« La transition énergétique ne pourra pas se faire sans bois-énergie »
Ce 6 juin 2023 se tient la troisième édition de la Journée du Bois-Énergie, à Paris, organisé par le Comité Interprofessionnel du Bois- Energie (CIBE) : dans un entretien au Monde de l’Énergie, Stéphane Magot, vice-président du CIBE, représentant AMORCE, le réseau français des collectivités et acteurs locaux pour la transition énergétique et la gestion de l’eau et des déchets, revient sur les enjeux de l’utilisation du bois comme source d’énergie.
Le Monde de l’Énergie —Quel est l’objectif de la journée bois-énergie du 6 juin ?
Stéphane Magot —En tant que première énergie renouvelable de France, le bois-énergie est un levier majeur pour décarboner la chaleur et gagner en indépendance énergétique tout en maintenant un développement durable de nos forêts. L’objectif de cette journée, pour laquelle AMORCE est co-organisatrice, est de réunir les professionnels du bois et de l’énergie afin d’évoquer la question des enjeux et du rôle de la filière qui, à l’heure où les crises énergétiques et climatiques soulignent nos retards, a toute sa place à prendre dans la transition des industries et des territoires.
La 3ème édition de cet événement à destination des décideurs politiques, institutionnels, parlementaires, parties prenantes et porteurs de projets permet également de partager des expertises et expériences autour des enjeux liés au bois-énergie. C’est l’occasion d’aborder tous les enjeux de la filière à travers des interventions de spécialistes et de profiter de retours d’expériences enrichissants les débats afin d’obtenir des éléments de compréhension et des informations chiffrées sur cette filière en croissance.
Comment mieux comprendre les enjeux de la filière ? Comment trouver des informations vérifiées et objectives ? Comment s’inscrire dans une démarche énergétique et de décarbonation ? Autant de questions qui seront abordées au cours de cette journée.
Le Monde de l’Énergie —Principale énergie renouvelable en France avec 36% de production (selon le Ministère de la Transition écologique), la production de bois énergie peut-elle poursuivre son développement de façon durable ?
Stéphane Magot —La question de la durabilité est effectivement l’un des grands enjeux du bois-énergie. Il faut rappeler que la forêt française s’accroît de près de de 80 000 hectares par an. Actuellement, seulement 60% de cet accroissement naturel sont récoltés, pour l’ensemble des usages du bois. En effet, il est important de comprendre que la récolte d’arbres ne sert jamais directement à un usage énergétique. Seuls les déchets de bois en fin de vie, les sous-produits des filières industrielles et les sous-produits d’entretiens sont utilisés à des fins énergétiques. La volonté des professionnels de la filière et des collectivités est de garder cette hiérarchie des usages, en privilégiant tout d’abord un usage matière, mais en valorisant l’ensemble du bois récolté. L’usage énergétique s’inscrit pleinement dans ce principe d’utilisation en cascade.
De plus, des règlementations sur les EnR comme la directive RED, actuellement en vigueur et en cours de révision, visent notamment à cadrer l’utilisation de bois en respectant des critères de durabilité. Ces critères sont nécessaires pour éviter les dérives et privilégier l’utilisation de bois de bonne qualité à des usages matière. Nous soutenons pleinement ces critères et le modèle français y répond. Dans le cadre de la révision de cette directive, nous demandons la préservation de ce modèle, ce qui passe aussi et surtout par un cadre n’imposant pas une surprotection contreproductive du bois qui aurait comme conséquence finalement de gâcher ces sous-produits, plutôt que de protéger la forêt.
Le Monde de l’Énergie —Le bois énergie est-il une solution pour la transition énergétique française ? Et pour l’indépendance énergétique ?
Stéphane Magot —La transition énergétique ne pourra pas se faire sans bois-énergie.
D’une part, parce que c’est une énergie disponible, renouvelable et décarbonée. De même, ses bénéfices environnementaux sont connus et le modèle industriel permettant sa valorisation est déjà éprouvé.
D’autre part, parce que c’est une énergie compétitive par rapport au prix des énergies fossiles, non-soumises aux fluctuations des marchés internationaux et source de souveraineté énergétique et industrielle. En effet, le bois-énergie permet la valorisation d’une ressource locale s’accompagnant de la structuration d’une filière économique locale et d’emplois non-délocalisables.
Pour aller plus loin et plus vite, le Club de la chaleur renouvelable, regroupant différents organismes des énergies renouvelables, dont AMORCE fait partie, a proposé un « Plan Marshall de la chaleur renouvelable et de récupération » identifiant un objectif ambitieux de 146 TWh de bois-énergie en 2030, avec actuellement 102 TWh de chaleur issus de cette énergie. Selon cette trajectoire, sur les 304 TWh de chaleur renouvelable, le bois-énergie représenterait alors 48% d’énergie locale, permettant de réduire fortement l’importation de combustibles fossiles sur le territoire. Ce plan vise également un total de 54% de chaleur renouvelable d’ici à 2030 montrant une volonté d’indépendance énergétique plus forte avec des énergies renouvelables locales et décarbonées. C’est pourquoi nous avons plus que jamais besoin du bois-énergie pour tenir nos engagements en la matière et atteindre cette indépendance énergétique.
Le Monde de l’Énergie —Quels sont les défis identifiés par les territoires sur le sujet ? Une collaboration avec la filière forêt-bois est-elle envisagée ?
Stéphane Magot —Il existe des interrogations légitimes dans les territoires concernant le bois-énergie ; ceux de l’approvisionnement, de la durabilité de la ressource, du coût et de la connaissance de cette ressource par les citoyens. AMORCE accompagne quotidiennement ses collectivités adhérentes en leur apportant un éclairage et une expertise sur ces différents points (publications techniques et juridiques, groupe d’échanges entre collectivités engagées, webinaires…).
La collaboration avec la filière forêt-bois existe déjà et doit rester des plus fortes dans ces périodes de crise énergétique, afin de gérer au mieux nos forêts et d’utiliser de manière pragmatique et pertinente leurs ressources.
COMMENTAIRES
C’est une évidence que la Biomasse a une place à jouer dans l’Avenir énergétique de la France. Voir même plusieurs en considérant la chimie du végétal… Le pétrole (et surtout les flux à disposition des Européens) ne sera plus en croissance sur les marchés européens, voir potentiellement en décroissance prononcé…
Le bois représente d’abord un bon moyen de séquestrer le carbone. Il est beaucoup plus efficace de faire des matériaux de construction que de le bruler pour produire de l’énergie. De plus, la population française est d’abord citadine à plus de 80%. Les chaudières au bois émettent beaucoup de particules fines et d’autres polluants. Ça serait le retour au fameux « smog londonien » dans nos villes avec tous les problèmes sanitaires associés. Donc, le remplacement du ciment par des constructions en bois est beaucoup plus efficace pour la décarbonation de notre société.