Hydrogène : l’IA, une opportunité majeure pour faire face aux défis de demain

L’hydrogène représente une opportunité stratégique pour la France et l’Europe mais la complexité de la filière nécessite de prendre en compte tous les écosystèmes qui interviennent sur toute la chaîne de valeurs.

Pour en savoir plus, nous avons interrogé Pierre Nougué, CEO fondateur d’ECOSYS Group (ingénierie de la donnée, de la modélisation d’écosystèmes et de l’intelligence artificielle).

 

En quoi l’intelligence artificielle et la modélisation d’écosystèmes peuvent-elles aider l’Europe et la France à gagner le pari industriel consacré à l’hydrogène ?

Au sein d’ECOSYS Group, entreprise spécialisée en data management, nous avons pour mission centrale d’aider nos clients à maîtriser leurs données et leurs écosystèmes pour gagner en performance durable.

Nous sommes convaincus que l’intelligence artificielle (IA) constitue une opportunité majeure pour faire face aux enjeux et défis de demain.

Après plusieurs années de « test et d’apprentissage » et de pratiques opérationnelles, nous avons développé des méthodes uniques de modélisation d’écosystèmes, qui permettent d’agréger des informations et de visualiser des chaînes de valeur en caractérisant les acteurs qui les composent et ce qui les lie, avec plusieurs possibilités de lecture.

Ces méthodes et outils ont notamment été utilisées par le Pôle Véhicule du Futur et la région Grand Est pour structurer une filière industrielle dédiée à l’hydrogène.

Pour réussir la transition écologique et énergétique et soutenir le développement de solutions telles que l’hydrogène, il faut être en mesure de faire des choix d’investissement complexes.

Il faut penser les mix énergétiques de demain encore incertains, valider et structurer des projets de tailles, de géographies, d’enjeux technologiques différents dans l’espoir qu’ils généreront les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques escomptés.

Ces choix ne sont pas aisés et nécessitent d’être pensés avec le maximum de cohérence au niveau local, régional, national et européen pour tenter d’atteindre au mieux les objectifs de neutralité carbone, d’indépendance énergétique, de souveraineté industrielle mais aussi d’emploi.

L’IA, avec toutes les technologies qu’on y associe, de la robotique à l’apprentissage automatique en passant par l’analyse prédictive, offre notamment la possibilité de simuler et de mesurer l’impact des décisions prises par les acteurs économiques.

L’effort de prototypage pour les technologies hydrogène est coûteux, et les capacités de simulation nouvelles offertes par l’IA et les technologies numériques doivent permettre de converger vers des démonstrateurs adaptés et ciblés qui rendront possible le passage à l’échelle.

Pour réussir le pari industriel de l’hydrogène, il faut aussi pouvoir combiner les investissements publics annoncés dans le cadre de France Relance ou du Green Deal européen et les capacités d’investissements privés, de toute nature.

Il faut identifier les projets, les territoires, les acteurs qui susciteront de l’emploi industriel, permettront de préserver notre souveraineté et garantiront une qualité de fourniture d’énergie pour tous à moindre coût avec un bilan énergétique positif pour l’environnement.

La structuration d’une filière industrielle dédiée à l’hydrogène “vert” ne sera possible qu’avec une vision écosystémique. La multiplicité des acteurs qui la compose doit être envisagée comme une clé pour réussir demain son développement, comme cela l’a été pour la structuration de la filière aéronautique avec Airbus, qui a réuni un écosystème de PME, start-ups et ETI avec le soutien des acteurs publics et de financeurs privés.

Vers quelles industries doit-elle se tourner pour assurer le développement annoncé ?

Le déploiement de la filière hydrogène s’appuie sur un grand nombre d’entreprises tout au long de sa chaîne de valeur, qui doivent se coordonner entre elles et avec les acteurs publics pour assurer un développement efficace.

Le grand enjeu du premier maillon de la chaîne, la production, est de donner une réalité économique à l’hydrogène vert. En France, deux acteurs majeurs produisent des électrolyseurs : Areva H2Gen, racheté très récemment par GTT, et McPhy, start-up qui compte plusieurs grands partenaires stratégiques tels que Technip Energies et EDF.

Le déploiement et l’installation des usines de production doit ensuite passer par l’action d’entreprises ou de collectivités prêtes à investir dans la production d’hydrogène vert, celle-ci représentant aujourd’hui moins de 5% de la production d’hydrogène totale.

Des entreprises spécialisées telles que Lhyfe ou H2V Industry travaillent au déploiement de cette solution énergétique, et les grands énergéticiens nationaux développent également des offres pour se positionner sur ce marché.

D’un point de vue technologique, l’hydrogène présente encore d’importantes barrières quant à son transport et son stockage. L’objectif est de rendre possible le transport d’hydrogène en quantité industrielle sans induire un coût trop important, pour assurer la compétitivité de ce vecteur énergétique.

Il faut aussi rendre possible son stockage et son acheminement vers les lieux de distribution en toute sécurité et avec un rendement énergétique accru.

Pour cela, des industriels tels que GRTgaz ont lancé différents projets en Europe afin de transformer les infrastructures gazières existantes et permettre le transport d’hydrogène.

Des solutions alternatives sont aussi développées par des acteurs spécialisés tels qu’Hysilabs, start-up aixoise ayant conçu la technologie HydroSil®, un vecteur liquide pour transporter sans danger et sur de longue distance de l’hydrogène.

Enfin, la dernière partie de la chaîne de valeur, l’utilisation, est une des plus complexes au vu de sa multiplicité. On retrouve ici la nécessité d’une vision systémique pour l’enjeu d’intégration de la technologie hydrogène dans les usages, car les investissements devront se faire sur différentes filières, majoritairement la mobilité (bus, poids lourds, aéronautique, transport maritime…), l’industrie et, dans une moindre mesure, le bâtiment.

Les synergies entre ces filières, par exemple sur les questions de production et de transport, doivent nécessairement être privilégiées, pour améliorer la faisabilité du déploiement global de l’hydrogène.

Ensemble, les représentants de ces différents écosystèmes pourront accélérer le passage à l’échelle de piles à combustible de plus grande capacité (du kW au MW) et contribuer à la baisse du prix des technologies.

Comment doit s’organiser la filière hydrogène ?

L’attention autour de la filière hydrogène est forte aujourd’hui. La France a prévu d’investir 7 milliards d’euros sur la filière dans le cadre du Plan de Relance.

Ces investissements sont nécessaires et doivent permettre de sauvegarder et idéalement de recréer de l’emploi industriel en France.

La prise en compte les des plans de reconversion de bassins industriels historiques est une manière d’orienter ces investissements pour créer de nouvelles opportunités.

Le projet Emil’hy intégré au programme France Relance en atteste : GazelEnergie et Storengy (filiale du groupe ENGIE) se sont engagés à reconvertir une des dernières centrales à charbon à Saint-Avold (Moselle) en unité de production d’hydrogène par électrolyse.

Il sera essentiel de piloter très précisément ces investissements publics régionaux, nationaux et européens. L’Etat, l’ADEME, les régions et des fédérations comme l’AFHYPAC vont devoir coordonner leurs choix et tracer leurs impacts.

Pour que la filière se structure, il faut de grands projets stratégiques qui intègrent dès leur conception une réflexion sur la pérennité et la compétitivité de l’ensemble du système.

En effet, l’hydrogène se trouve aujourd’hui dans de nombreux projets au stade de démonstration, mais c’est le déploiement à grande échelle qu’il faut désormais viser.

Pour faire face aux défis de demain, nous construisons des feuilles de route partenariales ciblées sur des acteurs influents de l’hydrogène en France/Allemagne et Canada/Etats-Unis.

Le projet WESTKÜSTE100, consortium allemand de 10 partenaires publics et privés pour la production d’hydrogène vert destinée aux usages industriels, de la mobilité et de la chaleur, est un exemple à étudier.

A l’échelle française, on pourra utiliser comme cas d’usage le projet Zero Emission Valley (ZEV) de la région Auvergne-Rhône-Alpes ou le projet HyGreen d’ENGIE, de l’agglomération DLVA (Durance Luberon Verdon Agglomération) et d’Air Liquide.

Leur évolution sera primordiale pour organiser la filière. Ces grands projets naissent de réflexions multi-acteurs et multi-usages. Les collectivités, les énergéticiens, les gestionnaires d’infrastructures, les acteurs de mobilité (constructeurs, équipementiers…) et tous les fournisseurs de services associés (centres de recherche, banques…) devront faire converger leurs feuilles de route et leurs actions.

Et du coup penser à des procédés moins énergivores…

En effet, il faut trouver des solutions pour recycler la matière utilisée et développer le capital humain en proposant des formations adéquates.

Depuis 10 ans, nous observons les marchés mondiaux et européens propices au développement d’activités en lien avec l’hydrogène.

Certains pays, conscients des enjeux et du potentiel de l’hydrogène dit “vert”, ont décidé d’investir, parfois dans des proportions plus importantes encore que la France et plus tôt.

Depuis plus d’une décennie, l’Allemagne a choisi de soutenir cette filière, nécessaire au déploiement de ses nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable notamment.

De nombreux projets ont déjà été déployés, notamment au sein de la filière automobile. Cela a motivé par exemple la création en 2015 de l’entreprise H2 Mobility, consortium allemand entre partenaires industriels et gouvernementaux.

L’Union Européenne soutient activement le développement de la filière hydrogène et a financé de nombreux projets jusqu’ici.

L’Europe a par exemple financé le projet ZEV en région Rhône-Alpes-Auvergne, un des projets les plus ambitieux de mobilité zéro-émission en Europe.

Dans cette course mondiale à l’innovation, nous sommes convaincus qu’il faut absolument réussir à créer d’autres alliances et des projets à dimension européenne, tout en tenant compte des enjeux de souveraineté propres à certains secteurs économiques.

L‘objectif est de faire émerger progressivement des “giga-factories » comme pour les batteries électriques et de soutenir l’émergence de champions européens, forts à l’export. Dans le même temps, il est essentiel de structurer un réseau de transport et de distribution homogène (projet EU Hydrogen BackBone) et créer des standards à l’échelle du continent pour faciliter l’adoption de véhicules à hydrogène.

 

 

 

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