« Méthaneuf », un mécanisme pour contourner l’ambition de la RE 2020 ?

Alors que les arbitrages gouvernementaux concernant la RE 2020 prévoient une forte réduction des consommations d’énergies fossiles, gaz compris, dans les constructions neuves, le secteur gazier ne l’entend pas de cette oreille. La filière, qui compte sur le développement de la méthanisation pour convaincre de la légitimité du gaz dans la future réglementation, a imaginé un mécanisme baptisé “Méthaneuf”.

Après plusieurs mois de concertations, la future réglementation environnementale 2020 (RE 2020), qui doit entrer en vigueur à l’été prochain, est désormais dans sa phase finale. Si les arbitrages définitifs n’ont pas encore tous étés dévoilés, les grandes ambitions de la RE 2020 sont connues.

Placer le bâtiment dans une trajectoire carbone ambitieuse

Destinée à diminuer l’impact carbone des bâtiments, qui représentent tout de même près de 30 % des émissions françaises de CO2, la RE 2020 remplacera la réglementation thermique 2012 (RT 2012). Elle devrait notamment intégrer un seuil d’émissions carbone à l’exploitation ambitieux, pour favoriser l’utilisation d’énergies bas carbone dans les bâtiments et réduire fortement le recours aux énergies fossiles tel que le gaz.

Une orientation qui ne satisfait absolument pas les acteurs de la filière gazière, qui militent depuis plusieurs mois pour un rééquilibrage de la future réglementation.

Gaz Réseau Distribution France (GRDF), une filiale d’Engie (ex-GDF-Suez), s’est fait le porte-parole de ces derniers, dans ce bras de fer avec l’exécutif. Et a imaginé un mécanisme baptisé « Méthaneuf », destiné à développer de concert les constructions neuves et la filière biométhane.

Méthaneuf : la filière gaz mise sur un montage contractuel pour maintenir la place du gaz dans les constructions neuves

Concrètement, il s’agit pour un promoteur, privé ou public, de verser, avant la livraison du bâtiment, une subvention à un organisme public, afin de préfinancer la production de biométhane correspondant à 30 % ou 50 % de la consommation de chauffage et d’eau chaude d’un logement neuf pendant 15 ans.

En d’autres termes, la solution « Méthaneuf » permettrait d’alléger le bilan carbone des bâtiments alimentés au gaz grâce au préfinancement de production de biométhane.

Avec ce dispositif, il deviendrait alors possible pour les promoteurs de remplir leur obligation ENR et carbone en ne modifiant que faiblement leurs pratiques constructives par rapport à aujourd’hui.

Cette approche contractuelle pourrait dévoyer les grandes orientations de la RE 2020 consistant à généraliser des systèmes bas carbone en faisant évoluer les pratiques constructives.

Elle pourrait constituer un précédent susceptible de donner lieu à la génération de démarches similaires, permettant de contourner les exigences réglementaires : verra t-on demain le retour du fioul dans les logements neufs sous prétexte que le promoteur finance une usine de production de biocarburant ?

La Stratégie Nationale Bas Carbone française réserve le biométhane aux secteurs plus difficiles à décarboner et non au bâtiment

Le biométhane mis en avant par la filière gazière tricolore n’est pas en tant que tel considéré comme une solution pour diminuer à grande échelle l’impact carbone des bâtiments.

Selon la stratégie nationale bas carbone de l’État français, la production de biogaz sera très limitée et devra principalement être allouée à des secteurs où le gaz fossile est difficile à remplacer par d’autres énergies.

Ce qui n’est pas le cas du bâtiment, et a fortiori des bâtiments neufs, pour lesquels des solutions bas carbone et renouvelables existent déjà, comme les pompes à chaleur (PAC), le bois ou les réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables.

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • Entièrement d’accord. De même que le lobbying actif de certains acteurs pour le maintien de l’exonération de la TICGN souffre d’arguments fallacieux et favorise davantage les effets d’aubaines que le développement pérenne de la filière. Le biométhane doit être prioritaire dirigé vers un usage transport lourd, en conformité avec la SNBC.

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  • Absolument pas d’accord, tout comme les essences à base d’alcool, le biométhane est pertinent dans notre paysage énergétique. Le biométhane pour la mobilité et pour l’habitat est une solution respectueuse de l’environnement.
    Avoir un Mix 100% électrique est une belle con—–ie. Notre réseau électrique n’a pas la capacité en terme de puissance disponible, ni de capacité de transport élect pour subvenir à l’ensemble de nos besoins de chauffage et/ou de recharge des batteries des véhicules. N’oubliez pas aussi que durant les pics d’appel de puissance sur le réseau en hiver, ce sont les centrales themiques qui se mettent en fonctionnement, l’électricité pour le chauffage est donc carboné. Vous parlez de lobbying gazier : bien que notre réseau élect n’ait pas changé (pire on a fermé une centrale nucléaire), allez sur la base carbone de l’ADEME le chauffage électrique sous le label E+C- est de 210g/kWh; en un coup de baquette magique il passe à 79g avec la RE2020.
    Avoir du chauffage avec du bio-fioul ou du bois est tout aussi respectueux de l’environnement que d’utiliser du biométhane ou de l’électricité renouvelable. Le mécanisque Méthaneuf est innovant et permet de raisonner sur l’ensemble de la chaine de production, consommation et pas seulement à la taille du bâtiment (a quoi ça sert d’être chauffé par une PAC élect si l’électricité est produit par une centrale thermique).

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  • Le système Methaneuf est similaire au commerce des Indulgences au Moyen Âge. Pour se racheter d’un péché, en l’occurrence celui de concourir au changement climatique par l’émission de CO2, on accepte de verser une certaine somme à un organe collecteur sans se préoccuper de savoir si ce « sacrifice » financier servira effectivement à réduire les émissions des logements construits. En l’occurrence, on ne saura pas où les fameuses indulgences, pardon les certificats d’origine, aboutissent : en France ? à l’étranger ? Pour produite du biogaz (Est-ce si sûr ?)? à quelle époque ? Qui ira où ? Et pendant combien de temps ? 15 ans parait-il ? Et pendant dans ce temps là, on aura reçu l’absolution pour avoir construits des bâtiments qui pendant 100 ans brûleront de précieuses molécules de gaz naturel et émettront dans l’atmosphère du CO2 à plein poumon.
    La seule solution est de construire des bâtiment qui consomment peu et utilisent des énergies décarbonées : électricité, géothermies, chaleur de l’environnement, bois.

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  • Que fait-on des déchets si l’on ne profite pas de la méthanisation?
    On recycle (encore embryonnaire)

    On brûle via le réseaux de chaleur. la seule solution permettant de traiter des gros volumes de déchets, avant que l’on est d’autres choix. De gros efforts ces dernières années pour recourir aux énergies renouvelables ou de récupération )

    On enfouit discrètement … reconnaissons là aussi, qu’il y a eu de grandes évolutions positives sur le stockage et la valorisation des émanations de gaz par cogénération, et plus récemment par la production de biométhane et qui évite la diffusion de méthane à l’atmosphère (émanations qui pouvaient se manifester sous forme de » feux follets  » Lumière apparaissant lors de la combustion spontanée de gaz qui se dégage des matières organiques en décomposition)

    On épand dans les champs, puis les rivières, … jusqu’à la mer. d’où la prolifération d’algues sur les plages et le bord de mer.

    On méthanise et pour ce qui est des déchets et sous produits agricoles, y compris les lisiers, vous récupérez de l’énergie (production de méthane issu des déchets à bilan carbone neutre et cycle court de captage carbone -1an)
    Le déchet ultime, que l’on appelle digestat sert d’engrais naturel (au lieu d »acheter des engrais chimiques à des multinationales).
    De plus ,la production de biométhane génère des bénéfices périphériques : création d’une économie circulaire créatrice d’emplois locaux non délocalisables. Et l’on sait que dans les territoires ruraux notamment, les emplois de proximité ne courent pas les rues.

    Alors… entre
    – la méthanisation qui permet de sécuriser l’activité de nos agriculteurs, qui crée des emplois locaux, génère un bilan carbone quasi neutre et évite les engrais chimique avec un transport de cette énergie bénéficiant d’une efficacité énergétique quasi de 100%…
    et
    – le tout électrique bas carbone (= nucléaire)… avec une efficacité énergétique de 38%. C’est à dire qu’il faut générer 2,58 kWh pour qu’il arrive 1KWh chez l’utilisateur final, (ex:https://negawatt.org/IMG/pdf/190410_vers-une-evolution-du-coefficient-2.58.pdf)

    Il y a surement un juste milieu. Merci de faire preuve d’un peu plus de pragmatisme

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