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Quels usages pour une voiture solaire ?

La voiture solaire, un rêve ? De jeunes allemands se sont lancés. Mais que peut-on réellement attendre d’un tel véhicule ?

 

Il y a 3 ans, j’encadrais des projets d’innovation d’étudiants de l’ESTACA autour de véhicules autonomes et électriques. Un groupe d’étudiants me proposait d’intégrer des panneaux solaires à leur véhicule pour le recharger en cours d’utilisation.

Aujourd’hui une petite entreprise, Sono Motors, développe le concept. S’ils me lisent, ces étudiants souriront certainement de mon scepticisme de l’époque. Alors, qu’en est-il ?

Il y a 3 ans j’étais plus que dubitatif par la présentation du groupe qui consistait à dire : « ce serait cool de mettre de panneaux électriques sur la voiture. Si c’est faisable, pourquoi ne pas le faire, c’est de l’innovation ? »

Eh bien non, ce n’est pas une démarche d’ingénieur. J’essayais de leur faire comprendre que oui, tout ou presque était possible, mais qu’il s’agissait de savoir ce que cela apporterait à leur véhicule, à ses performances, à l’expérience des utilisateurs, au modèle économique. En positif comme en négatif, et que cela devait orienter leurs choix. Ils peinaient beaucoup à établir ce type de raisonnement malheureusement.

Je vais m’y atteler brièvement ici, sur le cas de Sono Motors. Ce véhicule présente plusieurs autres innovations potentiellement intéressantes, sur lesquelles je ne reviens pas ici : recharge bidirectionnelle (on peut injecter de l’électricité sur le réseau électrique ou la maison, le fameux V2G), filtration améliorée de l’air, fonctionnalité d’autopartage native.

L’entreprise présente plusieurs innovations visant à une voiture plus respectueuse de ces occupants, mais propose principalement de recouvrir le véhicule de 330 cellules photovoltaïques et annonce que cela apporterait un gain de 30km d’autonomie, ce qui est un peu vague (sur quelle période, dans quelles conditions). Entrons un peu dans le détail.

330 cellules photovoltaïques cela représente en fait 8,03 m2 (le constructeur a retenu néanmoins une surface utile de 7,5m2). C’est davantage que la surface au sol d’une Clio (6,8 m2) car le véhicule est un peu plus empâté et ils utilisent aussi les côtés du véhicule pour produire de l’énergie.

En considérant que l’on peut produire typiquement 150 Wc/m2 de panneaux photovoltaïques (ils affirment que leurs panneaux ont un rendement élevé de 24%), le potentiel (en puissance) est de 1 125 Wc pour ce véhicule.

Il convient de garder à l’esprit qu’ils ont optimisé la surface en recouvrant même les côtés du véhicule, forcément moins exposés. Considérant que dans une journée type il y aura environ 8H d’ensoleillement exploitable, cela représente une énergie maximale produite, si les conditions sont favorables, de 9 kWh. Ce n’est pas totalement négligeable, il faut le reconnaître.

Après tout, les véhicules électriques (ex : Peugeot Ion, ZOE v1) du début des années 2010 avaient une capacité de stockage de 16 à 24 kWh, contre 41 kWh pour la dernière ZOE (et 400km d’autonomie théorique). La batterie de la SONO Sion est probablement du même ordre de grandeur puisqu’ils annoncent 250km d’autonomie réelle.

Qu’est-ce que tout cela représente ? Dans des conditions optimales, voire idéales et un peu théoriques, vous pouvez vous attendre à charger en une journée un quart de la batterie, ce qui représenterait au moins 50km d’autonomie. Sono Motors a anticipé le fait qu’en pratique le positionnement des panneaux solaires et les conditions de charge ne sont pas idéales, donc ils annoncent 30km, avec en fait une forte saisonnalité décrite dans la fiche technique et reproduite ci-dessous. En hiver vous pouvez tomber à 4km d’autonomie !

Autonomie "solaire" de la Sono Sion, première voiture à recharge solaire, en fonction de la période de l'année (Source : Sono Motors)

Autonomie « solaire » de la Sono Sion, première voiture à recharge solaire, en fonction de la période de l’année (Source : Sono Motors)

Dans la pratique donc, vous avez un gain d’autonomie de 10% l’été et de 2-3% l’hiver. Avec un surcoût non négligeable, quand bien même la promesse de prix du véhicule est attractive (à partir de seulement 16 000€ hors batterie).

Le véhicule n’étant pas encore produit, l’atterrissage pourrait être brutal. Il faut aussi prendre en compte le vieillissement et la maintenance d’un tel système. En fait il y a un vaste problème de modèle économique.

Enfin, il convient de garder à l’esprit que toutes ces cellules photovoltaïques supplémentaires viendront peser sur l’ACV (Analyse Cycle de Vie) du véhicule, donc son impact environnemental.

Rédhibitoire ?

Quelle application pour la Sono Sion, voiture solaire ?

Vu d’un utilisateur lambda de véhicule électrique, il est clair que le gain de 10% (maximum) d’autonomie implique un surcoût qui est supérieur au surcoût d’une batterie de capacité plus importante, si tels sont ses besoins.

L’utilisateur pourrait vouloir considérer le gain économique lié à la production d’énergie de son véhicule, qu’il peut réinjecter dans sa maison s’il ne roule pas beaucoup  grâce à la fonctionnalité V2G (Vehicle to Grid), une nouveauté sur ce type de véhicule.

Néanmoins, le tableau ci-dessous montre que les gains à attendre sont marginaux aussi bien du point de vue énergétique (quelques kWh/jour au maximum) qu’économique. Ainsi l’utilisateur peut s’attendre à économiser jusqu’à 19,5€/mois, soit 139€ sur l’année (tarif EDF à 0,14€/kWh en HP).

Néanmoins l’utilisateur soucieux de valoriser une énergie de source renouvelable économisera plutôt 169€/an (tarif Enercoop de 0,17€/kWh), et l’utilisateur allemand, qui paie son électricité le double, économisera malgré tout 298€. Si ce montant n’est pas négligeable, il reste soumis à des alea (climat, situation gégraphique, lieu de stationnement du véhicule) et ne financera pas le surcoût prévisible des panneaux solaires.

En revanche, il existe une catégorie d’utilisateurs qui pourraient s’intéresser à cette innovation : les autopartageurs, tout particulièrement ceux qui tels Car2Go (et bientôt Renault à Paris) font usage du fre-floating, des véhicules qui se garent sur toutes les places de stationnement disponibles.

Dans ce système, les véhicules électriques sont contraignants : il faut envoyer des « jockeys » pour les recharger, ce qui n’a pas beaucoup de sens, et la proposition de Renault en la matière est un peu douteuse. Comment envisager de déployer à grande échelle de tels véhicules ?

Autonomie (km) kWh/jour Nb jours Energie (kWh/mois) Economie
Janvier 4 0,7 31 21 2,99 €
Février 6 1,0 28 29 4,06 €
Mars 13 2,2 31 69 9,73 €
Avril 21 3,6 30 109 15,21 €
Mai 28 4,8 31 150 20,95 €
Juin 29 5,0 30 150 21,00 €
Juillet 26 4,5 31 139 19,46 €
Août 26 4,5 31 139 19,46 €
Septembre 17 2,9 30 88 12,31 €
Octobre 9 1,6 31 48 6,73 €
Novembre 6 1,0 30 31 4,34 €
Décembre 4 0,7 31 21 2,99 €
Source : Ghislain Delabie – C-Innovation

 

 

Des véhicules en autopartage qui se rechargent partiellement grâce au soleil, cela aurait du sens.

Les données issues d’Autolib démontrent que l’usage quotidien, en nombre de kilomètres parcourus, est assez limité, pas forcément supérieur à 30km.

Par conséquent, une flotte de véhicules électriques en free-floating équipés de panneaux solaires nécessiteraient beaucoup moins d’interventions de « jockeys », et même seraient quasi-autonomes l’été.

De quoi justifier le surcoût des panneaux solaires qui diminuera à terme. Peut-être une raison pour laquelle le constructeur a inclus dès le départ une fonctionnalité d’autopartage à son véhicule ? De manière similaire, certains cas d’usage en flottes d’entreprise (véhicules de service) pourraient aussi avoir du sens à terme.

Dans les remplaçants d’Autolib à Paris, nous trouverons peut-être dans quelques années des véhicules en « free-floating » et « solaires ».

Je souhaite bonne chance à Sono Motors pour y être, leur projet est plutôt sympathique et ils essaient de faire les choses bien. Ils ont même déjà intégré le suivi de leur impact environnemental et social, consultable ici. Un bon début…

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