Voiture électrique : les constructeurs pourront-ils répondre à la recharge ultra rapide bientôt en service sur autoroute ?

Par Jean-Baptiste Sicart Ruiz, consultant junior et Stanislas Genty, manager chez Colombus Consulting.

En février, le ministère des Transports a dévoilé la stratégie du gouvernement afin de soutenir le développement de la recharge rapide sur autoroute avec comme objectif fin 2022, un total de 400 aires de services équipées en bornes de recharge rapides.

Pour cela, un financement supplémentaire de la part de l’Etat est mis en place pour l’installation d’au moins 4 bornes, la moitié devant disposer d’une puissance minimale de 150kW.

L’Etat a donc choisi de privilégier une puissance de recharge de 150 kW pour les stations de recharge sur autoroute. Celle-ci semble effectivement adaptée au temps moyen passé sur les aires de repos, puisqu’avec une recharge à cette puissance, une voiture peut récupérer plus de 300km d’autonomie en 20 minutes.

Les voitures électriques françaises pourront-elles, à court et moyen terme, se charger à une telle puissance ?

La recharge d’un véhicule électrique peut se réaliser jusqu’à une puissance maximale, qui varie d’un modèle à l’autre. Dans le cas de la recharge rapide[1] , la recharge de la Renault Zoé par exemple est aujourd’hui limitée à 50kW (en option), celle de la Peugeot e208 à 100kW.

Une Renault Zoé peut se connecter et se recharger sur une borne d’une puissance de 150kW ou supérieure, mais l’énergie lui sera délivrée à une puissance de 50kW au maximum. Sa recharge durera donc plus longtemps. Cette limitation de puissance de charge du véhicule est une contrainte technologique des chargeurs et des batteries dans les véhicules afin d’en éviter la détérioration.

En 2020, près de la moitié du parc électrique français (hors véhicules hybrides rechargeables) peuvent se charger à une puissance supérieure ou égale à 50kW. D’autre part, 7% des véhicules électriques (VE) sont compatibles avec une recharge 150kW, un chiffre qui stagne depuis 2019 malgré la forte accélération des ventes de véhicules électriques en 2020.

Pourquoi la recharge ultrarapide 150 kW peine à décoller en 2020 ?

Les véhicules compatibles avec la recharge ultra-rapide 150 kW représentent un segment haut de gamme, des berlines (82%) avec un prix moyen à l’achat particulièrement élevé, supérieur à 60 000 € soit presque deux fois plus que le prix moyen des voitures se chargeant à 50 kW.

A titre de comparaison, les grandes berlines ne constituent que 3% du parc routier particulier en 2018 toute motorisation confondue et le prix moyen d’achat d’un véhicule neuf pour un ménage est de 22 000 €[2] .

Comment vont évoluer les puissances de recharge dans le parc électrique français ?

Sur 2020, il existe une accélération très nette du nombre de véhicules vendus compatibles avec la puissance de 50 kW, qui devrait se généraliser dans les années à venir. Les annonces des constructeurs automobiles montrent également qu’une majorité des modèles récents ou prévus prochainement sont compatibles avec la puissance 100kW.

La part de véhicules compatibles à cette puissance de 100 kW devraient donc augmenter significativement dans les prochaines années. De son côté, la recharge à 150 kW est encore limitée à un nombre restreint de modèles et devrait rester exceptionnelle dans le parc automobile à court et moyen terme.

La puissance maximale des véhicules doit être un paramètre à prendre en compte dans l’élaboration du service de recharge rapide le long des routes et autoroutes

L’Etat, en investissant dans des infrastructures de recharge 150kW d’une durée de fonctionnement supérieure à 10 ans, souhaite avoir un temps d’avance et anticipe une prochaine génération de véhicules électriques qui pourront se recharger à 150kW.

Cependant, cet écart de puissance entre bornes et véhicules demande d’adapter les tarifs de recharge. Aujourd’hui, sur une borne 150 kW avec une tarification fixe, il n’existe pas de différence de tarif entre un usager qui ne peut se recharger qu’à 50 kW à cause de son véhicule et un autre usager qui se recharge effectivement à 150kW.

Une tarification dynamique en fonction de la puissance soutirée pourrait s’avérer plus juste. Il faut également prendre en compte que les ménages les plus modestes seront les plus à même de se tourner vers des voitures électriques limitées en puissance de recharge.

Une recharge chère sur autoroute avec une structure tarifaire non adaptée à ces véhicules, doublée d’un temps de recharge long, est un facteur limitant pour le déploiement des véhicules électriques en France.

[1] Recharge en courant continu (DC)

[2] Etude Kantar Parc Auto 2019 https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etudes-et-recherches/vehicules/parc-des-vehicules/le-parc-automobile-des-menages

commentaires

COMMENTAIRES

  • Une  »erreur » technologique?
    Vouloir recharger de plus en pus rapidement  »imposerait » d’augmenter la puissance des stations de recharge…pas évident, coûteux…etc.
    Comment se fait-il que personne n’ai encore imaginé un transfert de charge, d’une (ou plusieurs) batteries positionnée(s) dans la station de recharge… vers le VE à recharger?
    Ces batteries  »stationnaires » pouraient se recharger plus lentement à plus faible puissance, en permanence afin d’être prêtes à assurer leur transfert de charge…
    Cette solution est tout à fait rentable car les rendements de charge/décharge présentent de très bons rendements énergétiques!

    Répondre
    • J’ai vu dans une vidéo montrant que Tesla a côté des super chargeurs aurait justement un parc de batterie, ce qui est effectivement parfaitement censé.
      Le contenu de l’article est intéressant, car il repose sur le postulat que le temps moyen acceptable de présence sur une série d’autoroute donc de recharge serait de 20mn.

      Vrai dans la vision actuelle, mais impossible à tenir dans le long terme.
      Il va falloir apprendre à vivre différemment, certains parlent de décroissance, moi je parlerai d’élévation de conscience.

      Est ce que ma vie sera boulversée si au lieu de m’arreter 20mn, je m’arrete une heure ?? Que vaut cette différence, si on prend du recul sur ce que l’on vit actuellement avec le covid.
      Des changements beaucoup plus profonds s’opèrent avec l’arrêt des deplacements en avion, le déploiement du télétravail, la déferlante des voitures électriques autant de sujet, qui nous etaient impossible d’imaginer il y a si peu de temps
      On sera contraint, moi je dirais pour notre plus grand bien, d’adopter un style slow life, et si on ne le fait pas, la nature de chargera de nous l’imposer comme elle le fait avec le covid.
      Tout comme on se croit les maitres sur la problématique climatique en ajustant nos émissions de ges, on semble oublier que la terre suit des cycles de glaciation et réchauffement immuables, que nous ne pourrons jamais modifier. Alors soyons humble réaliste et heureux de pouvoir au moins nous poser toutes ces questions.

      Répondre
  • Parmi d’autres, la société de recherche et d’études anglo-américaine IDTechEx n’a sans doute pas tort en estimant « que les constructeurs auto qui n’ont pas de projets de voitures électro-solaires vont rapidement perdre l’attention du public » (la version originale était même plus radicale, dans le sens de « couler », mais je l’ai modérée !)

    Le marché des véhicules électro-solaires devrait atteindre 15 milliards d’euros d’ici 2030 et passer les 40 milliards d’euros dix ans plus tard, soit + 167% de croissance en seulement 10 ans

    Plus de 22 constructeurs développent déjà des voitures électro-solaires. Pour les camions l’apport solaire va en pratique déjà jusqu’à plus de 35% de réduction de consommation sur les camions frigorifiques en particulier.

    Les batteries structurelles quant à elles ne sont pas encore tout à fait prêtes mais ont déjà de bons résultats et assurent de réduire nettement le poids notamment des véhicules (et de faire des vélos etc plus légers et compacts). Les supercondensateurs hybrides évoluent eux assez rapidement et permettent entre autres de passer de quelques 30% de récupération d’énergie au freinage à plus de 80% et évidemment une plus forte intégration d’énergie solaire.

    Bridgestone va équiper les Lightyear One de pneumatiques avec de meilleurs coefficients de roulement adaptés aux véhicules électro-solaires. Le prix de la prochaine version déjà en projet de ce véhicule dont le premier modèle est cher va passer à moins de 50.000 euros et moins ensuite. L’Aptera Solar aux Etats-Unis est vendue autour de 22.000 euros et le carnet de commandes est rempli. Idem pour l’allemande Sion de Sonomotors dans la même gamme de prix et alors que le groupe déploie sa technologie d’intégration polymère (qui se substitue au prix des coûteuses peintures) pour les camions, les navettes françaises Easymile etc. La formule solaire du français Gazelle Tech est très peu coûteuse mais par nature elle ne charge qu’à l’arrêt donc applications plus limitées.

    Une étude du centre de R&D TNO aux Pays_Bas démontre l’intérêt du solaire également pour la mobilité et les transports et désormais son temps de retour sur investissement pleinement justifié (pour ceux qui pensaient qu’il était préférable de mettre du solaire sur les toitures et de recharger le véhicule, çà c’était avant !)

    Enfin des véhicules de ce type mais à plus bas prix sont essentiels pour l’Afrique et les pays émergents pour l’apport local de solaire et donc maintes applications utiles et l’offre est déjà importante (près de 400.000 véhicules intégrant le solaire vendus par an et de plus en plus de franchises – le plus souvent chinoises mais le Japon, l’Inde, la Turquie etc suivent -. Toutefois on peut mieux faire, même si ces véhicules intégrant le solaire sont légers, ne coûtent que 2500 à 6000 euros selon les modèles et apportent plusieurs dizaines de km d’autonomie solaire supplémentaire par jour. Le marché et les impacts positifs par rapport aux véhicules échoués des pays développés sont énormes, donc cà vaut la peine de viser des productions locales et même s’il faut des prix bas dans beaucoup de régions.

    Dans les pays développés il ne faudrait pas une fois de plus déployer des véhicules électriques en surpoids surconsommateurs d’énergie, de ressources, nécessitant de multiples bornes de recharges rapides coûteuses, alors que le marché de l’occasion se retrouve dans les pays émergents qui déjà recyclent nos vieux diesel dont se débarrassent les réseaux.

    On refait le coup du nucléaire qui prétend à une énergie pas chère alors que les factures des quelques 12 millions de personnes en précarité énergétique explose en France à cause d’une approche énergivore et absurde pour satisfaire les intérêts commerciaux d’une minorité, qui en plus est surendettée par la gabegie énergétique de son propre modèle erroné et log à corriger comme pour tout monopole. Ou bien encore celle de SUV en surpoids. Il serait donc bon d’aborder l’énergie et les autres aspects associés « dans leur globalité et en tenant compte de tous les paramètres » et pas seulement le paramètre chiffre d’affaires à court terme

    Lightyear One pour exemple parmi d’autres :

    https://www.lalibre.be/economie/entreprises-startup/lightyear-et-bridgestone-vont-lancer-leur-voiture-electrique-solaire-a-la-fin-de-l-annee-60815ad6d8ad5816b4b6b863

    .

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