Transition écologique : l’hydrogène cherche sa voie dans les territoires

Tribune rédigée par Christophe Clergeau et Arthur Moinet, consultants chez C2Stratégies.

En décembre 2015, lors du dernier renouvellement des assemblées régionales, le développement de l’hydrogène vert était encore encore loin de figurer parmi les priorités des nouveaux élus. Cinq ans plus tard, à quelques mois des élections régionales prévues en juin, cette technologie apparaît désormais comme un enjeu essentiel pour l’ensemble des régions de France, afin de contribuer à la transition écologique, et de faciliter l’atteinte de leurs objectifs énergétiques et environnementaux.

La plupart des Conseils régionaux ont ainsi publié des feuilles de route pour le développement l’hydrogène vert ces derniers mois. En France métropolitaine, 11 régions sur 13 disposent désormais d’un document d’orientation.

Néanmoins, malgré leur parution relativement synchrone, plusieurs différences d’approche peuvent être relevées au sein de ces derniers.

Des approches différentes

Certaines régions orientent prioritairement leurs dispositifs d’intervention vers l’appui aux porteurs de projets privés cherchant à structurer des écosystèmes combinant usages et production.

La région Bretagne, par exemple, concentre son soutien sur les initiatives qu’elle sélectionnera dans le cadre d’appels à projets, qu’elle pourra co-financer jusqu’à hauteur de 60%, et accompagne le dépôt des demandes de subventions européennes.

La région Hauts-de-France vise quant-à-elle un soutien direct aux acteurs économiques, notamment à travers la mobilisation de son fonds régional d’amplification de la 3ème Révolution industrielle ainsi que des prises de participations et subventions.

D’autres mettent en avant leur soutien à des projets collectifs innovants et structurants. C’est le cas du Conseil régional des Pays de la Loire, qui réaffirme, dans sa feuille de route adoptée en juillet 2020, son engagement particulièrement fort en faveur des deux grands projets H2 Loire Vallée et H2Ouest (notamment porté par la start-up Lhyfe). Sa SEM « Croissance verte » est par ailleurs disposée prendre des participations au capital des sociétés de projets industriels.

La région Bourgogne-Franche-Comté, qui a publié dès 2019 sa stratégie, se distingue également par son fort engagement pour la recherche et l’innovation. Ainsi, le Conseil régional soutient déjà de nombreux laboratoires et souhaite encourager la création de cursus innovants.

La région Nouvelle-Aquitaine se distingue également par sa volonté d’associer les différents acteurs à la gouvernance de sa stratégie, notamment au sein d’un comité de pilotage et d’un comité technique. En créant une marque H2 régionale, en menant des actions d’animation de la filière et en mobilisant ses sociétés « Nouvelle Aquitaine Co-Investissement » et « Nouvelle Aquitaine Capital investissement », la stratégie adoptée démontre clairement une volonté forte pour soutenir les projets innovants.

Plusieurs régions affichent comme priorité le développement de la mobilité hydrogène

C’est notamment le cas de la région Occitanie, pionnière dans le domaine, qui ambitionne d’ici 2024 d’acquérir 3 rames à hydrogène, de mettre en place 20 stations de production/distribution, de soutenir l’achat de 600 véhicules lourds ou légers et enfin de soutenir fortement la recherche, notamment en faveur de l’usage aérien de l’hydrogène vert.

La région Normandie étudie quant à elle le développement à l’horizon 2030 d’un TER hydrogène-électrique, fonctionnant sur la ligne Caen-Le Mans-Tours, en lien avec les régions concernées. Par ailleurs, son réseau régional « EAS-HyMob » propose aujourd’hui un maillage territorial efficace avec 9 stations de recharge déjà en service.

Enfin, la région Auvergne-Rhône-Alpes concentre son soutien sur l’émergence de la « Zero Emission Valley » et l’acquisition de véhicules hydrogène autour des stations installées dans ce cadre.

Bien sûr, ces trois dominantes de l’action régionale se combinent souvent au sein des politiques régionales et classer une région dans l’une de ces trois catégories comporte une part d’arbitraire. Il existe néanmoins des histoires, des réalités territoriales, et des choix politiques qui induisent des dominantes différentes dans l’action publique.

Prudence de mise

En outre, il convient de rester prudent dans l’analyse car dans la plupart des régions ces politiques de soutien à l’hydrogène sont récentes et en phase de déploiement.

Les chaînes de valeur sont donc encore fragiles et de nombreuses régions s’attachent d’ailleurs à positionner leurs PME sur cette technologie et son sourcing industriel.

Le développement de la mobilité H2 reste émergent et freiné par les contraintes financières des collectivités. La réflexion sur la production d’H2 vert est encore balbutiante, l’approvisionnement en électricité verte restant le plus souvent basée sur une électricité issue du réseau et bénéficiant de certificats d’origine.

Néanmoins, toutes les régions sont désormais engagées dans le développement de cette filière qui suscite un très grand intérêt auprès des élus.

Entre « effet de mode » et montée en puissance effective, l’hydrogène comme vecteur de la transition écologique cherche encore sa voie dans les territoires.

commentaires

COMMENTAIRES

  • La plupart de ces projets mettent la charrue avant le bœufs en privilégiant les clients de l’hydrogène notamment les transport au lieu de projets visant à produire l’hydrogène vert.
    Avant d’utiliser quelque chose il a toujours fallu d’abord le créer !

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  • De Gaulle, le14 décembre 1965 disait : « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe ! », « l’Europe ! », « l’Europe ! », mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. ».

    Il aurait pu dire la même chose à propos de l’hydrogène qui sous les effets de mode venu d’outre Rhin et des milliards d’euros planifiés par l’Allemagne (9G€) et par la France (7G€) qui a suivi comme au poker !

    Mais, ni les médias, ni le grand public, ni les responsables politiques, ne se demandent comment est produit ce gaz, ni à quel coût, ni d’où vient l’énergie pour le fabriquer, le compresser, le liquéfier, l’utiliser.
    Les impitoyables bilans globaux énergétiques et financiers de l’hydrogène « vert ou bleu ou gris » de sa production par électrolyse ou SMR (CH4) jusqu’à la pompe (liquéfié ou à 700b) ont toujours été mauvais tout simplement parce que les lois de la physique sont défavorables) et ne se soumettent pas aux décisions politiques.
    De nouveau dans les territoires qui veulent jouer aux « grands » vont s’orienter vers ce qui est une impasse économique et technique pour la société. Elle enrichira assurément toute une cohorte de « partenaires promoteurs » (qu’on voit bien poindre dans l’article) à coups de subventions juteuses accordées par Bruxelles dans le cadre de sa politique de « Taxonomie verte ».

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  • Effectivement, au risque de me répéter encore une fois, la filaire H² présente d’emblée un rendement global très mauvais, c’est une filière qui dilapide l’énergie dans toutes ses étapes (sauf par la métanisation!).
    En résumé sans reprendre les détails, quand on utilise 1KWh d’énergie issue de l’H², on a du en dépenser au minimum entre 4 et 5! Stupide, non rentable, innefficace… à oublier… sans par la filière de la méthanisation!

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  • Ce tour d’horizon des « politiques H2 » des régions est fort intéressant et décrit bien comment peuvent se mettre en oeuvre les actions de transition énergétique, c’est un domaine en général peu investigué, les commentateurs s’en tenant généralement aux aspects très théoriques des grands débats de principe…

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  • La filière hydrogène encore  »plus pire » que le nucléaire A CAUSE DE SON RENDEMENT ENERGETIQUE GLOBAL CATASTROPHIQUE.
    Le nucléaire présente un rendement énergétique global situé entre 25 et 30%
    La filière hydrogène présente un rendement énergétique global INFERIEUR A 20%!
    Pour 1KWh d’énergie produite par de l’H², il a fallu dépenser au moins 5KWh d’énergie (quelle que soit sa forme!).
    QUE LES POLITICIENS, LES DECIDEURS, LES FINANCEURS… ET CEUX QUI PRONENT CETTE PSEUDO REVOLUTION … N’OUBLIENT PAS CE BILAN ENERGETIQUE TRES MAUVAIS!

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    • « RENDEMENT ENERGETIQUE GLOBAL CATASTROPHIQUE. »C’est surtout vrai, actuellement, pour la production par électrolyse de l’eau, mais les pertes financières qui en résultent sont bien plus faibles que celles occasionnées par le réchauffement climatique.En outre des sources d’hydrogène naturel , apparemment non épuisables à la différence du pétrole, sont connues et il conviendrait d’engager leur prospection ( voir l’historique de la production du pétrole : au début on en connaissait peu). De plus l’hydrogène permet un stockage plus facile de l’énergie qu’il représente, et aussi son utilisation à l’échelle locale, (ce qui permet d’éviter en grande partie un système de distribution apoplectique) alors que la pandémie actuelle montre bien la nécessité de la relocalisation .

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      • Eh bien non, même pour son stockage, l’hydrogène n’est pas du tout  »LA SOLUTION »;
        -C’est la molécule la plus petite de tous les corps existants, elle traverse donc facilement tous les matériaux (réservoirs)…
        -Pour comprimer l’H² il faut dépenser beaucoup d’énergie,ensuite des réservoirs à 400 ou 700bars, ce sont des bombes!
        -Pour le liquéfier, il faut aussi dépenser énormément d’énergie pour le refroidir jusqu’à moins 252°C et ensuite avoir des réservoirs hyper isolés (qui fuieront quand même!).
        Le seul espoir ce sont les matériaux solides (hydrures métalliques) qui ne peuvent stocker sous forme d’association moléculaire que qqs % d’H²… on est très loin d’une utilisation rentable!
        Et pour  »des réserves naturelles » espoir perdu d’avance, l’H² est aussi le plus léger de tous les corps chimiques, la moindre molécule s’échappera très vite dans l’atmosphère…
        Enfin l’usage incontournable de l’H² liquide, c’est le carburant des fusées associé à l’oxygène liquide…

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        • « C’est la molécule la plus petite de tous les corps existants » : oui, mais la suite de la phrase est inexacte: déjà, actuellement, le stockage étanche, en grande quantité, est réalisé sous terre dans des cavités salines.On peut aussi garder l’hydrogène indirectement après méthanation ( réaction,exothermique , décrite par Paul Sabatier), dans des les poches d’anciens gisements épuisés de gaz naturel comme celui de Lacq.
          Justement , on peut utiliser l’hydrogène non pas tel quel mais sous une forme indirecte, plus commode, non carbonée évidemment, par exemple sous forme d’ammoniac ( réaction, exothermique, au point depuis plus de 100 ans ( procédé Haber pour la synthèse d’engrais chimiques azotés, dont un qui s’est fait remarquer : le nitrate d’ammonium … ). On peut l’utiliser aussi via l’acide formique ( voir site sepra81 :réaction mise au point à l’EPFL )pour autant que sa synthèse se fasse en piégeant du CO2 non issu de combustion d’ hydrocarbures fossiles( par exemple lors de la méthanisation).

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