Les chaudières gaz sont-elles compatibles avec la lutte contre le changement climatique ?

Un article signé des équipes du pôle Bâtiment-Immobilier & pôle Énergie chez Carbone 4

En 2020, en France, les chaudières gaz et les chaudières fioul font partie des modes de chauffage les plus carbonés du marché.

Pour une consommation en chauffage équivalente, une chaudière gaz émet 35% de plus de gaz à effet de serre qu’un chauffage électrique Joule et 4,5 fois plus qu’une pompe à chaleur[1] [2] .

Cette comparaison repose sur des chiffres officiels disponibles dans la base carbone de l’ADEME[3] . Plus techniquement, ils se nomment « facteurs d’émissions » et permettent de   convertir une quantité physique, telle que les kilowattheures, en quantité équivalente de gaz à effet de serre.

Leur analyse nous permet de classer l’impact carbone de différents modes de chauffage (chaudière fioul, chaudière gaz, chauffage électrique par effet Joule, réseau de chaleur, pompe à chaleur ou chaudière bois) et d’en déduire que les solutions de chauffage gaz et fioul sont parmi les plus carbonées disponibles sur le marché[4] .

Le fioul doit sortir complètement du mix énergétique du secteur d’ici 10 ans, comme le rappelle la Stratégie Nationale Bas Carbone[5] .

Cette stratégie de l’État sert à planifier la décarbonation des différents secteurs d’activité (bâtiment, transport, industrie…) en leur accordant un budget carbone maximal, dégressif dans le temps.

Que comprennent les facteurs d’émissions de l’énergie ?

Les facteurs d’émissions ne se limitent pas aux émissions directes, mais intègrent le cycle de vie.

Le facteur d’émissions du gaz de réseau comprend les émissions liées à la combustion du gaz (CO2 directement émis dans l’atmosphère) ainsi que les émissions dites de « l’amont » (extraction du combustible, transport et distribution…).

Le facteur d’émissions de l’électricité pour l’usage du chauffage comprend les émissions liées à la production de l’électricité, à l’amont (extraction des combustibles, acheminement…) et aux pertes de distribution. La méthode utilisée pour calculer ce facteur d’émissions considère que le chauffage est un usage « saisonnalisé à 100% ».

À ce titre, elle prend en compte le fait que le chauffage électrique appelle un mix de production différent (et plus carboné) du mix utilisé pour assurer « la base » de la consommation électrique en France. En résumé, l’impact carbone de « la pointe électrique » est bien pris en compte dans le facteur d’émissions de l’électricité pour l’usage du chauffage.

À titre de comparaison, le facteur d’émissions de l’électricité du réseau en France en 2018[6]   est de 57 gCO2e / kWh contre 147 pour l’usage du chauffage seul.

Quel avenir pour les chaudières gaz ?

Horizon 2030 :

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie[7]  de l’État compte sur une pénétration de biométhane à hauteur de 7% en 2030 dans le réseau de gaz. De son côté, GRDF décrit un scénario très volontariste (parmi 3 scénarios distincts) qui mise sur 30% de biométhane injecté dans le réseau en 2030.

En mettant de côté le réalisme d’une telle projection, le facteur d’émissions du gaz passerait à 200 gCO2e / kWh[8]  et serait donc toujours 25% plus élevé que le facteur d’émissions actuel de l’électricité pour l’usage du chauffage par effet joule.

D’ici 2030, la chaudière gaz restera ainsi un des modes de chauffage les plus carbonés sur le marché, malgré une telle pénétration de biométhane dans le réseau.

Horizon 2050 :

Aujourd’hui 2e énergie consommée dans le bâtiment derrière l’électricité, le gaz occupera la dernière place en 2050 d’après la Stratégie Nationale Bas Carbone : 35 TWh soit 7% de l’énergie consommée, contre 210 TWh soit 27% aujourd’hui.

Pour ce faire, plusieurs millions de logements actuellement chauffés au gaz devront se défaire de leur chaudière pour laisser la place à des solutions de chauffage moins carbonées : pompes à chaleur, réseaux de chaleur, chaudières bois…

Il est important de comprendre que le gaz ne pourra pas être « 100% renouvelable » en 2050 (composé à 100% de biométhane[9] ) comme le souhaite la Stratégie Nationale Bas Carbone tant que les volumes consommés n’auront pas drastiquement diminué : une division par 6 des quantités de gaz consommées dans le secteur du bâtiment est attendue entre 2015 et 2050.

L’atteinte des objectifs de la France pour le secteur du bâtiment repose sur une amélioration importante de la performance énergétique du parc, ainsi que sur la décarbonation des vecteurs énergétiques.


[1]  Le propane et le butane ont un impact carbone légèrement supérieur à celui du gaz de réseau. Quelques rares réseaux de chaleur sont plus carbonés que le fioul. En tendance, les réseaux de chaleur se décarbonent fortement en intégrant des énergies renouvelables dans leur mix. La moyenne actuelle de l’impact carbone des réseaux de chaleur est à 100 gCO2e / kWh et peut monter jusqu’à 384.

[2]  Système qui capte des calories « gratuites » de l’air ou du sol à partir d’une pompe fonctionnant avec de l’électricité

[3]  http://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil

[4]  Cf. note 1

[5]  Projet de décembre 2018 : ce document met à jour la SNBC pour que les objectifs carbone donnés à chaque secteur soient compatibles avec l’objectif de neutralité carbone de la France d’ici 2050

[6]  Base carbone de l’ ADEME : « électricité – mix moyen consommation »

[7]  Outil de pilotage de la transition énergétique pour la France

[8]  Cf. l’encadré « Pour aller plus loin…sur le biométhane ! »

[9]  Les gisements envisagés sont principalement agricoles (fumiers, lisiers et cultures intermédiaires). Les épluchures des déchets ménagers ne seront pas de taille pour remplacer le gaz fossile qui alimente nos chaudières, contrairement à certaines idées reçues !

commentaires

COMMENTAIRES

  • Considérer que l’électricité de chauffage est à 147 g de CO2/kW.h alors que celle pour les autres usages est à 57 g à la seule raison que le chauffage est « saisonnier » est surprenant car la climatisation est aussi « saisonnière » l’éclairage également de même que les éoliennes sont « intermittentes » (comme les panneaux solaires mais aussi l’industrie qui ferme les WE et au mois d’août….) avec le réchauffement, nous chaufferons de moins en moins et climatiserons de plus en plus, l’ensemble deviendra donc de moins en moins « saisonnier ».
    Avec 57 g, l’électricité est (et de très loin) l’énergie de chauffage la moins carbonée sous réserve de ne pas installer de centrales à gaz pour réguler la fourniture intermittente des éoliennes et panneaux photovoltaïques.
    Quand il est dit qu’une pompe à chaleur divise encore par 3 ces émissions de CO2 de l’électricité, c’est sans compter les émissions amont de ces pompes et surtout les émissions de gaz fluorés (qui sont censés rester dans les climatiseurs, les frigos, les pompes à chaleur) mais parfois fuient (quand ils sont produits, stockés, introduits dans les appareils puis en utilisation et enfin lors du recyclage de fin de vie) et sont: Chlorofluorocarbures (CFC ou CnFmClp ) : 4600 à 14000 pires que le CO2 pour l’effet de serre.
    Une VMI avec puisage en sous sol et des radiateurs électriques font aussi bien et à beaucoup moins cher.

    Répondre
  • Bonjour, peux on vraiment parler de réseau de chaleur écologique avec de telles déperdition dans les sols ? Dans plusieurs commune lorsqu’il neige nous pouvons suivre le réseau de chaleur a la trace car la neige fond dessus, de plus le bois acheminer ou autres déchets sont coûteux en impact carbone de part leur transport … Pour ce qui est de l’électricité peux t’on réellement parler du faible impact carbone quand le plus gros problème reste la gestion des déchets nucléaires et autres pollution autour des centrales ? Avec le bio méthane dans les réseau gaz, le carbone contenues dans les réseau serait un carbone qui aurait été échapper dans l’air via la décomposition ou autres procédés, le méthane étant un gaz beaucoup plus puissant pour l’effet de serre, il devient alors plus écologique de le réutiliser et de le transformer en co2.
    Bien cordialement

    Répondre
  • OK, mais comment sera produite l’électricité sans CO2 nécessaire pour développer les pompes à chaleur, ainsi que les véhicules électriques et production d’hydrogène vert (= eau + électricité) pour décarboner les transports, en plus des bâtiments ?
    Même en intégrant la poursuite du développement de l’éolien et du solaire, est-ce compatible avec le démantèlement anticipé des réacteurs nucléaires (18 d’ici 2035 sur les 58 existants ?), à commencer par Fessenheim (décision la plus négative pour le climat en France depuis des décennies)?
    Souhaitons que la « convention citoyenne » propose des solutions réalistes, et non idéologiques pour cela …

    Répondre
  • entre les lignes je vois que la combustion du biométhane en torchère est bel et bien une aberration…
    pour ce qui est du bilan carbone du nucléaire, j’ose espérer qu’on a compté l’amont (le béton, l’énergie d’extraction de l’uranium, de raffinage, l’énergie pour refroidir les déchets en piscine et leur stockage à long terme…
    les ukrainiens et les japonais ont peut être un ordre d’idée de ce qu’il en coûte quand « le truc pas prévu » arrive quand même…

    à cause de tout cela, j’ai beaucoup de mal avec le chauffage « grille pain », sans compter le rendement thermique désastreux des turbines vapeur (atomiques ou non) de l’ordre de 33%, et des pertes en ligne à chaque transformation de voltage…

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