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La transition énergétique : un débat de société

Les turbulences politiques liées à la transition écologique se sont manifestées en France à la fin de l’année 2018.

Si elles n’ont pas totalement remis en question la stratégie énergétique de la France, elles obligent à un sérieux examen de ses objectifs et surtout des modalités de sa mise en œuvre. Il est nécessaire de faire un bilan et de la prospective.

La « transition énergétique et écologique » navigue manifestement, depuis la fin de l’année 2018, dans les eaux agitées d’un triangle des Bermudes redoutable dont elle peine à sortir, délimité par : le débat sur le rôle de la taxe carbone, la révision de la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie), « l’Affaire du siècle » (une action en justice contre l’Etat accusé d’incurie climatique).

La France a pris des engagements, depuis une dizaine d’années, pour lutter contre le réchauffement climatique en diminuant fortement ses émissions de gaz à effet de serre, notamment de CO2, balisés par des objectifs (l’accord de Paris a l’issue de la Cop 21, et le vote de la loi sur « la transition énergétique pour la croissance verte »).

Les violentes secousses que subit la stratégie énergétique et le constat qu’après avoir baissé assez régulièrement entre 1990 et 2014, les émissions de CO2 de la France ont augmenté de 3% entre 2014 et 2017 (les transports et les bâtiments en sont responsables), montrent que les moyens mobilisés sont, soit insuffisants soit inadaptés.

Les objectifs de la stratégie énergétique

L’OFCE tire un signal d’alarme dans une note, estimant : qu’à « 90% inefficace aujourd’hui, la stratégie écologique française doit être profondément revue et corrigée ».

Ce diagnostic est peut-être sévère et tentons de faire le nôtre, en rappelant d’abord les objectifs de la stratégie énergétique.

La diminution de la consommation des énergies finales, en premier lieu dans les bâtiments et en second lieu dans les transports soit, respectivement 43 % et 32% de la dépense finale d’énergie en France, est  un objectif clé inscrit dans la loi de 2015 et dans la PPE en cours de révision.

Celle-ci prévoit : – de diminuer de 40% la consommation de combustibles fossiles d’ici 2030 (au lieu des 30% prévus par la loi de 2015) – de faire passer les engagements financiers annuels de l’Etat pour la transition énergétique de 5 à 8 milliards d’euros –de maintenir l’aide financière pour l’achat de véhicules électriques  à 6000 €.

La lutte contre la précarité énergétique est aussi un objeectif important, le chèque énergie destiné à aider les ménages en situation de précarité doit passer à 200 €/an, en 2019.

Rappelons que la PPE révisée prévoit : – que l’objectif de faire passer de 75 % à 50% de la part de l’électricité nucléaire a été reporté à 2035 (au lieu de 2025) – une forte monté en puissance de l’électricité produite par des filières renouvelables (40% de la production électrique en 2030), l’activité des centrales à charbon devant cesser avant 2022.

Un bilan en demi-teinte

S’agissant du bilan, force est de constater que la consommation d’énergie finale (157 Mtep) ne baisse pas, elle a été stable en 2017 (elle augmente même de 1,5% à climat  constant, et de 1% pour les transports, et elle n’a baissé que faiblement depuis 2010.

Quant à la dépense énergétique des ménages, elle a augmenté de 4,4% en 2017 (elle s’élevait à 2900 €, soit 52% pour le logement et 48% pour le transport).

Si la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie a nettement progressé passant de 9,3 % en 2006 à 16% en 2016, l’objectif d’atteindre 20% en 2020 sera difficile à atteindre.

S’agissant des émissions de CO2 par les combustibles fossiles qui baissaient régulièrement depuis le début du siècle, ils connaissent un rebond depuis 2014 (une augmentation de 1,8% à climat constant en 2017).

Globalement, la politique énergétique n’est pas sur une trajectoire qui lui permettrait d’atteindre les objectifs de la loi de2015 et de tenir les engagements pris pour le climat, une situation que dénoncent les signataires de la pétition portant « l’Affaire du siècle ».

Ce bilan révèle aussi que la précarité énergétique des ménages n’a pas diminué, la hausse des prix des carburants, ciblée par les premières manifestations des Gilets jaunes, ne contribuant pas à la pallier et la faiblesse du montant du chèque énergie (200 €) ne permettant pas d’alléger significativement la facture énergétique des bénéficiaires, la précarité énergétique est la principale dimension sociale de la stratégie énergétique qu’elle a insuffisamment prise en compte.

Rappelons aussi que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques avait fait un bilan sévère de la rénovation énergétique des bâtiments qui est un moyen efficace pour économiser l’énergie.

La loi sur l’énergie a prévu la rénovation thermique de 500 000 logements par an (une opération coûteuse chiffrée au minimum à 20 000 € par logement), mais les résultats obtenus ne sont pas atteints en dépit de l’importance des moyens engagés (3,8 milliards de crédits incitatifs en 2015), la réduction de la consommation d’énergie a été très faible, elle est passée de 498 TWh à 493 TWh de 2009 à 2016 soit une baisse de 1% !

Inconsistance de la politique industrielle

A ce bilan déjà lourd on peut ajouter trois éléments. Le premier est l’incidence sanitaire de la pollution urbaine  : dans de nombreuses villes françaises, l’exposition aux particules fines est supérieure au seuil de dangerosité de l’OMS (c’est le cas à Grenoble, Le Havre, Lyon Marseille, Nice, Paris…).

Cette pollution serait la cause de 48 000 décès annuels en France. L’obligation de vignettes de circulation « Crit’air » pour les véhicules adoptée à Grenoble et Paris, est une parade efficace (en attendant l’avènement de la mobilité électrique) mais encore limitée, la responsabilité en incombant aux municipalités (une mesure autrement salutaire que la prolifération des ronds-points dont elles ont gratifié la France avec un coût de l’ordre de 20 milliards d’euros…).

Le deuxième est l’inconsistance de la politique industrielle pour soutenir la transition énergétique dans nombre de domaines : efficacité énergétique, infrastructures pour les énergies renouvelables et le réseau électrique, quasi Bérézina pour l’industrie nucléaire et le parapétrolier, retard à l’allumage pour les batteries…

Le troisième, enfin, est le constat paradoxal qu’en dépit de toutes les affirmations sur l’importance de la R&D et de l’innovation pour l’énergie, la dépense nationale publique de R&D décroît continûment depuis 2012 : elle s’élevait à 973 millions d’euros en 2017, 5% de la dépense publique totale, et a baissé de 2% en 2017 par rapport à 2016, et en moyenne de 3% par an entre 2012 et 2015.

Le nucléaire représente 53% des dépenses et les nouvelles technologies de l’énergie 33% et si celles en faveur de ces dernières ont quadruplé entre 2002 et 2011, elles baissent depuis lors (-10% en 2017) : une politique de Gribouille….

Face à ce bilan que faire ?

L’objectif de sortir des énergies carbonées doit être maintenu même si on doit admettre qu’il faudra plusieurs décennies pour l’atteindre.

Un certain nombre de priorités sociales et techniques s’imposent : – la lutte contre la précarité énergétique – la transition vers  la mobilité électrique associée à la lutte contre la pollution atmosphérique urbaine – un mix électrique sécurisé associant énergies renouvelables et nucléaire qui suppose un mode de stockage performant de l’électricité (la question des batteries) – une amplification de l’effort de R&D associée à une stratégie industrielle pour préparer l’avenir.

La suite de l’article, à lire sur le blog de Pierre Papon « Energie, choix, futur »

 

 

 

 

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