Transition énergétique : le consomm’acteur est-il un mythe ?

Les Français restent des consommateurs passifs de l’énergie, attachés aux opérateurs historiques. En effet, la concurrence évolue peu dans l’énergie résidentielle. En électricité, 86% des foyers sont toujours chez EDF. Le gaz fait mieux avec 55% de foyers encore chez Engie (source CRE – 4e trimestre 2016). Pourtant l’offre s’est diversifiée. Certains opérateurs ont des tarifs moins chers que l’opérateur historique, jusqu’à -7% pour un foyer moyen. D’autres proposent une alternative écologique : les offres vertes garantissent une production 100% renouvelable équivalente à la consommation de leurs clients, avec de l’électricité solaire et éolienne et du gaz biométhane issu de déchets agricoles.

Plusieurs facteurs expliquent cet immobilisme. Tout d’abord, la différence de prix n’est pas assez attractive pour changer d’opérateur : comme les coûts de transport de l’énergie et les taxes représentent près des deux tiers de la facture et que les tarifs réglementés sont artificiellement bas, les nouveaux entrants ont peu de marge de manoeuvre. Ensuite, le secteur manque cruellement d’innovation technologique et de nouveaux services, en comparaison de la révolution des télécom. Ce défaut s’explique par des fournisseurs d’énergie encore trop production-centric et pas assez user-centric, et par l’absence de technologie mature commercialisable. Enfin, les utilisateurs n’ont pas le contrôle de leurs dépenses d’énergie : ils ne font pas le lien entre leur facture d’énergie et leurs habitudes de consommation.

Ce constat n’occulte pas quelques progrès dans la recherche d’économies d’énergie. La performance énergétique des habitats s’est améliorée : les logements neufs ont une isolation renforcée et des systèmes de chauffage plus efficaces. Par ailleurs de nouveaux équipements moins gourmands en énergie ont réduit la facture avec le mode éco, les ampoules LED, la suppression des veilles… Ces efforts favorisés par les normes françaises et européennes ont limité la hausse de la consommation d’énergie du secteur résidentiel-tertiaire à 13,5% entre 1995 et 2015 (source ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer). Mais on est loin d’un changement profond dans les comportements réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Dans un avenir proche, le consomm’acteur devrait néanmoins émerger grâce à deux bouleversements technologiques :

  • Des objets connectés utiles et peu chers, qui recueillent des données et appellent à des actions, arriveront à maturité. Ils nous permettront de comprendre et de maîtriser notre consommation. Par exemple, les thermostats connectés régulent la température du foyer en fonction de notre présence et de nos préférences. Les compteurs intelligents comme le Linky permettent de construire des services d’efficacité énergétique et de créer des tarifs personnalisés comme l’heure pleine-heure creuse à la carte, à la maille locale.
  • La production photovoltaïque décentralisée va exploser grâce à la baisse des coûts de fabrication et à l’assouplissement espéré de la législation sur l’autoconsommation (ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016). Ainsi de plus en plus de particuliers vont produire leur énergie renouvelable, la dépenser sur place et la mettre à disposition de la collectivité. Les réseaux intelligents faciliteront ces échanges à l’échelle du quartier, soit via un organe de contrôle sécurisant les transactions et les échanges d’électrons, soit en direct, par exemple avec les technologies blockchain.

La multiplication des consomm’acteurs ne se fera pas sans mesures propices aux innovations et à la production locale. Il convient d’abord que l’exécutif laisse le prix de l’électricité suivre l’augmentation normale des coûts de 5% par an, tel que prévus par la CRE et la Cour des Comptes. L’Allemagne finance ainsi la transition énergétique par une facture énergétique résidentielle 25% plus élevée qu’un foyer français pour une consommation égale. Les économies d’énergie et les énergies renouvelables deviendront alors un enjeu écologique majeur appelant à l’action. Il faut ensuite développer un cadre réglementaire encourageant la production d’énergie décentralisée (cadre d’autoconsommation collective, facilitation de raccordement au réseau, incitations financières durables aux énergies renouvelables), afin de responsabiliser les consommateurs résidentiels et de favoriser les initiatives locales au profit d’une gestion collective de l’énergie. Pour finir il faut construire des services à haute valeur ajoutée autour du Linky et du Gazpar pour les rendre indispensables (simulation comparative des offres d’énergie, distribution des usages, coaching personnalisé dans les économies d’énergie), ce que promet l’initiative Enedis Connect. Une fois ces conditions de marché remplies, une véritable transition énergétique est envisageable.

 

Crédit photo : Green MPs

 Le compte Twitter d’IJENKO

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COMMENTAIRES

  • Ils sont encore des consommateurs passifs car ils sont mal renseignés et se retrouvent perdus face aux informations. Changer d’opérateur leur demande aussi de sortir de leur zone de confort : s’informer, comparer et prendre du temps pour cette action. Ils ne sentent pas investis : un changement de comportement demande du temps et un accompagnement où la dimension humaine est centrale.

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