Accélérer la décarbonation des industries chimiques et pharmaceutiques

Éclairage signé Erwan Cotard, directeur de marché chez Engie, et Ludovic Ferrand, Future Industry Lab Manager, Engie Lab Crigen.

Décarboner ces industries est particulièrement pertinent en période de reprise économique car la chimie est en quelque sorte le fournisseur de tous les fournisseurs, dont la pharmaceutique qui est une industrie hautement stratégique comme la crise Covid l’a bien montré. Les logiques de consolidation au niveau européen et français puis de réindustrialisation/relocalisation ne peuvent se faire que sur de nouveaux standards, plus conformes à la transition énergétique.

Cette tendance est à la fois une opportunité de réduction de l’empreinte carbone et de meilleure résilience du système productif.

On peut bien sûr décarboner en amont grâce à la chimie verte et aux matériaux biosourcés ou recyclés, domaine en pleine expansion. Mais aussi en agissant sur les consommations d’énergie.

Il faut distinguer d’une part la chimie de base qui traite de très gros volumes à faible valeur ajoutée, et d’autre part la chimie de spécialités et la pharmacie qui produisent de plus petits volumes à forte valeur ajoutée.

Ces derniers sont par ailleurs les clients des premiers. Le cas de la chimie organique est emblématique avec des consommations d’hydrocarbures fossiles en tant que matière première [1] , comme le gaz naturel transformé en ammoniac et produits azotés dans l’industrie des engrais. Ces industries sont très sensibles aux coûts des énergies, une forte hausse des prix peut donc entrainer des mesures radicales de fermeture temporaire de capacités.

Même lorsque l’énergie est utilisée comme matière première, il est possible de verdir le procédé en jouant sur l’origine du gaz utilisé : biométhane ou hydrogène vert (comme dans le Projet Yuri en Australie que Yara développe avec Engie [2] ).

L’ammoniac est par ailleurs considéré comme un vecteur intéressant pour la transition énergétique, afin de faire transiter l’hydrogène des zones à fort potentiel renouvelable vers les zones moins dotées et à forte demande.

Vive la sobriété !

Le contexte de prix élevés relance par ailleurs ce qui doit toujours être la première réflexion en matière de consommation : la sobriété !

Des efforts importants ont été faits mais il est sans doute encore possible d’optimiser certains process avec le regard externe de consultants, d’universitaires ou d’énergéticiens. Ou parfois de tous ces acteurs via des projets européens comme ceux dont les pôles de compétitivité Axelera [3] ou PolePharma [4] se font régulièrement l’écho.

Des solutions existent également pour verdir ses process chimiques ou pharmaceutiques sans les modifier fondamentalement. C’est un des intérêts majeurs du biométhane qui n’implique aucun changement au niveau des chaudières ou encore de l’électricité verte via les fameux green PPA (Power Purchase Agreements). La question de la disponibilité de volumes suffisants peut cependant se poser et milite en faveur d’une accélération globale sur les énergies renouvelables, en intégrant l’enjeu de l’intermittence et la complémentarité des réseaux gaz et électrique.

L’électrification mise en avant par plusieurs scenarios d’évolution de la demande (RTE notamment) et par certains acteurs peut répondre aussi aux attentes en matière de décarbonation … dans les pays où le mix électrique est lui-même décarboné et à petite échelle. Mais pour des secteurs très consommateurs comme la chimie de base, les coûts correspondants se seraient pas supportables.

Il n’y a pas de solution miracle, de « silver bullet » de la décarbonation

Il faut donc étudier chaque situation au cas par cas en s’intéressant aux nouvelles solutions comme les pompes à chaleur haute température ou aux solutions matures comme la production de chaleur ou de vapeur grâce à la biomasse.

Le prix élevé des énergies, les projets de taxation carbone aux frontières, les engagements volontaires de la quasi-totalité des acteurs de la chimie et/ou de la pharma (initiatives type SBTI [5] ou RE100 [6] , avec des notes CDP [7] en amélioration), la disponibilité de financements via notamment les Plans de relance et les compétences des acteurs européens dans la transition énergétique participent à une accélération de la décarbonation dans ces secteurs.

Comme ailleurs, la part chaleur/vapeur ne doit pas être oubliée et l’électrification ne pourra pas tout faire, il y a une place pour les gaz verts et la biomasse en plus d’efforts renouvelés en efficacité énergétique.

Vers un mix de solutions durables

En conclusion, nous observons une accélération inédite de la décarbonation sans pour autant que les solutions soient toutes immédiatement disponibles tant les objectifs sont élevés.

Comme souvent, il faut se garder de tout miser sur des solutions en apparence faciles (électricité ou hydrogène vert) car elles reposent sur des ressources encore rares et chères, alors que l’économie européenne cherche à relocaliser ses industries dans des conditions économiques supportables. Seule une approche sur mesure, phasée dans le temps, construira un mix de solutions durables.


 

Crédit photo : © ENGIE Lab CRIGEN / Franck Dunouau, 2021

[1] Voir les explications de France Chimie : https://www.francechimie.fr/positions-expertises/energie-logistique/energie

[2] https://www.engie.com/sites/default/files/assets/documents/2021-11/ENGIEXH2-FR-011.pdf

[3] https://www.axelera.org/fr

[4] https://www.polepharma.com/

[5] Science Based Targets initiative https://sciencebasedtargets.org/

[6] L’initiative RE100 rassemble plus de 300 entreprises internationales qui ont pris l’engagement de se fournir à 100% en énergie propre. https://www.there100.org/

[7] Carbon Disclosure Project https://www.cdp.net/fr

commentaires

COMMENTAIRES

    • Ah, notre impayable Rochain !!!
      « L’industrie qui est une consommatrice essentiellement diurne »
      Ma foi, j’ai connu bien des usines en 3×8 !
      Ensuite, vu le taux de charge de 15%, proche de zéro donc, tenant en partie à la faiblesse du solaire en hiver, 15% de l’été, les usines ne vont pas tourner très souvent LOL

      Répondre
  • C’est une évidence que le solaire produit dans la journée, mais cette production est capricieuse, tant au niveau du niveau de production que de durée de production. Rochain a évidemment une solution alternative magique et rentable a proposer aux industriels !

    Répondre
    • Le solaire est prévisible et contrairement à l’éoloien ne connait pas les extremes de ce dernier . En cela il est une source fiable et de production totalement prévisible. De plus contrairement à ce que vous croyez comme beaucoup, il n’a pas nesoin de Soleil mais de lumiere.
      J’ai relevé régulierement la production du parking de Casino à Narbonne par temps claire et par temps couvert la différence n’est pas de 0 à 1 mais varie de 1/3 par temps couvert à 3/3 par temps clair, et par ailleurs, il est rarissime que la France entiere soit couverte uniformément plus d’une journée…… alors dans ce cas même avec le 1/3 de la production totale on a les autres renouvelables dont je ne vais pas vous refaire la liste.
      Il n’y a pas de micracle mais des solutions facielement accessible, beaucoup plus que les problèmes posés par el n ucléaire.

      Répondre
      • Ah, Rochain, j’admire. Il faut oser écrire de telles sornettes LOL
        « Le solaire est prévisible et contrairement à l’éoloien ne connait pas les extremes de ce dernier  »
        Ah bon, j’étais persuadé que le solaire ne fonctionnait pas la nuit LOL

        Avec Rochain, on ne ménage pas le progrès.

        Quant au fait d’être prévisible (enfin, je suis d’accord au dessus des nuages LOL) ce n’est utile que pour savoir à quelle heure démarrer les centrales à gaz pour compenser.
        Bof …

        Répondre
  • Quel serait ainsi le cout d’une électricité aussi variable avec un back-up composé d’autres renouvelables, et lesquelles ?
    Pour la France, le parc actuel de 12 500 MWc fournit ce mois-ci une puissance de 2 000 à 5 000 MW en pointe journalière. Et pour la courbe de production : https://www.rte-france.com/eco2mix/la-production-delectricite-par-filiere
    Votre solution tiendrait du miracle (ou de « l’usine à gaz ») et c’est pour cela que cela n’intéresse pas les industriels. Rochain est donc toujours dans la spéculation.

    Répondre
    • Ca n’interesse pas les industriels ? Ils réponent à tous les appels d’offre meme quand on leur fait des procés qui durent 5 à 6 ans avant de planter leurs éoliennes. C’est surtout l’état qui freine depuis toujours pour essayer de ménager l’EDF et son nucléaire qui finira par s’écrouler de toutes les façons.Il n’y a que vous qui ne voyez pas évoluer le monde. les industriels ne sont en revanche pas interessés par le nucléaire, trop long, trop cher, trop risqué ! Aux USA où de nombreux réacteurs appartiennent à des entreprises privé ils sont abandonnés, et si cela foncteionnait si bien que ce que vous croyez, Westinghouse ne serait pas en faillite mais aurait le vent en poupe

      Répondre
      • « C’est surtout l’état qui freine depuis toujours pour essayer de ménager l’EDF et son nucléaire »
        Rochain, il ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît !

        « C’est surtout l’état qui freine depuis toujours pour essayer de ménager l’EDF et son nucléaire »
        Désolé, Rochain, et merci pour votre découverte frappée du sceau du bon sens LOL
        Je croyais que c’était le gouvernement qui obligeait EDF à prendre l’électricité des éoliennes et solaire en priorité (ce qui lui retire des bénéfices) à un prix très au dessus du prix du marché (ce qui NOUS ruine).

        Laissez donc EDF acheter au prix du marché, et tout s’arrête.

        Répondre
        • Vous avez sans doute une autre explication pour justifier, par exemple, que l’on n’ai pas installé les 6 GW d’éolien offshore que nous nous étions engagé à la cop21 de Paris en 2015, à avoir opérationnel pour l’échéance 2020 ?

          Répondre
  • Mais l’éolien ne compose qu’un élément du bouquet énergétique. Il est illusoire d’espérer un approvisionnement constant et fiable à l’aide de cette source. Quant au nucléaire, il fait ce qu’il peut en raison d’un calendrier de maintenance décalé, mais il ronronne autour de 48 500 MW en base cet hiver avec un taux de disponibilité autour de 80 % du nominal. Il ne semble pas s’écrouler comme vous l’espéreriez.

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