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L’hydrogène, « poids lourd » de la décarbonation des transports

Sur le terrain de la transition énergétique, le gouvernement a décidé de miser sur l’hydrogène « vert » afin de réduire les émissions de CO2 des secteurs de l’industrie et des transports lourds. Pour produire cet hydrogène décarboné, la France peut compter sur des champions déjà bien aguerris…

En cette période de relance économique post-Covid, lancer un plan d’envergure autour de l’hydrogène pourrait paraître tout sauf prioritaire. Mais parce que la transition énergétique répond aussi bien aux enjeux environnementaux qu’économiques et sociétaux, cette initiative rendue publique le 8 septembre par Barbara Pompili et de Bruno Le Maire prend tout son sens.

La ministre de la Transition écologique et le ministre de l’Économie ont en effet profité de la rentrée scolaire pour dévoiler les contours de la Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné. 7 milliards d’euros seront ainsi investis pour développer une production d’hydrogène « vert » et rentable à grande échelle en France, dont 2 milliards d’euros affectés dès 2021-2022 dans le cadre du plan de relance gouvernemental à 100 milliards.

Car si l’hydrogène est déjà utilisé dans de nombreux secteurs (raffinage, chimie, électronique, agroalimentaire, etc.), il est encore majoritairement d’origine fossile et émet donc d’importantes quantités de gaz à effet de serre. Or, il est possible de produire de l’hydrogène « propre », via un procédé d’électrolyse de l’eau, à condition que l’électricité utilisée provienne de sources décarbonées.

C’est précisément le cas en France, où la production électrique repose essentiellement sur le nucléaire et les énergies renouvelables, deux filières n’émettant que très peu de CO2.

Un marché évalué à 100 milliards d’euros par an

« L’hydrogène est une opportunité stratégique pour massifier et accélérer la décarbonation de secteurs et d’acteurs difficiles à décarboner, en particulier dans l’industrie et le transport », a justifié Barbara Pompili. Pour ce faire, l’exécutif prévoit dans un premier temps d’installer l’équivalent de 6,5 GW d’électrolyseurs d’ici 2030, soit près de quatre fois la puissance installée du futur réacteur nucléaire nouvelle génération de Flamanville (Manche). Le deuxième objectif vise à alimenter les modes de transport lourds, comme les camions à bennes et de fret, autocars, autobus, trains, voire même navires et avions.

« Il faut qu’en 2035, nous ayons réussi à avoir un avion […] neutre en carbone, et l’hydrogène est certainement l’option la plus prometteuse », a plaidé Bruno Le Maire. « L’hydrogène répond aux besoins de fortes puissances motrices ou aux besoins de longue autonomie, notamment pour les flottes captives parcourant de longues distances à flux tendus », précise le gouvernement dans son dossier de presse.

L’intérêt de cibler la mobilité lourde est double. D’une part, ce secteur fait partie, avec celui de l’industrie, des deux pans économiques les plus émetteurs de CO2 en France. L’économie d’émissions escomptée par l’État s’élève ainsi à 6 millions de tonnes de dioxyde de carbone.

D’autre part, ces engins disposent le plus souvent d’éléments communs ou similaires à ceux nécessaires pour exploiter l’hydrogène, comme des piles à combustibles, réservoirs, électronique, etc.

Cette caractéristique permet en outre aux constructeurs et équipementiers de ces moyens de transport lourds de développer plus facilement leur offre vers l’hydrogène. Avec, à la clé, un chiffre d’affaires annuel évalué à 100 milliards d’euros et 225 000 emplois maintenus ou créés, selon Bercy.

Premier contrat en Allemagne pour le Français Hynamics (filiale d’EDF)

Grâce à son mix électrique très largement décarboné et à la présence de nombreux poids lourds de l’industrie des transports sur son territoire, la France semble avoir déjà une longueur d’avance sur les pays étrangers en matière de développement de la filière hydrogène. Parmi les entreprises sur lesquelles compte prioritairement l’État, EDF n’a d’ailleurs pas attendu le lancement du plan à 7 milliards d’euros pour s’intéresser à son potentiel.

En mars 2019, lors de la Foire internationale d’Hanovre dédiée aux technologies de l’industrie, l’énergéticien avait annoncé la création de sa filiale Hynamics, visant à proposer une offre hydrogène bas carbone performance pour les acteurs de la mobilité et de l’industrie. À cette occasion, il avait également confirmé sa prise de participation à 22 % dans l’entreprise française McPhy, considérée comme référence dans ce domaine.

C’est d’ailleurs grâce à son expertise qu’Hynamics vient de remporter son premier contrat dans une raffinerie du nord de l’Allemagne. Avec plusieurs autres partenaires européens, la jeune filiale d’EDF a pour mission d’installer et de produire du carburant à partir d’hydrogène renouvelable. Le budget total du projet, qui s’élève à 89 millions d’euros, sera en partie financé par le plan hydrogène allemand, d’un montant de 9 milliards d’euros.

L’hydrogène : pont entre plusieurs secteurs industriels

Dans le sillage d’EDF, plusieurs autres acteurs majeurs de l’industrie sont d’ores et déjà dans les starting-blocks pour grappiller leur part du marché naissant mais déjà très prometteur de l’hydrogène, à l’image de Safran, d’Alstom et de la SNCF, de Michelin et de Faurecia, d’Engie, de Total, de Renault, de PSA ou encore d’Air Liquide. « Impossible de dire quel acteur se distinguera ou sera le leader de demain car le marché est encore balbutiant, commente Xavier Regnard, analyste à la banque d’investissement Bryan, Garnier & Co. Ce qui est certain, c’est que la taille [de l’entreprise] sera importante, car il faudra financer des investissements massifs et fournir un gros effort en R&D. » On parle ainsi de 200 millions d’euros investis par le groupe français Plastic Omnium, leader mondial de la production plastique… Car contrairement à la technologie électrique sur batterie, celle à l’hydrogène intéresse également les acteurs de l’industrie pétrolière. « Les batteries électriques excluent l’industrie pétrolière, pas l’hydrogène, assure Bertrand Piccard, président de Solar Impulse, sur BFMTV. Les industries pétrolières savent fabriquer du liquide, transporter du liquide, vendre du liquide. Elles peuvent très bien se diversifier dans l’hydrogène. » 

Batterie et hydrogène, même combat !

Les filières batterie et hydrogène seraient en outre complémentaires car au service de formes de mobilité différentes. « Les batteries [sont] utilisées pour des véhicules légers et une distance de 300 à 400 km. C’est beaucoup plus efficient, car toute l’énergie que vous mettez dans la batterie est récupérée, illustre Bertrand Piccard.Sauf que, si vous voulez des camions, si vous voulez des distances beaucoup plus longues, ou alors pour des trains, des péniches, ou peut-être plus tard des avions, les batteries seront trop lourdes et trop polluantes à fabriquer. C’est là que la pile à combustible alimentée par l’hydrogène trouve tout son sens. Ce sont deux créneaux qui sont parfaits [l’un pour l’autre]  ! »

Une harmonie déjà identifiée par la ville de Pau, qui a lancé début 2020 la première ligne de bus française à hydrogène (Febus).

Les 8 véhicules de 19 mètres de long peuvent accueillir chacun 125 passagers et parcourir 240 km d’une traite. Et pour en faire de véritables moyens de transport propres, la mairie prévoit prochainement d’installer un électrolyseur géant qui les alimentera grâce à l’énergie solaire…

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COMMENTAIRES

  • Tout cela est bien beau, mais tant que le rendement global de la filière sera inférieur à 20% entre l’électricité de départ, son transport, les électrolyseurs, la liquéfaction, le transport le stockage et la distribution de l’hydrogène liquide, la pile à combustible, la batterie qui va avec et le moteur électrique.
    et les coûts multipliés par 10 tout au long de ce processus, ce sera beaucoup moins « vert » que prévu et d’un prix non concurrentiel.
    Je ne parlerai pas de la sécurité en cas d’accident ou de la consommation véhicule à l’arrêt pour maintenir les -253°C dans le réservoir.
    Un passage transitoire par le méthane liquide (100° moins froid) ne nécessitant que des réservoirs 3 fois plus petits en gardant les moteurs à combustion interne qui existent permettrait sur les 20 ans ou 30 ans qui viennent de voir venir avec déjà des gains importants en CO2, oxydes d’azote et particules fines.

    Répondre
  • Il y a 71 kg et 8.500 MJ (2.360 kW.h) dans 1 m3 d’hydrogène liquide à -253 °C
    Il y a 415 kg et 21.000 MJ (5.800 kW.h) dans 1 m3 de méthane liquide à -153 °C
    il y a 400 kg et 1.400 MJ (400 kW.h) dans 1 m3 de batterie lithium ion.
    il y a 750 kg et 33.000 MJ (9.000 kW.h) dans 1 m3 d’essence.
    Ces simples valeurs montre où il est le plus facile d’aller à court terme.

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