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Présidentielle : quelle politique de l’énergie pour la France ?

L’énergie est un enjeu majeur pour tous les pays car elle est indispensable au développement économique et ses usages façonnent les modes de vie. Toutefois, depuis la fin du XXe siècle, les perspectives énergétiques ont changé : l’ère d’une énergie à bon marché est, probablement, derrière nous et le réchauffement climatique impose une transition énergétique afin d’éliminer les énergies fossiles d’ici la fin du siècle. Le bilan énergétique de la France en 2015 tient en quelques chiffres : – 48%  d’énergies fossiles (importées) dans le bouquet énergétique primaire (30% de pétrole), 45% d’électricité et 7% d’énergies renouvelables (hors électricité) – un bouquet énergétique final avec 64% d’énergies fossiles (40% de produits pétroliers) et 25% d’électricité, le restant (7%) représentant des énergies renouvelables thermiques (bois et biocarburants). Le constat est clair : les énergies fossiles dominent encore largement le panorama énergétique français (Bilan énergétique de la France pour 2015 ).

Les ambitions de la loi sur la transition énergétique

Au plan politique, la loi sur la transition énergétique, dite « Loi de transition énergétique pour la croissance verte » votée par le parlement en 2015, a fixé les grands objectifs pour la politique énergétique française à l’horizon 2030. Elle se veut un « nouveau modèle énergétique français » avec des ambitions importantes pour l’avenir : renforcer l’indépendance énergétique tout en luttant contre le réchauffement climatique. Cinq grands objectifs à moyen et long termes sont inscrits dans la loi : – réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 (un objectif européen) – diminuer de 30%  la consommation  d’énergies fossiles en 2030 – ramener la part du nucléaire à 50 % en 2025 (75% en 2015 ) en limitant la puissance installée à 63 GW– porter la part des énergies renouvelables à 32% de l’énergie finale (une part de 15% des biocarburants) et à 40% dans la  production d’électricité (au lieu de 17% en 2015) – diviser par deux la consommation française d’énergie finale en 2050. Une programmation pluriannuelle cadre ces objectifs (cf. N. Berghmans, IDDRI, La demande d’électricité en France : quels enjeux pour la transition énergétique ?, février 06/17, www.iddri.org).

Pour la période 2017-2023, coïncidant pratiquement avec le prochain quinquennat, celle-ci « prévoit » : une augmentation de plus de 50% de la capacité installée de production d’énergies renouvelables électriques qui devrait atteindre entre 71 et 78 GW en 2023 (42,5GW en 2015)  – une baisse de 12,3 % de la consommation d’énergie finale par rapport à 2012 et de 22% de la consommation primaire d’énergies fossiles – les émissions de gaz à effet de serre (provenant d’énergies fossiles essentiellement) baisseraient de 14% d’ici 2023. Remarquons que s’agissant de production d’électricité par les filières solaire et éolienne, les objectifs sont très ambitieux, la production nucléaire baissant en parallèle : la capacité totale installée passerait de 17 GW (fin 2015) à 43-49 GW, soit à un rythme annuel de 3,3 à 4 GW qui n’a jamais été atteint en France mais qui est équivalent à celui de l’Allemagne.

Une politique de recherche pour faire sauter les verrous

L’objectif central de la politique énergétique française, sortir des énergies carbonées, ne sera atteint que si celle-ci est accompagnée par une politique de recherche, une stratégie industrielle et des initiatives de formation aux nouveaux métiers de l’énergie qui sont loin d’être prises en compte. Nous avons souvent souligné que la transition énergétique se heurte à des verrous : le stockage de l’électricité notamment par des batteries (au stade de la production et pour la mobilité électrique) est le principal, l’amélioration des rendements des cellules solaires en est un autre et la mise au point de nouveaux procédés de production des biocarburants pas la filière ligno-cellulosique ou par la voie du génie génétique un troisième. S’agissant de la filière nucléaire, le stockage des déchets est son talon d’Achille et des recherches sont nécessaires pour préparer des solutions à long terme. La politique de recherche permettant de faire sauter ces verrous est à peine esquissée par la loi sur la transition énergétique bien que la France a de bons atouts dans pratiquement tous les domaines : la physique des réacteurs nucléaires, les matériaux (pour le solaire et les batteries), les techniques d’exploration pétrolière, la biologie et la génétique végétales pour les biocarburants. Le Programme Investissements d’avenir et certaines actions de l’ADEME jouent un rôle utile de catalyseurs. Mettre en œuvre les filières d’énergies renouvelables avec des moyens de stockage et des réseaux électriques adaptés et perfectionner les filières existantes (le nucléaire et les filières thermiques qui utiliseront encore le pétrole et le gaz dans une période de transition) requiert une stratégie industrielle à long terme. Or, force est de constater que le tissu industriel français dans le secteur énergétique est considérablement fragilisé : quasi effondrement de la filière solaire photovoltaïque qui n’a pas résisté au dumping chinois, graves difficultés du secteur parapétrolier à la suite de la chute du cours du pétrole depuis 2014, fragilisation de la filière nucléaire avec le désengagement d’Alstom, la restructuration d’Areva et la précarité financière d’EDF, suite notamment aux retards des chantiers des réacteurs EPR de Finlande et de Flamanville. Un récent rapport du Conseil général de l’économie sur les « Opportunités industrielles de la transition énergétique » (commandé, en 2016, par Emanuel Macron alors qu’il était encore ministre de l’économie….) conclut : « en matière de fabrication de d’équipements d’énergie renouvelable, l’industrie française n’est pas présente à un niveau correspondant à son potentiel ni aux dynamiques des marchés » (Conseil général de l’économie, février 2017, www.economie.fr ). Le constat serait, sans doute, analogue pour les filières nucléaire (les marchés à l’exportation), des véhicules électriques et des infrastructures urbaines.

La France s’est engagée, comme beaucoup de pays européens, dans la transition énergétique, une entreprise de longue haleine. On ne peut donc pas limiter le débat sur la politique énergétique française à l’alternative énergie nucléaire/énergies renouvelables, comme le font trop souvent les candidats à l’élection présidentielle, car l’avenir est encore plein d’incertitudes au niveau mondial : – comment les filières renouvelables évolueront-elles et quels seront leurs coûts en 2030 ? – le nucléaire maîtrisera-t-il ses coûts (notamment ceux entraînés par le renforcement de la sûreté) et de nouvelles filières, les surgénérateurs et les réacteurs au thorium à sels fondus, émergeront-elles à l’horizon 2040-2050 ? – quelle place le gaz et le pétrole garderont ils dans une période transitoire ? – des ruptures techniques surviendront-elles ? Dans ces conditions, une stratégie énergétique pragmatique serait sans doute la plus efficace et la plus sûre pour un pays comme la France qui en a les moyens scientifiques, techniques et industriels: « faire feu de tout bois » en diversifiant son mix énergétique national grâce à toute la gamme des énergies renouvelables et au nucléaire (cf. P.Papon 2050 : quelles énergies pour nos enfants ?, Le Pommier, mars 2017,  www.editions-lepommier.fr/2050-quelles-energies-pour-nos-enfants#anchor1). La montée en puissance des énergies renouvelables est un fait acquis (en France la rentabilité de l’éolien terrestre est probable en 2020) mais elles ne s’imposeront que lorsque le verrou du stockage de l’électricité sautera. Soulignons aussi que s’il est raisonnable de programmer une baisse de la part du nucléaire dans le mix électrique, elle passerait à 50% en 2025 (« ne pas mettre trop d’œufs dans le même panier », une baisse trop rapide n’est probablement pas réaliste. Il s’agit, en fait de mettre en œuvre une politique alliant le « possible », le « souhaitable » et l’acceptable » (cf. B.David, « Prospective énergétique : le possible, le souhaitable et l’acceptable », Futuribles, No 398, 2014, p.7, )

 

On peut formuler cinq questions à propos de la politique énergétique à l’adresse des candidats à l’élection présidentielle :

quels objectifs précis peut-on formuler ou reformuler aux horizons 2023 (le terme de l’actuelle programmation), 2030 et au-delà ?

quels moyens pratiques (techniques, industriels, financiers et fiscaux) peut-on mettre en œuvre pour améliorer l’efficacité énergétique, en particulier entreprendre la rénovation thermique de bâtiments (ils consomment 44% de l’énergie finale), et favoriser la mobilité électrique ?

quelles politiques de recherche et industrielle peut-on promouvoir et avec quels moyens ? Quelles initiatives peut-on prendre pour former aux nouveaux métiers de l’énergie ?– comment engager une participation des collectivités territoriales à la politique énergétique en concertation avec l’Etat et organiser une concertation locale avec les citoyens sur les enjeux énergétiques ?

comment peut-on définir les objectifs d’une politique énergétique européenne commune et sur quelles bases ?

Rouvrons pour terminer le dossier des emplois : – comment peut-on créer les 75 000 emplois pour la rénovation thermique des bâtiments ? – la progression des emplois « verts » en France est réelle mais lente (près de 12% entre 2000 et 2013 dans les secteurs de l’amélioration de l’efficacité énergétique, du transport et des énergies renouvelables (soit 321 000 emplois en 2015, ADEME, Maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables, Etat des lieux des marchés et des emplois, avril 2015, www.ademe.fr), comment pourrait-on l’accélérer ? La filière nucléaire représente environ 200 000 emplois dans 2500 entreprises. La transition énergétique contribuera certainement à des créations d’emplois mais il n’y aura pas de miracles…

Les élections présidentielles sont l’occasion d’ouvrir un débat sur la politique énergétique. On peut comprendre que sa dimension nationale soit évoquée en priorité, mais on ne doit pas oublier que l’énergie a une dimension géopolitique à travers le climat, l’accès aux ressources et le développement des pays du Sud. Force est de constater que ces questions ne sont pas évoquées et notamment le rôle que la France pourrait jouer dans la relance d’une politique européenne de l’énergie, soixante ans après la signature du traité de Rome créant l’Euratom.

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