monde dispose toutes ressources necessaires electrification progressive parc automobile - Le Monde de l'Energie

« Le monde dispose de toutes les ressources nécessaires à l’électrification progressive du parc automobile »

Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Cédric Philibert, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri), auteur de l’essai « Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat » (Les Petits Matins/Institut Veblen), paru un mars 2024, pour revenir sur les conclusions de cet ouvrage.

 

Le Monde de l’Énergie —Vous venez de publier un livre sur l’impact climatique du véhicule électrique. Qu’en est-il aujourd’hui, tout au long de son cycle de vie, comparativement à une voiture thermique ?

Cédric Philibert —Il n’y a simplement pas photo ! Dans le pire des cas, dans un pays dont le mix électrique comprend beaucoup de charbon, les émissions de CO2 sur la durée de vie du véhicule sont réduites d’un tiers avec la voiture électrique. Si le mix est déjà largement décarboné, renouvelable ou nucléaire, elles sont réduites des quatre cinquièmes. Le surcroît d’émissions lors de la fabrication des véhicules, essentiellement dû à celle des batteries, est compensé ensuite par les moindres émissions à l’usage.

La plupart des études sous-estiment la décarbonation des systèmes électriques, qui s’accélère partout dans le monde, car le développement des énergies du soleil et du vent est maintenant exponentiel. Nous avons mis plus de dix ans pour passer, au plan mondial, de moins de 20% à 30% de renouvelables dans le mix électrique mondial. Dans dix ans, nous serons entre 50% et 60%…

De plus, on calcule en général la performance climatique des voitures électriques à partir du contenu carbone moyen du kilowattheure. Mais les batteries pourront souvent être rechargées aux heures de production décarbonée excédentaire, celles aussi où l’électricité sera la moins chère.

Le Monde de l’Énergie —Quelles sont les idées reçues sur le VE que vous combattez dans cet ouvrage ?

Cédric Philibert —Il n’y a que l’embarras du choix ! On n’aura pas assez d’électricité, on ne trouve pas de bornes de recharge ou elles sont toutes en panne, les voitures prennent feu toutes seules et les pompiers ne peuvent pas les éteindre, elles ne sont pas réparables, elles coûtent horriblement cher, on ne peut pas faire de longs trajets, il faut changer les batteries après quelques années… Quand ces idées ont un fond de vérité, il date en général d’il y a cinq ou dix ans, ces problèmes sont réglés ou en voie de l’être.

Restent les difficultés d’installer des bornes dans de nombreuses copropriétés. A ce propos, une idée reçue tenace c’est que la voiture électrique aurait sa place en ville mais pas à la campagne ; c’est tout le contraire, il y a moins d’alternatives à la voiture à la campagne, et il y est souvent plus facile de recharger ses batteries chez soi la nuit au meilleur tarif.

Autre idée reçue : l’électrique n’aurait de sens que pour des petites voitures, avec des petites batteries. On dit que 98% des déplacements font moins de 80 kilomètres, mais on oublie que près de la moitié des kilomètres parcourus le sont lors de déplacements de plus de 80 kilomètres ! Et beaucoup de gens veulent une voiture « à tout faire », avec laquelle on peut partir en week-end ou en vacances à quatre ou cinq… Si les fabricants n’électrifient pas aussi ce type de voiture, les automobilistes continueront de vouloir des modèles thermiques.

Le Monde de l’Énergie —D’où vient l’idée que l’impact carbone d’un VE serait quasi équivalent à celui d’une voiture thermique ?

Cédric Philibert —Beaucoup de gens pensent qu’en Allemagne ou en Chine toute l’électricité vient du charbon mais c’est de moins en moins vrai. Il y a là un manque d’information, quand ce n’est pas de la désinformation pure et simple, qui arrange bien le lobby mondial du pétrole mais aussi, quoique pour des raisons différentes, le lobby français du nucléaire. Une fraction de la population, hostile à la voiture par principe, fait volontiers écho à ce genre d’affirmation erronée qui conforte le sentiment que l’électrique ne fait que perpétuer la voiture.

Le Monde de l’Énergie —Une critique récurrente sur le VE concerne les extractions de métaux nécessaires. Pourquoi vous inscrivez-vous en faux sur cette question ?

Cédric Philibert —Le monde dispose de toutes les ressources nécessaires à l’électrification progressive du parc automobile, camions inclus. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune difficulté. L’Europe est trop dépendante d’un trop petit nombre de pays producteurs, et de la Chine pour le raffinage. Et la rapidité de la transition oblige à une montée en puissance rapide de l’extraction des métaux, avant que la généralisation du recyclage, quand il y aura assez de métal en circulation, permette de ralentir le rythme.

L’extraction minière, surtout si elle n’est pas régulée et surveillée, peut être dramatique pour l’environnement et les populations, c’est incontestable. Mais contrairement à ce qu’on lit parfois, la consommation énergétique des mines et de la métallurgie ne risque pas d’augmenter au point d’annuler les bénéfices de la transition énergétique !

Le Monde de l’Énergie —Le chercheur Aurélien Bigo affirme que « L’électrique est l’avenir de la voiture, mais la voiture n’est pas celui de la mobilité ». Etes-vous d’accord avec lui, et pourquoi ?

Cédric Philibert —La formule est séduisante mais un peu utopique. La voiture assure plus de 80% des kilomètres-voyageurs, le camion 90% des tonnes-kilomètres. Et si pendant cinquante ou soixante ans on a tout fait pour faciliter la voiture, depuis les années 70 il y a eu quand même des efforts pour contenir l’invasion automobile, de nombreuses municipalités ont développé les transports en commun et maintenant le vélo, on a introduit le ferroutage, etc.

On peut sûrement faire plus et mieux, mais pour aller d’un point à un autre ou livrer un colis les véhicules routiers offrent une souplesse incomparable. Je ne suis pas sûr qu’on arrive à ramener la voiture ou le camion au-dessous de 50% des trafics voyageurs ou marchandises, ce qui justifierait peut-être la formule de Bigo. Il faudrait la corriger et dire plutôt que « la voiture n’est pas à elle seule tout l’avenir de la mobilité ». Mais le début est bon, l’électrique est bien l’avenir de la voiture !

commentaires

COMMENTAIRES

  • Monsieur Philibert, « commis-voyageur » du lobby (bien connu, lui aussi !…) des ENRi (éolien et PV, en particulier !), dénonce les « lobbys » concurrents, en « arrangeant » un peu (beaucoup ?) les chiffres officiellement reconnus par les énergéticiens sérieux (dont je ne suis pas certain qu’il soit !…). Je le cite: « Il y a là un manque d’information, quand ce n’est pas de la désinformation pure et simple, qui arrange bien le lobby mondial du pétrole mais aussi, quoique pour des raisons différentes, le lobby français du nucléaire. »
    Fermez le ban !
    Monsieur Philibert peut-il nous rappeler, par exemple, les volumes de GES respectifs émis par le « vertueux » (!!) Kwh Allemand, et l’épouvantable Kwh français, encore fabriqué (‘quelle horreur !) avec du nucléaire ?…
    Et en Allemagne, combien de KM doit parcourir un VE avant d’amortir l’excédent de production de GES lié à la construction du véhicule, en consommant un Kwh produisant au moins 5 fois plus de GES que son homologue français ?
    Et comment a-t-il pris connaissance des « tricheries » de Mr Habeck, Ministre allemand de l’énergie, pour s’assurer du « coup de grâce » (stupide !) donné au nucléaire dans son pays ?…
    Merci !

    Répondre
  • Avec vingt ans passés à l’Agence internationale de l’énergie, auteur principal de plusieurs rapports, l’auteur en sait beaucoup plus sur les sujets abordés qu’un petit commentateur décervelé par la propagande nucléaire.

    Une étude de Transport et Environnement d’avril 2020, basée sur des données de 2019, montre que sur toute sa durée de vie, depuis l’extraction des matériaux jusqu’au recyclage et avec l’énergie consommée à l’usage, un véhicule électrique émet beaucoup moins de CO2 qu’un véhicule thermique.

    How clean are electric cars? T&E’s analysis of electric car lifecycle CO2 emissions :
    https://www.transportenvironment.org/assets/files/TEs-EV-life-cycle-analysis-LCA.pdf

    Cela est également vrai dans le pire des cas : batterie produite en Chine et véhicule conduit en Pologne avec l’électricité locale (cf. figure 3).

    Avec la production de batteries en Europe et la diminution de la part des fossiles dans la production d’électricité, cet écart en faveur du V.E. ne fait que s’accentuer. Par ailleurs, les thermiques émettent des NOx et particules fines, qui sont de réels polluants.

    Pour mémoire, la fin du nucléaire allemand a été décidée par la loi de février 2002 prévoyant la sortie du nucléaire en vingt ans. Loi élaborée depuis juin 2000, en concertation avec les grands producteurs d’électricité.

    Cette loi faisait suite à celle d’avril 2000 sur le développement des énergies renouvelables.

    Répondre
    • cochelin on est en 2024 .. le monde évolue .. lui.. allez un petit extrait qui parle bien de vous .. de Schricke Daniel .. de Michel Dubus qui eux aussi refusent de vérifier le réel du terrain ..pourtant bien publique  » .. Beaucoup de gens pensent qu’en Allemagne ou en Chine toute l’électricité vient du charbon mais c’est de moins en moins vrai. Il y a là un manque d’information, quand ce n’est pas de la désinformation pure et simple, qui arrange bien le lobby mondial du pétrole mais aussi, quoique pour des raisons différentes, le lobby français du nucléaire. Une fraction de la population, hostile à la voiture par principe, fait volontiers écho à ce genre d’affirmation erronée qui conforte le sentiment que l’électrique ne fait que perpétuer la voiture…. »

      Répondre
  • Pour Canado concernant l’arrêt du nucléaire en Allemagne, c’est « gloria in excellis deo » , voire écrit ds le ciel
    C’était écrit avec la loi élaborée depuis juin 2000, en concertation avec les grands producteurs d’électricité…
    .. Lesquels mon ami?
    . Quels sont ces loulous touchés par cette grâce prophétique
    « Pour mémoire, la fin du nucléaire allemand a été décidée par la loi de février 2002 prévoyant la sortie du nucléaire en vingt ans. Cette loi faisait suite à celle d’avril 2000 sur le développement des énergies renouvelables. »
    Ce que Canado oublie de dire à propos du couple franco allemand :et des études conjointes sur l’EPR en cours fin des années 90
    Début des années 2000 c’est le chancelier Gerhard Schröder qui annonce la sortie progressive de l’Allemagne du nucléaire. cette perspective conduira Siemens à s’éloigner du projet. commun EPR
    Un éloignement encore accentué par la création d’Areva en 2001.
    En 2009, Siemens se désengage complètement du projet. laissant la France au milieu du gué avec un EPR qui ne ressemble pas à ce que la France et EDF avaient dans leurs cartons. prêt à l’emploi
    Les teutons jaloux, par ce biais, ont tout fait pour dézinguer le nucléaire Français qui leur faisait de l’ombre et qui était très compétitif pour toute économie avec une intensité carbone à faire pâlir un quelconque renouvelable !
    Canado fait comme ds le bouquin 1984 de George Orwell, il réécrit l’histoire avec un big Brother de type stalinien.

    Répondre
    • Michel Dubus en réalité les Allemands ont bien anticipe l’Avenir propre sans dangers et sans déchets pendant que la France s’enfonce toujours plus dans la pollution ,la production de déchets ultimes , le réchauffement climatique …. et les faits / retours de terrain vérifiables par tous confirment bien le réel du terrain qui se développe partout dans le monde …

      Répondre
  • Et le moteur à ammoniac qui pointe le bout de son nez et qui peut mettre tout le mode d’accord avec le retour du thermique qui polluerait peu. achtung gefhar !

    Répondre
  • Si « la France et EDF avaient [un autre EPR] dans leurs cartons prêt à l’emploi
     » pourquoi ont-ils persévéré dans un EPR qui rencontrait de multiples problèmes en Finlande à Olkiluoto, dont la construction avait commencé en août 2005 et qui devait être terminé en quatre ans ?

    La construction d’Olkiluoto-3 (EPR) a duré plus de seize ans et il a encore fallu plus d’un an d’essais après sa connexion au réseau (nombreux problèmes rencontrés) pour qu’il soit accepté en service commercial.

    Comme on le voit, le discours d’un adorateur du nucléaire est de rejeter l’incurie du secteur nucléaire sur les autres, plutôt que de voir les choses en face.

    La question de celui-ci montre bien son ignorance crasse dans l’histoire récente de l’énergie et de la production d’électricité en particulier.

    Pour l’ammoniac, non seulement c’est un très mauvais carburant, mais c’est un produit corrosif et toxique. L’ammoniac est produit à partir du gaz naturel (ou charbon ou pétrole) et demande de grandes quantités d’énergie pour sa production.

    Répondre
  • @ canado
    je rappelle
    En 2009, Siemens se désengage complètement du projet. laissant la France au milieu du gué avec un EPR qui ne ressemble pas à ce que la France et EDF avaient dans leurs cartons. prêt à l’emploi
    Je rappelle à nouveau
    En 2009 les chantiers des EPR (mal nés) étaient engagés depuis 4 à 5 ans, mon petit loup !
    On voit que vous n’avez jamais officier dans la gestion de travaux neufs, quand le coup est parti tout arrêter à ce niveau d’engagement, c’est mission impossible. Donc pour « faire aller quand même » il a fallu du temps sur le terrain pour corriger et le rendre cohérent sur tous les plans avec l’ASN.
    Autre rappels
    Il aura fallu une semaine à EDF pour charger en combustible l’EPR de Flamanville. L’opération a été surveillée et validée par l’ASN qui n’a noté aucune anomalie. Les tests vont maintenant pouvoir commencer.
    L’ASN devra donner son accord lors de la divergence (la première réaction nucléaire), puis lors de l’atteinte de 25 % de puissance et enfin à 80 % de puissance. Avant cette montée en puissance, l’EPR sera connecté au réseau électrique, ce qui interviendra au cours de l’été 2024. ■
    D’autre part, jamais un réacteur nucléaire avait produit autant d’électricité en une seule année. Le réacteur n°2 de la centrale de Taishan (Chine), de type EPR, a battu un record absolu de production. En 2023, celui-ci a été capable de produire 12,8 TWh d’électricité grâce à un excellent facteur de charge. (88 %)
    Si l’avenir n’était que ds le renouvelable ça se saurait et les Allemands en sont bien conscients malgré l’enterrement de leurs politiques bouffés par leur idéologie mortifère, ne vs déplaisent

    Répondre
    • Michel DUBUS bien oui les Allemands aussi en sont bien conscient comme le monde entier qui accélère le développement des ENR en se sortant aussi du fossile / charbon / pétrole / gaz.. comme tout le mode peut très faciment vérifier et pour les EPR Chinois ils ont les memes défauts chroniques déjà connus ..

      Répondre
  • En 2022, le facteur de charge de Taishan-2 a été de 57,1 %.

    Pour Taishan-1, nous avons un facteur de charge de 82,2% en 2019 – 62,9% en 2020 – 52,4 % en 2021 – 28,3% en 2022 et 14,2%. Sur ces cinq années entières, le facteur de charge cumulé est de 48,0%.

    Pas glorieux !

    Rarement un réacteur nucléaire n’aura eu un si faible facteur de charge pendant plusieurs années de suite.

    Répondre
    • N’y aurait-il pas un peu de mauvaise foi de la part d’un pro-nucléaire notoire, puis d’un second, pour ne montrer qu’une performance isolée en évitant le bilan global ?

      Quant au tourne-disque débile, il pourrait disparaître pour laisser un peu d’air.

      Répondre
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