très proche.

Dans le cas de sites isolés ou insulaires, l’hydrogène a déjà fait ses preuves pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables et stocker sur le long terme l’électricité produite. Plusieurs projets pilotes permettent de bénéficier de retours d’expériences comme par exemple, la chaine énergétique hydrogène déployée à la Réunion de 2017 à 2022 afin d’alimenter plusieurs bâtiments du hameau de Mafate.

Quant à l’électrolyse fonctionnant à l’électricité produite par des sources d’électricité renouvelables et intermittentes, il est naturel de se poser la question de la rentabilité d’une installation soumise à un taux de charge limité. Cependant les baisses de coût drastiques dont ont bénéficié les technologies renouvelables, mais aussi la suppression de certains coûts liés à l’intégration au réseau électrique pour la part d’électricité fournie directement à l’électrolyseur, permettent de contrebalancer cette problématique de chargement partiel. A cet égard le tout récent panorama de la filière hydrogène produit par l’AIE « Global Hydrogen Review » 2023 indique des coûts de production d’hydrogène renouvelable par électrolyse à partir d’électricité renouvelable entre 2 et 3€ du kilogramme dès 2030 en France, ce qui est déjà très compétitif. A noter également que différents modèles sont envisagés, dont notamment une hybridation de l’approvisionnement électrique entre un parc renouvelable en connexion directe, et un complément par le réseau électrique national. Ce dernier cas met bien en exergue l’apport particulier du réseau électrique décarboné français à composante majoritairement nucléaire.

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