L’Accord de Paris, cinq ans plus tard : état d’urgence climatique ?

12 décembre 2015. 195 pays, 1 seul objectif : assurer collectivement que les températures mondiales ne dépassent pas de plus de 1,5°C les niveaux préindustriels d’ici 2100. Qualifié d’historique, l’Accord de Paris est avant tout une victoire du multilatéralisme. Cet accord met en avant l’idée phare de neutralité carbone, c’est-à-dire de l’atteinte d’un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par l’homme.

Déception et urgence climatique

Pourtant, alors que l’accord fête ses cinq années d’existence, l’enthousiasme des débuts semble désormais lointain et l’enjeu plus pressant que jamais. L’urgence a été réaffirmée par Antonio Guterres, secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, samedi 12 décembre : « J’appelle aujourd’hui les responsables du monde à déclarer l’Etat d’urgence climatique dans leur pays jusqu’à ce que la neutralité carbone soit atteinte » afin de préserver l’avenir des générations suivantes.

L’Organisation des Nations Unies alerte sur le risque d’un réchauffement d’au moins 3°C d’ici 2100

En effet, dans son rapport de décembre 2020, la PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) alerte sur le fait que sans modification de la trajectoire actuelle, le niveau des températures s’élèverait de 3°C au moins, bien loin de l’objectif fixé. Or les effets d’une élévation plus importante des températures sont imprévisibles et pourraient s’avérer catastrophiques du fait des réactions en chaîne qu’ils pourraient provoquer.

Alors que les catastrophes climatiques en tous genres (incendies ravageurs, cyclones dévastateurs, invasions de criquets pèlerins…) se multiplient ces dernières années et que de plus en plus de pays sont touchés (Etats-Unis, Australie, Inde, …), l’année 2020 sera-t-elle aussi celle de l’aveu d’échec de l’accord qui a succédé au protocole de Kyoto ?

A la différence du protocole de Kyoto, l’Accord de Paris ne pose pas d’objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; il mise sur une incitation par la transparence, puisque les parties à l’accord sont tenues de présenter tous les 5 ans leur cible, qui ne peut qu’être revue à la hausse.

Le texte plaide également pour un investissement dans les sources d’énergie non fossiles et prévoit le financement d’une aide climatique à destination des pays en voie de développement.

Dès 2017 pourtant, l’accord a été dénoncé par le Président sortant des Etats-Unis, Donald Trump. Cette sortie du second émetteur mondial de gaz à effet de serre, qui a pris effet le 4 novembre dernier, mine l’effectivité de l’accord et fait peser le risque d’un départ en chaîne.

De plus, dès 2018, l’aide accordée aux pays en voie de développement était inférieure aux objectifs fixés par l’accord (79 milliards contre 100 milliards selon l’OCDE), alors que ces pays sont souvent les premières victimes du changement climatique.

Pourtant, l’enjeu climatique est plus que jamais au centre des préoccupations

En effet, en cinq ans, l’urgence climatique n’a cessé d’investir le devant de la scène, avec une prise de conscience marquée du public, qui cherche à minimiser l’impact de sa consommation (86% des Français pensent pouvoir contribuer directement à la transition énergétique) et qui fait pression sur les institutions et les entreprises.

Les jeunes générations ont ainsi manifesté en faveur de réformes plus radicales pour la transitions énergétique dans le cadre des Fridays for Future. Certains Etats se sont même vus assignés en justice par la société civile pour inaction climatique.

Une opinion publique de plus en plus mobilisée face à l’urgence climatique

Si le brutal ralentissement de l’économie dû à la Covid-19 n’a entrainé qu’une baisse conjoncturelle des émissions en rien de spectaculaire au vu des objectifs à tenir, il aura malgré tout participé à renforcer cette prise de conscience des grands enjeux climatiques.

Aussi les différents plans de relance de l’économie constituent-ils une opportunité majeure pour assoir les bases d’une économie en marche vers la neutralité carbone.

Ces derniers mois, les grands émetteurs de gaz à effet de serre semblent avoir revu leurs objectifs à la hausse, alors que vient le moment pour les Etats de soumettre aux Nations Unies leur nouveau programme pour les cinq années à venir.

Ainsi, l’Union européenne vise la neutralité carbone d’ici 2050 et souhaite consacrer une part non négligeable de son plan de relance à une économie plus verte, en ligne avec le European Green Deal lancé il y a un an. L’objectif est désormais de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de 55% par rapport aux années 1990 d’ici 2030 (contre 40% précédemment).

Le nouveau Président des Etats-Unis, Joe Biden, souhaite quant à lui voir son pays réintégrer l’Accord de Paris dans la foulée de sa prise de fonction en janvier 2021 et atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 également. Il entend de plus s’assurer que la Chine, premier émetteur de gaz à effet de serre, fasse sa part.

Pékin n’a cependant pas attendu le nouvel élu démocrate : le pays est en passe d’atteindre voire de dépasser les objectifs de réduction d’intensité carbone fixés pour 2020 et a posé de nouveaux jalons pour les années à venir.

Dès septembre, Xi Jinping a réaffirmé sa volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2060. Il promet une hausse de la part des énergies renouvelables dans la consommation primaire d’électricité du pays.

Pékin prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2060

 

Un nouvel élan ?

Ce tableau contient bien sûr également ses parts d’ombre : investissements à l’étranger très carbonés de la Chine dans le cadre du développement des « nouvelles routes de la soie », réticence de certains pays de l’Union européenne à tourner le dos au charbon ou encore difficultés prévisibles à convaincre le Congrès des Etats-Unis d’adopter les mesures proposées par Joe Biden…

Il est cependant permis d’espérer des actions concrètes face aux effets immédiatement sensibles du réchauffement climatique. Cela est d’autant plus vrai que la prise de conscience n’épargne pas le secteur privé : les entreprises se mobilisent de plus en plus, encouragées par les nouvelles aspirations des consommateurs, parfois sans attendre que la loi vienne les y contraindre.

Le sommet organisé ce week-end à l’occasion des cinq ans de l’Accord de Paris constituera-t-il un nouvel élan pour contrer l’urgence climatique ?

La COP26 qui se tiendra à Glasgow dans un an permettra de tirer un premier bilan des nouveaux objectifs définis et de l’intégration de ces enjeux aux plans de relance face à la crise.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Les belles paroles des COP ou quand les chantres narcissiques se cachent derrière les tentures.
    Surtout ne faisons rien, nous sommes déjà si beaux disait-il ce coq arrogant.
    Cachée derrière son nucléaire vanté bien au-delà de ses quelques mérites écologiques la France s’engageait sur ce qu’elle allait faire, par exemple planter 6 GW d’éolien offshore sur ses trois façades maritimes, un privilège envié par les autres Européens, et tout cela productif à l’échéance des engagements en 2020.
    2020, nous y sommes, tous nos voisins ne disposant que d’une, et au mieux de deux, façades maritimes ont respectés leurs engagements, et nous ? Pourquoi voulez vous investir dans le renouvelable puisque notre électricité est déjà une des moins carbonés ? Alors, nous n’avons rien fait, d’éolien en mer nous sommes passés de zéro à……..zéro.
    Et nos autres engagements de l’échéance 2020 ? Pareil, nous n’avons rien fait puisque notre tas de déchets nucléaire continu à grossir !
    La honte d’être français.

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    • Monsieur ROCHAIN semble focalisé par l’électricité d’origine nucléaire dont il est un adversaire viscéral.
      Le changement climatique lié au CO2 ne concerne pas que l’énergie électrique, mais surtout le transport, l’industrie et le tertiaire. Les débats stériles n’amènent à rien si l’on ne tient pas compte de ces composantes.

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  • Et la fierté d’être un des meilleurs élèves du monde en matière de décarbonatation de l’électricité ! N’est-ce pas là le principal ? Or l’empreinte carbone du mix électrique n’est pas le critère retenu par l’Europe qui fixe des critères de développement des ENRi. Or ces ENRI s’appuient, sur une grande partie des pays européens (et dans le monde), sur une forte dépendance aux énergies fossiles.

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    • Joyeux rigolo Luc, je ne vois pas les mille milliards d’euros du photo voltaïque et de l’éolien dans ce tableau qu’Eurostat est supposé montré, pas plus que je ne vois le million de milliards du nucléaire (au point où on en est à dire n’importe quoi pourquoi se gêner ?)
      Quand on veut être pris au sérieux on ne balance pas des allégations faisant référence à des documents qui parlent d’autre chose

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  • Le développement massif des ENR n’a pas fait disparaitre le parc fossile thermique existant. C’est même le contraire et c’est ce que ne veut pas voir Rochain. Sur les émissions carbone pour l’énergie, peu de changement. Alors, tout ça pour ça !

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    • Et ce que ne veut pas voir Cochelin c’est que malgré 60 and de développement du nucléaire nous n’avons toujours pas (pour ne parler que de la France) réussi à faire disparaitre le fossile notamment le charbon (le bon exemple ?)
      Mais Cochelin voudrait que les renouvelables après seulement 10 ans de développement aient fait disparaitre totalement le fossile d’Allemagne…
      Après 10 ans seulement de développent du nucléaire, le fossile étaient encore à plus de 70% de notre ressource électrique alors que l’Allemagne après 10 ans de renouvelable les fossile est à moins de 48% de leur mix
      Alors tout ce bla bla pour se regarder le nombril Cochelin ?

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  • Avec les énergies renouvelable, les centrales thermiques sont utilisées de façon intermittente et leurs rendements sont moins élevées que si elles étaient utilisée à puissance constante.

    Donc même si elles produisent moins de kWh, elles émettent plus de CO2 par kWh que si elles étaient utilisées à puissance constante.

    Voilà pourquoi, l’Allemagne, qui a seulement 20% d’habitants de plus que la France, continue d’utiliser 2 fois plus d’énergies fossiles que la France.

    Ceci alors que l’Allemagne n’est sortie du nucléaire, a remplacé 6 GW de centrales au charbon par 6 GW de centrales au gaz et utilise déjà beaucoup de biomasse (Il faut déjà 1 millions d’hectares de maïs pour alimenter les usines de méthanisation).

    Et, bien entendu, le gaz ne tombe pas du ciel, son importation émet, en amont, beaucoup gaz à effet de serre comme le montre ce tableau d’une étude intitulée LIFE CYCLE GREENHOUSE GAS PERSPECTIVE ON EXPORTING LIQUEFIED NATURAL GAS FROM THE UNITED STATES, 2019, National Energy Technology Laboratory, Pittsburgh, USA.

    https://zupimages.net/up/20/50/x1g3.jpg

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    • Ils ont donc certainement tort de remplacer le charbon par le gaz selon vos propos très décousus
      Mais comment se fait il que l’on ai besoin d’importer nous même tant de gaz avec 61,5 GW de nucléaire…. ha oui, c’est parce que il y a si peu de vent nucléaire que les turbines à vent nucléaire sont toujours arrêtées. et produise depuis 6 mois entre 27GW et 46 GW au lieu de 61,5 GW…. au lieu de regarder la paille dans l’œil des allemands vous feriez bien de temps à autre de regardez la poutre dans l’œil de la France. En attendant, merci à l’Allemagne qui nous abreuve de ses électrons éoliens.et gaziers

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      • lL France exporte environ 12 % de sa production et fait bénéficier les pays « receveurs » d’une électricité bas carbone (en 2019 42 g CO2/KWh), ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne qui exporte environ 6 % d’électricité très carbonée (362 g/KWh).

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        • Le plus grave c’est que vous ne vous rendez même pas compte que par chance, au terme d’une marche de 60 ans don’t l’objectif n’était pas la decarbontipn, nous émettons moins de co2 que l’Allemagne partie seulement depuis 10 ans dans une marche vers la de carbonation.
          C’es aussi stupide que de dire que l’Allemagne exporté plus vers la France se la France n’expotye vers l’Allemagne… Mais je me demande si vous allez comprendre cela avec votre aveuglement ?

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          • Imaginez vous l’effort financier et technologique que doit fournir l’Allemagne dans les 30 prochaines années, selon ce scenario, pour tenter de mettre fin aux centrales thermiques fossiles et les conséquences sur les factures des consommateurs ! https://energy-charts.info/charts/remod_installed_power/chart.htm?l=fr&c=DE Sans compter le pillage d’immenses ressources minières et les problèmes de stabilisation du réseau avec de telles variations de production.

          • J’imagine surtout que nous aurons le même à faire peu de temps après lorsque nous nous serons enfin rendu compte que le nucléaire est un cul de sac pour de multiples raisons qui vont de plus toutes se télescoper en même temps : coûts de production de plus en plus élevée, disparition des mines d’uranium les plus accessibles de la planète, embargo des pays qui en son producteur pour faire chanter la France pour certains et pour garder cette précieuse ressource pour eux même pour certains autres, dénonciation mondiale du pillage de la matière la plus rare de la planète pour simplement la transformer en énergie alors que le recours aux métaux destinés à construire les outils de capture et de transformation de l’énergie ne partent pas en fumé et sont infiniment recyclables et qui laissent derrière elle des déchets qui désertifient les lieux qui les reçoivent.
            De parias marginaux nous allons devenir les coupables de l’appauvrissement et de l’empoisonnement de la planète pour les générations futurs, contraints et forcés de recourir comme le reste du monde aux seules ressources qui soient éternelles que nous appelons aujourd’hui les renouvelables.
            Vous rendez vous compte Cochelin que nous allons donc payer deux fois l’addition que l’Allemagne et les autres pays progressistes n’auront payé qu’une seule fois ?

          • En parlant d’empoisonnement de la planète et de victimes liées au mix électrique, il semble que la France soit, en la matière, très loin de ce que vous pouvez insinuer : https://www.afis.org/L-impact-sur-la-sante-des-differentes-sources-de-production-d-energie
            D’autre part, les ENR dites « renouvelables » mobiliseront d’énormes quantités de ressources minières non renouvelables dont le recyclage ne changera rien à l’appauvrissement de l’écorce terrestre. Ce qui est mobilisé n’y retournera pas et aura coûté très cher en énergie, en Joules ou en TWh, pour leur extraction.

          • La seule ressource minière non renouvelable mobilisée pour produire de l’électricité est l’uranium vous ne faites preuve que d’ignorance

  • Je n’ai pas dit que le biogaz était importé mais le gaz était importé.

    Et effectivement, l’Allemagne importe 2 fois plus de gaz naturel que la France.

    70,5 millions de TEP de gaz naturel pour l’Allemagne en 2018 contre 38,4 millions de TEP pour la France.

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