Solaire thermique : une filière en quête de rebond
Le marché du solaire thermique traverse une période charnière. Après une chute de 23 % des ventes en 2024, la filière doit composer avec une crise de confiance liée à des fraudes récurrentes, tout en misant sur l’hybridation énergétique pour rebondir. L’année 2025 pourrait ainsi être décisive pour redéfinir les contours d’un secteur en mutation.
Le solaire thermique : une dynamique à deux vitesses
Le bilan 2024 est sans appel : seulement 56 000 équipements solaires thermiques ont été installés en France. Le segment le plus touché reste celui des chauffe-eaux solaires individuels (CESI), qui s’effondre de 40 % avec 17 700 unités vendues. Ce recul s’explique en partie par une concurrence féroce des chauffe-eaux thermodynamiques et la difficulté à convaincre les particuliers, malgré un discours favorable à la transition énergétique.
À l’inverse, les systèmes solaires combinés (SSC), qui assurent à la fois la production d’eau chaude sanitaire et de chauffage, montrent une certaine résilience. Avec une baisse contenue à 9 % et 21 100 installations, ils deviennent le premier segment en surface de capteurs posés. Cette bascule illustre une évolution des usages et un intérêt croissant pour les solutions intégrées, plus adaptées aux maisons neuves ou rénovées basse consommation.
Le solaire collectif, quant à lui, continue sa chute avec une baisse de 17 %, en grande partie liée à la complexité administrative et au manque d’incitations spécifiques pour les bailleurs sociaux ou promoteurs immobiliers.
Des fraudes qui grippent la mécanique
Au-delà de la conjoncture, un mal plus profond fragilise le secteur : la multiplication des fraudes, notamment via le mécanisme des Certificats d’Économie d’Énergie (CEE). Certains installateurs peu scrupuleux ont profité de failles dans la réglementation pour faire passer des dossiers fictifs ou gonflés, alimentant une défiance généralisée chez les consommateurs comme chez les partenaires institutionnels.
Face à cette situation, plusieurs mesures sont à l’étude pour assainir le marché. Parmi elles, l’instauration d’une surface minimale de capteurs par installation, un certificat capteur obligatoire, ou encore un encadrement plus strict des professionnels agréés. L’enjeu est de restaurer la crédibilité de la filière sans alourdir excessivement les démarches pour les acteurs sérieux.
Un potentiel réel, sous conditions
Malgré ce contexte défavorable, le solaire thermique n’a pas dit son dernier mot. Sa capacité à se combiner avec d’autres sources d’énergie renouvelable — notamment les pompes à chaleur ou le bois — ouvre des perspectives prometteuses. L’hybridation permet d’optimiser les rendements, de lisser les coûts et d’assurer une production continue, y compris lors des périodes de faible ensoleillement.
Les experts soulignent également que le solaire thermique, à la différence du photovoltaïque, stocke l’énergie sous forme de chaleur, ce qui le rend particulièrement efficace pour les usages domestiques. Dans une logique de sobriété énergétique, il conserve toute sa pertinence, à condition de s’insérer dans des schémas cohérents et bien régulés.
Vers un nécessaire repositionnement stratégique du solaire thermique
Pour retrouver sa place dans le mix énergétique français, le solaire thermique doit opérer une mue stratégique. Cela passe par une clarification des aides publiques, une meilleure formation des installateurs, et un effort accru de communication auprès du grand public. L’image de technologie dépassée ou complexe doit laisser place à celle d’un levier moderne et complémentaire de la transition énergétique.
À la croisée des chemins, la filière a désormais le choix entre l’effacement progressif ou le renouveau structuré. La volonté politique et l’engagement des acteurs industriels seront déterminants pour transformer le potentiel encore intact du solaire thermique en moteur crédible de la décarbonation du bâtiment.