Les renouvelables créeraient-ils 6 fois plus d’emplois que le nucléaire ?
Remplacer l’énergie nucléaire en France par les énergies renouvelables est parfois présenté comme un grand programme d’investissement créateur d’emplois. Mais en est-on bien sûr, et sur quoi s’appuient de telles promesses ? (Une étude de Didier Beutier de la section technique « Économie et stratégie énergétique » de la SFEN)
Aujourd’hui en France la question des emplois est au cœur des préoccupations. Dans le cadre de la campagne présidentielle, on la retrouve dans de nombreuses parties des programmes proposés par les candidats, et notamment à propos de la transition énergétique. Ainsi à plusieurs reprises, Benoît Hamon a affirmé que les renouvelables créeraient 6 fois plus d’emplois que le nucléaire. Dans quelles conditions est-ce exact, sur quelle base d’estimation ?
La section technique « Economie et stratégie énergétique » de la SFEN a réalisé une revue des études disponibles sur les emplois des filières énergétiques, notamment en Allemagne et en France. Malgré les fortes incertitudes inhérentes aux évaluations dans ce domaine, trois conclusions se dessinent. Cet article reprend les conclusions de ce travail.
Le nombre d’emplois de l’éolien et du nucléaire sont comparables
Deux filières arrivées à maturité industrielle et forte valeur ajoutée nationale, respectivement le nucléaire en France et l’éolien en Allemagne, ont des contenus en emplois directs et indirects similaires par unité de capacité installée (MW) dès lors que le pays développe une capacité industrielle propre à subvenir à ses besoins et à exporter.
Le solaire créerait 2 à 3 fois moins d’emplois
En France et en Allemagne, le contenu en emplois est plus faible, d’un facteur 2 à 3 par unité de capacité installée, pour le photovoltaïque arrivé à maturité et devenu compétitif. Ceci est la résultante du cumul de deux effets : d’une part, le coût du photovoltaïque baisse fortement, et donc sa valeur ajoutée diminue. D’autre part, cette valeur ajoutée (qui est constituée en majeure partie d’emploi) est d’autant plus faible que la part nationale est plus faible (les importations sont fortes dans le photovoltaïque).
Un faible bilan net
Les projections publiées récemment des emplois nets (créations diminuées des destructions) résultant en France d’un grand programme d’investissement dans les renouvelables ne sont pas convaincantes : d’une part du fait des incertitudes propres aux simulations macroéconomiques de scénarios, mais aussi parce qu’elles ne démontrent pas que le bilan net en emplois serait inférieur si le même effort d’investissement était plutôt consacré à l’énergie nucléaire.
L’investissement dans les énergies renouvelables crée des emplois en France. Une partie de ces emplois sera durable : dans l’exploitation et la maintenance des installations en France, et dans l’exportation de services et d’équipements développés pour ces filières, s’ils sont compétitifs. Cependant, dès lors qu’on vise une substitution de la filière nucléaire par l’éolien et le solaire, l’impact sur l’emploi peut actuellement être positif à court terme (pendant le début de la phase d’investissements), mais pas à moyen terme. Ces résultats changeront surtout si les coûts des énergies renouvelables baissent encore fortement et si les coûts de système qu’elles entraînent (principalement du fait de leur variabilité) diminuent eux-aussi. Cette question devra être réexaminée régulièrement avec des modèles testés et validés par la communauté des économistes.
Crédit photo : @edf- Matthieu Colin