hydrolienne

Quelle place pour l’hydrolien dans le mix énergétique ?

Un article de notre partenaire Les Energies de la mer.

La rédaction des Energies de la mer a rencontré Méziane Boudellal, expert en énergies renouvelables alternatives (hydrogène…) afin qu’il développe plus particulièrement son analyse sur l’état de la recherche de cette filière fluviale et marine, les contraintes qu’elle rencontre et les perspectives de marché d’ici 2020 – 2025.

L’hydrolien, est-il une niche énergétique ?

Les expérimentations actuelles et les différentes technologies en évaluation ne sont que le frémissement d’une éventuelle émergence de l’hydrolien à grande échelle. Cependant, s’imaginer des parcs hydroliens comparables aux parcs éoliens offshore avec des centaines d’unités relève plutôt de l’utopie, trop d’incertitudes pesant encore sur cette technologie pour le « grand hydrolien marin ». Même si les potentiels (théoriques) de production ne sont pas négligeables cela ne signifie pas qu’un décollage est nécessairement à attendre pour ou avant 2020-2025.

Pensez-vous les investissements financiers suffisants pour faire passer plus rapidement de la R&D au développement industriel ?

Les principales limitations de l’hydrolien sont encore des technologies non éprouvées sur le long terme, un coût des équipements (de recherche) très élevés (4 millions d’euros par MW pour le parc du Raz Blanchard), un prix du kWh dissuasif (359 euros/MWh pour le projet Atlantis Resources dans la baie de Fundy, à relativiser cependant car les 2 appels d’offre pour l’éolien en mer lancés en France en 2011 et 2013 et attribués en 2012 et 2014 garantissent un prix de l’ordre de 170-200 €/MWh, considéré aujourd’hui comme trop élevés comparé aux 49.9 €/MWh pour le parc Kriegers Flak au Danemark opérationnel en 2019). A ceci s’ajoutent les difficultés techniques liées au milieu marin: corrosion, incrustation, difficulté éventuelles d’accès pour la maintenance et la réparation.

Mais ces éléments financiers de tarif d’achat ne sont–ils pas à relativiser puisqu’il s’agit de production d’énergie à partir de démonstrateurs d’hydroliennes et non d’éoliennes dont la filière a débuté il y a 30 ans ?

Face aux nombreuses options technologiques (pales carénées ou non, générateur central ou externe, orientable ou fixe…) ou selon le type de fixation sur le sol marin (ancré ou posé, plateforme immergeable…) laquelle va s’imposer? Un aspect à considérer est, par exemple, l’efficacité en kW/m2 de surface externe (pour le moment il semblerait que celle d’Open Hydro soit la plus faible, probablement due au centre ouvert et générateur concentrique).

Quels sont les avantages de l’utilisation des courants de marée ?

Si l’hydrolien permet une production continue ou du moins très prédicable, il ne nécessite pas, à priori, de stockage pour stabiliser sa production. Cependant, et fonction de la demande, si la production dépasse la consommation, un stockage sera nécessaire ne serait-ce que pour valoriser cette « surproduction ».

Une filière industrielle peut-elle émerger ?

La viabilité de cette approche, dans une vision à long terme et pérenne, est encore à vérifier. La technologie doit encore faire ses preuves techniques et financières. Pour cela, les évaluations en cours ou prévues doivent montrer que les choix techniques sont justifiés. Se lancer sans ambition ni marché assuré serait prématuré et l’abandon de cette filière par Siemens ou GE doit le rappeler de même pour le projet d’AREVA/Adwen d’usine d’éoliennes avec une technologie qui n’a pas été retenue par les repreneurs (Siemens-Gamesa).

Mais ne pensez-vous pas que Siemens et GE préfèrent se concentrer sur le marché de l’éolienne offshore qu’ils maîtrisent, qui est un marché mature et dont l’enjeu est de développer de grandes machines de 10 à 13 MW d’ici deux ou trois ans pour répondre aux appels d’offre de leurs clients ?

Certes GE et Siemens sont des acteurs importants dans le monde de l’éolien mais à l’origine ils avaient investis dans deux sociétés produisant des hydroliennes. Leur sortie de ce marché signifie probablement que les perspectives sont trop incertaines et le marché trop réduit pour continuer dans cette voie. Ce qui ne la ferme pas à des structures plus petites visant cette niche.

Par ailleurs, ne pensez-vous pas que les éoliennes posées ou flottantes ont des capacités de production trop importantes et demandent des infrastructures lourdes pour des îles, des zones non interconnectés de 200 à 1000 habitants ?

Les îles ou zones isolées n’ont pas nécessairement besoin d’hydrolienne marine ou fluviale. Cela semble provocateur mais l’éolien terrestre, le photovoltaïque associé à un stockage peuvent aisément couvrir les besoins de petites communautés. Cependant, en fonction des éléments géographiques locaux comme rivière, fleuve ou courant marin avec un débit suffisant une hydrolienne peut être le bon choix, si elle répond aux critères de production et de coûts.

À l’exemple d’HydroQuest River dans le Rhône, EcoCinétic ou Hydrogen au Congo, ne pensez-vous pas que l’hydrolien fluvial flottant démarre ?

De par certains avantages l’hydrolien marin (ou fluvial) se destine plutôt à des zones (îles, zones isolées…) ou des activités (plateformes pétrolières ou pour amarrage de navires) où une production renouvelable d’électricité justifie son utilisation, associé à l’éolien ou le photovoltaïque, malgré les coûts encore élevés et les inconvénients associés. Pour une production importante d’électricité l’éolien offshore est une voie incontournable aussi bien par la baisse des prix que leur production (en mer du Nord et mer Baltique, les éoliennes ont fonctionnés pendant plus de 340 jours en 2017 avec un facteur de charge allant jusqu’à 50%). La même approche doit s’appliquer à l’hydrolien fluvial, selon les opportunités qui sont de garantir un approvisionnement électrique, de préférence « vert » et relié à la demande locale vu leur faible puissance de quelques dizaines de kW.

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COMMENTAIRES

  • la prochaine fois interrogez un spécialiste des énergies fossiles ça sera plus clair, comment peut-on avoir un avis éclairé d’une salarié d’un domaine concurrent si elle y croit elle risque sa place

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    • Bonjour,
      Dans l’hydroélectricité depuis plus de 30 ans et concepteur d’un nouveau concept de groupe hydroélectrique pour très basses chutes, je connais un peu ce métier et je trouve l’avis de Mr Boudellal plutôt pertinent et très mesuré.
      GE et Siemens ne sont pas les petites sœurs de la charité, s’ils abandonnent c’est qu’ils ne voient pas d’issue à cette impasse technologique.
      Pour ma part, je serais beaucoup plus tranchant. Les prototypes d’hydroliennes marines Français ne sont pas viables, et sont le fruit de développements techniques très peu professionnels, hormis celui d’Alstom (GE veux je dire:)) qui disposait des compétences et des moyens pour développer une machine qui marche.
      Le problème est que même si la machine marche, ce qui n’est absolument pas le cas pour les machines françaises, la viabilité économique est nulle. Le rapport entre la taille et le poids des machines et leur puissance ou leur capacité de production est rédhibitoire (plusieurs centaines de Tonnes pour moins d’1MW installé ou au mieux 6 GWh/an). Hors notre métier in fine est un prix au kg. Donc très lourd = très cher.
      Si l’on ajoute, le milieu marin hostile, le raccordement au continent, et la maintenance très difficile et très onéreuse, on ne trouve aucune issue.
      Je trouve navrant qu’autant d’argent ait pu être investi en pure perte sur des concepts morts nés alors qu’il y a encore des énergies marines potentiellement rentables à développer comme le marémoteur côtier, l’énergie de la houle et autres énergies hydrauliques basées sur l’énergie potentielle et non sur l’énergie cinétique.

      Répondre
      • Je serai encore plus tranchant que M Leclerc, pas seulement sur les machines mais aussi sur la filière marine ; qu’en est-il de la ressource effective avec les marées, ceci en terme énergétique L’énergie extraite est beaucoup plus restreinte que le marémoteur pour une raison toute simple : l’énergie est proportionnelle à la hauteur de chute alors que l’hydrocinétique ressort d’une vitesse au cube (qu’un seuil mini de vitesse est indispensable pour produire + Betz..) et dans un cas la totalité de l’eau traverse les machines alors que dans un milieu infini le confinement n’existe pas ou très peu. Le facteur de charge est de l’ordre de 23 % pour le marémoteur alors que l’hydrocinétique sur le même type de ressource aura du mal à atteindre 10 %. L’hydrolien ne se conçoit que dans des niches très ciblées et surement pas en mer en milieu infini .
        En plus des commentaires de Marc Leclerc, j’en ajoute un autre, trivial, le client n’est pas en pleine mer et 40 % total du cout se situe sur cette partie d’interface, plus le poste est éloigné, plus son cout baisse évidemment en ensouillant les câbles.

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    • Un intérêt à 6 fois le prix du PV, ceci offre-t-il toujours le même intérêt, il peut être technique mais dans ces conditions cela se nomme de la Recherche et Développement . En plus le PV est proche du client, alors que l’hydrolien il est à 10-15 kms du même client .

      Répondre
  • Atlantis n’opère pas dans la Baie de Fundy, Canada, mais en Ecosse. En baie de Lundy le groupe canadien EMERA et le Français NAVAL GROUP ont constitué Cape Sharp Tidal société dont l’objectif est d’exploiter 2 machines de 2 MW du type Open Hydro. EMERA, dans un courrier du 31 janvier 2017 adressé au Novia Scotia Utility and Review Board a donné la production de la première machine pour la période du 7 novembre au 31 décembre 2016: 5,4 MWh en 7 semaines. Par comparaison un foyer français consomme environ 4 MWh/an hors chauffage. La première machine est tombée en avarie en avril 2017 et a été remontée en juin. Pas de nouvelle mise à l’eau avant la belle saison. La 2ème machine est en attente sur le quai.
    Les comparaisons de prix doivent être faites avec le prix auquel EDF est tenue par la loi NOME de vendre 25% de sa production à ses concurrents: 42 €/MWh. On peut aussi le faire vis à vis du prix de marché.

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