La transition énergétique doit-elle passer par autant de désinformation ?

Depuis plusieurs semaines fleurissent dans différents supports des prises de position vantant le rôle que doit jouer l’électricité dans la transition énergétique et fustigeant le sort qui lui serait actuellement réservé.

Une stratégie de communication intensive qui s’apparente plus à un tir nourri d’artillerie qu’à une approche constructive du sujet.

Il est temps de rectifier certaines choses, l’affirmation sans preuves, voire la fausse information ayant pris le pas sur l’argumentation éclairante qui devrait prévaloir quand on aborde la politique énergétique de notre pays.

La transition énergétique, mais aussi sociétale, est un enjeu complexe et décisif pour notre avenir … il ne peut être abordé que par une approche fondée sur l’efficacité énergétique, la pluralité des énergies, le verdissement de chacune d’entre elles, la prise en compte de toutes les externalités, les efforts et la contribution de chaque filière à l’objectif commun.

Une même foi dans la décarbonation

C’est en tout cas la conviction de l’association Coénove que j’ai l’honneur de présider depuis sa création. Personne ne met en doute la place que jouera l’électricité dans cette transition ; la vraie question est : toute seule, dans la lignée de sa posture impérialiste historique ou en acceptant de faire la place à d’autres qui poursuivent le même objectif et sont animés de la même foi dans la décarbonation de l’économie …

Au premier rang des accusés, le Coefficient d’Energie Primaire, accusé tout bonnement d’exclure l’électricité de la construction neuve et d’empêcher la France d’atteindre ses objectifs de lutte contre le dérèglement climatique…

Mieux même, dans une posture systématique de victimisation, « on » s’acharnerait sur l’électricité, puisque c’est la seule énergie à laquelle s’applique ce coefficient. Signalons tout de suite que ce coefficient appliqué dans la RT 2012 n’empêche nullement la pompe à chaleur de connaître un développement spectaculaire dans le secteur de la maison individuelle (plus de 60% du marché) !

Discrimination vous disiez ? Quant à la place du gaz dans le collectif, elle est avant tout à rechercher dans le coût et la mise en œuvre des PAC (individuelle ou collective) en immeuble.

La virulence des arguments n’est pas un gage de véracité. Rappelons quelques notions fondamentales : il est ahurissant d’écrire que l’énergie primaire n’a pas de signification intrinsèque, elle est le seul indicateur qui traduit les impacts sur notre planète des prélèvements de ressources naturelles et permet de comparer la responsabilité des énergies entre elles.

L’Europe ne s’y est d’ailleurs pas trompée et a confirmé l’énergie primaire comme seul mode d’expression des objectifs pour apprécier la performance énergétique des bâtiments.

Le problème est que l’électricité n’est pas une énergie primaire et, n’en déplaise aux adorateurs de la fée électricité, est obtenue en transformant des ressources extrêmement variées : charbon, pétrole, gaz, uranium, eau, soleil, vent … et que cette transformation se traduit par une chaine de rendements énergétiques pour passer de la ressource primaire, épuisable ou renouvelable à l’utilisation finale.

C’est le coefficient d’énergie primaire qui permet de remonter la quantité des prélèvements faits sur les ressources épuisables de la planète, car la notion clé du raisonnement est le caractère épuisable : l’énergie primaire ne concerne pas que les énergies fossiles, elle inclut également l’uranium utilisé pour l’industrie nucléaire, dont les réserves sont elles aussi limitées et posent les mêmes questions géopolitiques compte tenu des pays fournisseurs (Australie, mais aussi Russie et Kazakhstan) que les énergies fossiles. Ranger dans la même catégorie le nucléaire et les énergies renouvelables relève donc de la tromperie … l’uranium étant une ressource épuisable, il est tout à fait normal de l’intégrer dans le calcul du coefficient d’énergie primaire de l’électricité !

Quel coefficient ?

Et nous en arrivons maintenant à la valeur de ce coefficient, ce fameux 2,58 dont je concède qu’il repose sur des conventions et qu’il date quelque peu.

En fait, son mode de calcul (élaboré par l’Agence Internationale de l’Energie) s’appuie sur une production électrique à partir de centrales thermiques à flamme (charbon, fioul, gaz) avec un rendement moyen conventionnel de 38,7% .

Cela conduit au coefficient de 2,58 à appliquer : 1/38,7% = 2,58 ! Or, le parc de production électrique est désormais, comme chacun sait, très majoritairement nucléaire et qu’une centrale nucléaire a un rendement inférieur à une centrale thermique à flamme (de l’ordre de 33%), car, pour des raisons bien compréhensibles de sécurité, les niveaux de température dans le circuit primaire sont moins élevés dans une centrale nucléaire, ce qui dégrade le rendement.

Quelle serait donc la « bonne » valeur de ce coefficient ? L’Administration a publié en avril 2019 le graphe édifiant ci-dessous qui retrace son évolution en France depuis plusieurs années …

Pour 2019, on arrive à … 2,74, après entre passé par 3 en 2010 et 2,8 en 2015, ce qui signifie que, contrairement aux cris d’orfraie de certains, le chiffre de 2,58 favorise l’électricité depuis plusieurs années et nécessiterait un rehaussement.

L’urgence climatique est un sujet trop sérieux pour qu’on le réduise…

Les faits allant à l’encontre d’une volonté d’électrification massive immédiate du logement neuf, on nous propose d’aller chercher un mix électrique hypothétique 2035… pour adopter un nouveau coefficient à 2,1 dès la RE2020 !

Du jamais vu quand on connait la capacité de la France à respecter ses engagements de réduction du nucléaire.

Revoir le coefficient d’énergie primaire pour tenir compte de la montée en puissance des énergies renouvelables dans le mix électrique, oui… mais en adoptant la méthodologie retenue par l’Europe : calculs effectués sur le mix 2020 et révision tous les quatre ans.

Il est ainsi regrettable que les échanges et les débats autour de la transition énergétique et la future réglementation dans le bâtiment neuf, la RE 2020, s’appuient sur de telles allégations et fausses informations : l’urgence climatique est un sujet trop sérieux pour nos concitoyens et notre planète pour qu’on la réduise à un simple argument politique visant à évincer ses concurrents au premier rang desquels le gaz dont le verdissement est une réalité chaque jour plus affirmée.

commentaires

COMMENTAIRES

  • On croit rêver, pour ce qui est de la désinformation bravo!
    L’ennemi numéro un c’est le carbone les Ges… pour deux raisons essentielles les 150 morts/j en France et le 6 millions dans le monde, et a moyen terme le climat qui on nous le promet fera un désastre humain.
    Le nucléaire civil Français notamment subit un dénigrement fallacieux sans précédent , 70% des Français pensent qu’il est responsable de GES important. Pourtant l’ OMS et d’autre études sérieuse citées dans Our Worl in Data…. affime que le nucléaire civil est la source d’énergie la plus sure pour l’humanité y compris avec les accidents de Tchernobyl et Fukhushima.
    C’est grâce au nucléaire que la France peut afficher des résultats deux fois meilleurs que les Allemands en empreinte carbone, en 40 ans c’est 10Gt de CO² économisées 30% de l’empreinte annuelle mondiale actuelle, d’ailleurs ONU comme le GIEC et L’AIE recommande le nucléaire au plus tôt pour ceux qui le peuvent.
    C’est grâce à l’artifice le l’énergie primaire que la France estime à 50% son indépendance, je suis d’accord c’est faux, bien sur il y a des pertes de chaleur dans les réacteurs estimées à 700Twh pour zéros GES et des déchets stockés et maitrisé en quantité de milliers de fois moins que la combustion,. En effet un moteur de voiture c’est pareil 35% de rendement et oui! c’est aussi pas loin de 1000Twh evacué dans les air avec 250Mt de Co², auquel il faut rajouter le gaz désolé c’est du 400gr de GES au kwh même avec le soit disant vert.
    La RT2012 a avantagé éhontement le gaz par le prix et les contraintes réglementaires dont le fameux coef, alors qu’une pompe à chaleur électrique est bien plus performante que cette arnaque de la chaudière à condensation. pourquoi pas continuer …c’est pas sérieux. C’est vrai nous n’avons pas de ressources pétrolière et gaz ça fait mal par les temps qui court, l’uranium ,c’est pas cher (2gr= 1Mtep) et il n’y a aucune tension sur le marché.
    Pour un degré en dessous de zéro, il faut 2500Mw (2.5 réacteurs) électriques de plus, mais 5000 de gaz cherchez l’erreur dans vos incantations.

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    • Bien d’accord avec vous. On se demande bien à quoi sert cet article ? Et si les enjeux sont le réchauffement, évitons le gaz au maximum . Le rendement d’une centrale nucléaire est inférieur a une centrale a flamme, c’est sur? De toute façon on ne sortira du nucléaire que si il y a effondrement!

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  • Le concept d’énergie primaire a été mis en place par l’Agence internationale de l’énergie il y a de nombreuses années pour des raisons de statistique et pour pouvoir agréger et comparer des mix énergétiques très différents et largement dépendant des ressources locales .
    Ce concept à pu avoir un sens lorsque l’on pensait que l’on allait manquer de ressources fossiles : pétrole , gaz , charbon et que la notion de consommation de ressources était donc clé .
    Depuis l’on sait qu’en fait on a beaucoup trop de réserves fossiles , beaucoup plus que l’on peut en brûler sans un réchauffement terrestre ingérable ( il faudra laisser sous terre deux tiers des ressources fossiles connues : (Christophe McGlade1, & Paul Ekins in Nature January 2015) )
    Le facteur clé est le CO2 produit de la quantité d’énergie par son contenu en carbone
    Le contenu en carbone de l’électricité est très bas en France du fait du nucléaire et partout ailleurs dans le monde il baisse
    Pour ce qui est de la France une alliance des fournisseurs de gaz et des opposants au nucléaire est certainement a l’origine de l’utilisation de l’énergie primaire et du coefficient de 2,58 dans la réglementation thermique ; je conçois que l’on puisse être anti nucléaire mais n’avancez pas masqués et n’oubliez pas que chauffer au gaz au lieu de l’électricité c’est augmenter non seulement les émissions de CO2 mais aussi le déficit de la balance commerciale !

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  • @Bernard Aulagne
    En matière de désinformation vous êtes un fin connaisseur, en effet.
    D’abord il faudrait préciser que vous présidez Coenove, association qui promeut le gaz.
    Et que le gaz est un fort émetteur de CO2 quand il brûle : certes un peu moins que le charbon mais ce combustible fossile doit être éradiqué de notre mix énergétique si notre objectif est de protéger la planète !!!
    Et vous devriez avouer à nos lecteurs que vous défendez bec et ongles et avec une mauvaise foi incroyable, pour le chauffage des bâtiments, le gaz contre les pompes à chaleur qui fonctionnent à l’électricité : donc que vous vous asseyez allègrement sur les émissions de GES pour protéger votre gagne pain, en vous efforçant d’invoquer « l’énergie primaire », paramètre qui n’est aucunement en jeu dans le réchauffement climatique, ceci pour noyer le poisson !
    Désinformation, dites-vous ? On vous croit, vous êtes en effet champion en la matière…

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  • Plus c’est gros, plus çà passe !
    Monsieur AULAGNE sait très bien que l’humanité doit tout faire pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, dont le CO2 est le plus abondant.
    La réglementation thermique doit donc en priorité servir l’objectif de réduire les émissions de CO2 (et de méthane !) et donc l’usage des énergies fossiles au lieu de pénaliser artificiellement l’électricité qui, en France, est particulièrement décarbonée grâce au nucléaire et à l’hydraulique.
    Pénaliser l’usage de l’électricité dans le chauffage aurait un sens si, comme en Allemagne, elle était produite à près de 50% par la combustion du charbon et du lignite. En France, à l’inverse, il faut au contraire favoriser la conversion des usages énergétiques vers l’électricité et donc lui appliquer un coefficient de 1 dans la RT 2020.
    Il n’est pas étonnant que les Gaziers défendent leur filière, en revanche il est vraiment scandaleux que l’ADEME aille dans le même sens, corrompue par un noyautage interne anti-nucléaire.
    J’espère qu’un jour, cette administration aura à rendre compte devant la nation de ses prises de position mensongères.

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  • coefficient d’énergie primaire de l’électricité : pour quelles raisons les énergies renouvelable n’y sont pas intégrées car le moyen de production des appareils qui fournissent ces énergies reposes belles et bien sur des ressources finies et utilisent des énergie fossiles pour la fabrication transports etc ? Vue que les quantités de ces appareils sont considérables et le seront encore plus, comment peut-on ne pas les prendre en compte surtout qu’il va falloir les recycler si tant est que cela puisse être fait et avec quelle énergie. ?

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