Transition énergétique dans les métropoles, la ruralité et le désert

Transition énergétique ? Beaucoup en parlent, peu savent l’expliquer simplement. Réseaux, transport, bâtiments : avec leurs yeux de géographes, le Français Louis Boisgibault et le Saoudien Fahad Al Kabbani ont réuni leurs thèses de doctorat à Paris-Sorbonne pour présenter enjeux et solutions contrastées dans trois types d’espaces : les métropoles, la ruralité et le désert.

Un fascinant périple à travers « Transition énergétique dans les métropoles, la ruralité et le désert » (ISTE éditions) 

Pour le lecteur averti, cet ouvrage synthétique est le bienvenu. Il n’est pas une simple revue d’articles scientifiques, comme cela est souvent le cas dans le monde scientifique. C’est un véritable ouvrage pédagogique, qui s’adresse tout d’abord aux étudiants, aux enseignants, aux élus, aux professionnels.

Mais, au-delà d’un cercle d’initiés, le citoyen novice dans le domaine et désireux d’apprendre y trouvera aussi un solide socle de connaissances à approfondir : et quoi de mieux que des exemples concrets, issus de la pratique du terrain, pour mesurer la formidable complexité du sujet, dans ses dimensions politiques, culturelles, géographiques, économiques, scientifiques, technologiques, réglementaires, environnementales ?

Six terrains de recherche

Il n’existe pas de solution universelle ni de réponse simple aux enjeux de la transition énergétique. Les réponses, multiples, doivent tenir compte des contraintes du terrain, des projets qui y ont déjà réalisés et des innovations technologiques.

Nos géographes ont choisi six terrains de recherche très contrastés, dans le grand espace Europe-Moyen-Orient-Afrique. Deux métropoles, ayant une forte densité de population : Riyad (Arabie saoudite) et Lille (France). Deux territoires ruraux, à faible densité de population : le Pays de Fayence (Var, France) et la commune de Bokhol (Dagana, Sénégal).

Deux territoires désertiques : Ouarzazate (Maroc) et Neom (Arabie Saoudite). Ces six terrains ont recours à des énergies adaptées depuis toujours. Ils se sont engagés dans un processus de transition énergétique, chacun à son échelle, à sa vitesse, à sa manière, avec des contraintes propres.

De nombreuses photos et fonds de carte illustrent le contexte passé et présent de chacun des sites. La comparaison de ces terrains contrastés permet de dégager des concepts communs et structurants.

Les trois leviers majeurs de la transition énergétique sont les consommations d’énergie, les productions d’énergie et les réseaux d’énergie et de transport.

Dans les métropoles

Dans les métropoles, il s’agit tout d’abord de réduire les énergies consommées dans les bâtiments (électricité, gaz, fioul, chaleur, bois) pour les usages classiques et l’éclairage public ; l’objectif est d’augmenter l’efficacité énergétique d’au moins 32,5% et réduire les émissions de CO2 de 15 % à l’horizon 2030.

Les locataires et les bénéficiaires de logements sociaux ne doivent pas être exclus de la transition énergétique. Les transports (personnes et marchandises) utilisant une propulsion à combustion (essence et diesel) doivent être réduits. Les industries et services doivent être moins gourmands en énergie : il faut pour cela développer la recherche, les services et les emplois liés à la transition énergétique en circuits courts.

La production urbaine d’énergie connectée aux réseaux, quant à elle, doit réduire la part des centrales thermiques et à charbon pour augmenter celle des énergies renouvelables intégrées au bâti, avec injection aux réseaux électriques, de gaz, de chaleur.

Il s’agit aussi d’arrêter les chauffages collectifs et les groupes électrogènes au fioul, et encourager la micro-production d’électricité, de biogaz et de chaleur pour une autoconsommation individuelle et collective. Les réseaux urbains d’énergie doivent être sécurisés et décarbonés.

Enfin, les réseaux urbains de transport doivent permettre une circulation fluide et sûre, et promouvoir la mobilité douce.

Dans les zones rurales

Les enjeux et les solutions sont similaires pour les territoires ruraux en termes de consommation d’énergie. Pour les productions rurales d’énergie, l’objectif est de porter la part des énergies naturelles et renouvelables au moins à 32 % d’ici 2030.

Certaines solutions sont particulièrement à développer : pour les personnes, le transport à la demande, le partage des véhicules et les taxis collectifs ; pour les marchandises, le transport fluvial et ferroviaire.

Pour les industries et services ruraux, l’objectif est de réduire le CO2 de 15 % à l’horizon 2030, en améliorant l’efficacité énergétique, en renforçant la réglementation sur les sites industriels, en développant les circuits courts et le recyclage.

Et dans le désert ?

Le désert, quant à lui, offre une potentialité énergétique pour l’humanité, à exploiter intelligemment et à respecter.

Pour limiter la consommation d’énergie, il faut baliser le nomadisme en développant des pistes avec des stations de télécommunication alimentées par l’énergie solaire ; évaluer régulièrement l’impact environnemental des activités extractives et du tourisme ; renforcer les exigences environnementales par des régulations ; préserver les ressources souterraines ; recycler les déchets.

La production d’énergie doit viser un objectif de 100 % d’énergies naturelles et renouvelables à l’horizon 2030.

Pour la production d’énergie connectée aux réseaux, il s’agit de développer la production d’électricité et de chaleur par l’énergie solaire et l’éolien, d’une part par la microproduction en site isolé, d’autre part par la construction de grandes centrales utilisant ces énergies de flux.

L’appui technologique

Quel que soit son terrain d’application, la transition énergétique s’appuie sur une forte innovation technologique, déclinée selon de multiples dimensions : on pense en premier lieu à l’énergie solaire (photovoltaïque ou thermodynamique à concentration), à l’énergie éolienne ou à la géothermie.

Mais il faut aussi mesurer les énergies consommées, récupérer la chaleur, améliorer les rendements des systèmes de production d’air comprimé, de froid, de chauffage, de cogénération d’électricité et de chaleur, de ventilation ; ou encore construire des mini-réseaux de biogaz et de chaleur.

Certaines solutions sont apportées par la domotique et les compteurs intelligents. Les biotechnologies interviennent pour la production de biogaz, le recyclage et la détoxification des déchets. L’ingénierie du bâtiment fait appel à la modélisation des données, permettant, de façon collaborative, de planifier, concevoir, créer et gérer le bâti, les infrastructures et les réseaux techniques.

Ces couches multiples nécessitent le traitement de données de masse et le recours à l’intelligence artificielle.

Les nouveaux modes de distribution et de consommation d’énergie deviennent aussi des axes d’innovation technologique : ainsi, la construction d’écoquartiers avec production locale d’énergie et de chaleur, favorisant l’autoconsommation individuelle et collective, est un terrain pour le déploiement de boucles locales intelligentes, sécurisées par blockchain, permettant l’hybridation aux réseaux traditionnels.

Repenser la distribution

Au niveau politique, la transition énergétique demande de repenser totalement la circulation de l’énergie, du niveau local au niveau international.

Il s’agit notamment de transférer la compétence de l’autorité organisatrice de la distribution de l’énergie : en terrain urbain, de la ville au niveau métropolitain ; en terrain rural, de la commune à l’intercommunal ; à l’échelle du continent, ou entre continents, il faut développer des pools, bourses, hubs d’énergie et consolider les boucles euro-méditerranéennes et ouest-africaines des réseaux de transport d’électricité en améliorant les interconnexions, pour la circulation internationale des électrons.

En résumé, nos deux géographes Louis Boisgibault et Fahad Al Kabbani réussissent le tour de force de nous faire comprendre un sujet ardu, de façon concrète, tout en nous faisant voyager. Pour qui s’intéresse à la géopolitique de la transition énergétique et à sa déclinaison locale, le périple est fascinant.

« Transition énergétique dans les métropoles, la ruralité et le désert » (ISTE éditions) 

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