Un système énergétique français en défaillance

L’éclairage de Benoît Girard et Amutha Dharmalingam, consultants au cabinet mc2i

Les impacts de la pandémie de Covid-19 continuent de se déverser sur nos entreprises de l’énergie. Face à l’intensité de la reprise économique dans le monde, une hausse des droits d’émission de CO2 en Europe et des tensions géopolitiques grandissantes, les cours du marché de l’énergie s’affolent.

De nombreux fournisseurs alternatifs ne peuvent plus continuer à appliquer des tarifs attractifs. Ainsi, le 13 janvier, le gouvernement a annoncé des mesures exceptionnelles qui soulèvent plusieurs problématiques sur le système énergétique français et le positionnement de l’État vis-à-vis d’EDF.

Une nouvelle mesure gouvernementale qui bouleverse le marché de l’énergie

L’État français, actionnaire majoritaire d’EDF avec 83,9 % des parts, a décidé de limiter à 4 % la hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité. EDF se voit contraint d’augmenter son volume de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (l’Arenh) de 20 TWh supplémentaires.

Ce dispositif, mis en place depuis 2011, oblige l’acteur français à vendre 100 TWh de sa production aux fournisseurs alternatifs à des prix très avantageux. Il leur permet de développer des capacités de production électrique.

Avec la nouvelle demande de 120 TWh, cela représente désormais 20% de sa production annuelle. De plus, pour la première fois, le prix de vente est revalorisé pour passer de 42 à 46,2 € le MWh (lien).

Ces mesures ont un lourd impact sur les finances du géant français avec une perte estimée à 3 milliards d’euros. Elle s’élèverait à 8 milliards si l’on considère les pertes d’opportunité sur le marché.

Cependant, afin d’éviter tout abus, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) compte s’assurer que les fournisseurs ne réalisent pas de marges supplémentaires avec une répercussion de ces tarifs préférentiels sur les factures de leurs clients.

Les annonces gouvernementales permettront sans doute d’arrêter à court terme la fermeture de nombreux concurrents privés. Elles préservent le pouvoir d’achat des Français en contenant la hausse des factures estimée par la CRE à 330 € par an pour un client résidentiel.

Des mesures qui fragilisent en profondeur et à moyen terme le système énergétique français

A plus long terme, ces annonces structurantes pourraient fortement impacter EDF qui se trouve être déjà lourdement endetté. Avec jusqu’à 17 réacteurs nucléaires à l’arrêt fin 2021, le parc nucléaire est vieillissant. De plus, la pandémie a entraîné de fortes perturbations sur les calendriers de maintenance, des problèmes de corrosion apparaissent entraînant l’arrêt forcé et prolongé de 5 réacteurs majeurs ces dernières semaines.

Acteur majeur du paysage énergétique français, il garantit une souveraineté énergétique grâce au parc nucléaire et hydraulique. Cette capacité de production permet à la France d’être le 1er pays exportateur d’Europe avec un solde de 43,2 TWh en 2020.

EDF possède également une place essentielle dans la transition énergétique et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 avec des investissements nets à hauteur de 14 milliards d’euros en 2020. On peut comparer cela aux 2 milliards d’euros investis par TotalEnergies dans les énergies renouvelables et l’électricité sur cette période. On voit donc difficilement un autre acteur français être en capacité de financer la construction de futures centrales ou autres projets de grande envergure.

Quelles sont les solutions pour pérenniser le système énergétique français ?

Face à ce système qui ne permet pas à EDF de couvrir ses coûts, plusieurs réformes sont à envisager. La CRE étudie une modification du dispositif de l’Arenh.

Cela consisterait à réévaluer les prix de vente pour qu’ils atteignent 49 euros le MWh. L’accès au dispositif serait également modifié, autorisant uniquement les particuliers et les petites entreprises à profiter de la répercussion de ces tarifs avantageux par les fournisseurs alternatifs.

Pour rappel, le système électrique français repose en partie sur une production dont soit la quantité (éolien), soit le prix (gaz) est peu prévisible. Une des pistes serait de restreindre au maximum la production électrique d’origine gazière afin de limiter la volatilité des prix.

De plus, ce système de plus en plus concurrentiel montre ses limites. Les fournisseurs alternatifs possèdent peu de capacités de production, ce sont parfois de purs distributeurs. Ils sont donc très sensibles à la fluctuation des prix de gros. Afin d’éviter cela, le retour à un oligopole encadré semble urgent.

Système fragile

La crise énergétique actuelle montre la fragilité du système du marché de l’électricité français. Nous voyons que les fournisseurs alternatifs sont en réalité en situation de dépendance et non de concurrence face à une production nucléaire compétitive.

Le gouvernement a choisi, à travers ses mesures, de sauver les concurrents ainsi que le pouvoir d’achat des consommateurs à quelques mois des élections. Cependant, il n’existe pas de solution miracle, les contribuables devront payer tôt ou tard.

Le rôle de l’État en tant qu’actionnaire soulève une interrogation plus globale : quel devrait être son positionnement vis-à-vis des entreprises ? Ne devrait-il pas se limiter à sa raison première : être garant du bon fonctionnement économique ?

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • Les derniers évènements géopolitiques ne vont pas manquer d’accélérer la réorganisation de notre système énergétique et la CRE va devoir modifier son approche purement libérale imposée par la commission européenne qui elle-même ne pourra pas rester figée sur son idéologie du marché.
    L’auteur termine son article par:
    « Le rôle de l’État en tant qu’actionnaire soulève une interrogation plus globale : quel devrait être son positionnement vis-à-vis des entreprises ? Ne devrait-il pas se limiter à sa raison première : être garant du bon fonctionnement économique ? »
    démontrant qu’il est bien économiste et pas physicien sinon il aurait compris qu’un marché libre d’un réseau électrique est physiquement impossible: ce sont les mêmes électrons qui alimentent tous les consommateurs d’électricité et comme pour le gaz il n’y a qu’un seul câble ou tuyau fournir l’énergie!
    Le « marché » ne pourra jamais être entièrement libre et seule une régulation très forte avec une nationalisation de l’énergie du gaz et de l’électricité pourra répondre aux besoins des citoyens et des industriels.

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    • Bonjour Victor, dans l’article que j’ai rédigé, je soulève effectivement une interrogation sur le positionnement de l’Etat en tant qu’actionnaire majoritaire d’un acteur majeur d’un secteur (ici EDF). Le sujet de l’ouverture à la concurrence d’un marché est une toute autre chose. A ce propos, je prône pour la mise en place d’un oligopole encadré. Bonne journée

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  • Et vous que faites vous d’autre derrière votre clavier à scruter et rependre votre propagande ?
    C’est la poêle qui se moque du chaudron?

    Répondre
    • victor vous confirmez bien : toujours en train de troller stérilement sans rien apporter au sujet et de vous ridiculiser en niant l’évidence 😂🤣😂 la vérité , les faits , les retours de terrain , les bilans officiels .. que tout le monde peut très facilement vérifier face aux inepties récurrentes des trolls ça vous dérange tant que ça ? aucune personnalité pour vérifier les vrais infos et vous sortir enfin des vielles théories foireuses pour gogos et de la propagande mensongère que l’on subit depuis plus de 60 ans ? …

      Répondre
        • victor une nouvelle fois vous confirmez bien : toujours en train de troller stérilement sans rien apporter au sujet et de vous ridiculiser en niant l’évidence 😂🤣😂 la vérité , les faits , les retours de terrain , les bilans officiels .. que tout le monde peut très facilement vérifier face aux inepties récurrentes des trolls ça vous dérange tant que ça ? aucune personnalité pour vérifier les vrais infos et vous sortir enfin des vielles théories foireuses pour gogos et de la propagande mensongère que l’on subit depuis plus de 60 ans ? …

          Répondre
          • Comme toi pauvre pomme je trolle, tu trolles , il trolle….T’est vraiment un dingue!
            Mais tu me plais , les fous ont toujours une part de naïveté .

          • victor 😂🤣 et une nouvelle fois de plus vous confirmez bien : toujours en train de troller stérilement sans rien apporter au sujet et de vous ridiculiser en niant l’évidence 😂🤣😂 la vérité , les faits , les retours de terrain , les bilans officiels .. que tout le monde peut très facilement vérifier face aux inepties récurrentes des trolls ça vous dérange tant que ça ? aucune personnalité pour vérifier les vrais infos et vous sortir enfin des vielles théories foireuses pour gogos et de la propagande mensongère que l’on subit depuis plus de 60 ans ? …

  • Points clés repris :
    « La crise énergétique actuelle montre la fragilité du système du marché de l’électricité français. Nous voyons que les fournisseurs alternatifs sont en réalité en situation de dépendance et non de concurrence face à une production nucléaire compétitive ».
    « Le gouvernement a choisi, à travers ces mesures, de sauver les concurrents ainsi que le pouvoir d’achat des consommateurs à quelques mois des élections. Cependant, il n’existe pas de solution miracle, les contribuables devront payer tôt ou tard ».
    Pour moi c’est sauver les FAUX concurrents et « in fine » ce sera les contribuables qui paieront l’addition de ce bricolage de concurrence artificiel après les élections. Merci la commission de Bruxelles et la faiblesse de nos gouvernants français. Votez macron !

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  • Michel DUBUS hormis la crise actuelle qui se rajoute si votre prix du kWh augmente c’est que vous êtes encore chez EDF et consort à financer cette gabegie de nucléaire polluant et ça ne fait que commencer ..en plus de ce que l’on a déjà paye très cher depuis plus de 60 ans et que l’on va encore payer des milliers d’année pour être les champions de la pollution et de la production de déchets ultimes avec notre merde de nucléaire … il y a de vrais fournisseur d’électricité verte qui n’achète rien à EDF / arenh et qui fonctionne sous forme de coopérative / SCIC
    https://www.enercoop.fr/

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  • Il est parfaitement exact que notre système est très fragilisé, particulièrement par des décisions trop influencées par la minorité agissante des faux écolos et vrais anti nucléaires.
    Les investissements pour renouveler notre parc nucléaire ont été retardés perpétuellement, menant à des pertes de compétences dans nos industries.
    On en voit le désastreux résultat dans la construction de nos EPR. Lamentable résultat.
    Et l’arrêt prématuré de notre Super-Phénix, avant d’en avoir tiré tous les enseignements possibles, et beaucoup plus récemment du projet Astrid, en catimini, reniant nos engagements avec les Japonais, en sont de beaux exemples.

    J’espère que la relance, timide, du nucléaire par notre président Macron mènera bientôt à un plan de 50 réacteurs, indispensables. Y compris de quatrième génération.

    Répondre
    • Hervé Guéret encore une fois de trop … toujours vos vieux canulars périmés pour gogos alors la réalité du terrain face à vos inepties : Vous parlez d’une énergie polluante à tous les stades , très chère , dangereuse avec des déchets ultimes qui ne représente que 4% de l’énergie dans le monde et qui baisse inexorablement RAPPEL des faits : le monde entier se sort du fissible et du fossile / charbon / pétrole… grâce aux ENR pour enfin produire propre sans dangers et sans déchets pour beaucoup moins cher que cette merde polluante de nucléaire qui fait des ravages sur la faune , la flore et l’être humain …. comment font les pays qui n’ont pas de nucléaire et de fossile et tous ceux de plus en plus nombreux qui ont déjà dépassé les 50 voire 75 % d’ENR dans leur mix et qui voient leur pollution et leur Co² baisser au fur et à mesure du développement des ENR sur le terrain … alors que la France s’enfonce toujours plus dans la pollution et les déchets ultimes avec notre merde polluante à tous les stades, avec des déchets ultimes, très très chère , qui fait des ravages sur la faune , la flore et l’être humain https://scontent-mrs2-2.xx.fbcdn.net/v/t39.30808-6/272985954_10228402885082094_3452469697913469809_n.jpg?_nc_cat=102&ccb=1-5&_nc_sid=dbeb18&_nc_ohc=bZInR9MPwiEAX9mK0VT&_nc_ht=scontent-mrs2-2.xx&oh=00_AT9-v4jgoF07dFxJXC2De3oSpMGzYxRqffvGmA7H3a3paw&oe=6205DBAF

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  • Bonjour,

    L’histoire de l’EPR Français me rappelle un peu l’histoire du tunnel sous la manche:
    On fait un projet et en cours de travaux on ajoute un nombre indéterminé de nouvelles contraintes. Probablement au nom du « principe de précaution » qui est certainement positif mais qui n’a pas de limite. Les industriels qui savent ce que c’est de de construire une nouvelle usine savent que des changements en cours de construction sont catastrophique pour le budget et las délais.

    Les Allemands qui ont investi environ 500 milliards dans l’éolien et le solaire (EnRi) en sont toujours au même point. Ils sont obligés de garder des productions pilotables à la hauteur de leurs besoins. L’investissement EnRi est donc inutile. Multiplier par deux ou par 10 les EnRi ne changera presque pas la donne pour les 3/4 du temps quand il n’y a pas de vent et de soleil.

    En attendant la construction de nouvelles centrales nucléaires il faut tout relancer d’urgence.
    – l’entretien poussé des centrales existantes pour qu’elles fonctionnent presque toutes l’hiver.
    – faire toutes les réparations nécessaires sans se pose de question.
    – remettre en marche Fessenheim. D’ailleurs les Allemands vont revenir au nucléaire.
    – maintenir les centrales au charbon en attendant…
    – relancer Astrid
    – relancer Super-Phénix
    – nationaliser complètement EDF
    – arrêter cette fausse concurrence qui a entraîné une augmentation des prix.
    – mettre en place un plan Messmer bis avec garantie de l’état.
    – … …
    L’électricité est un bien commun qui ne peut pas être mis en concurrence.
    Récemment :
    EDF vendait 42,5 € le MWh soit 4,2 c€ (centimes d’Euro)
    J’achetais le kWh à 10 c€ hors taxes
    Finalement je payais 16 c€ le kWh toutes taxes comprises. Avec des taxes sur des taxes dont la CSPE pour subventionner les éoliennes.
    Sachant que les entreprises qui construisent les éoliennes seront probablement payées 8,5 c€ le kWh

    Qui peut me dire dans quelle mesure les chiffres ci-dessus sont contestables ?
    Merci de votre attention

    Répondre
    • Stoclin encore et toujours les vieux canulars pour gogos .. à propos des vieux canulars récurrents sur l’Allemagne qui a même accéléré le développement des ENR suite aux dernières catastrophes climatiques et aux élections … alors que c’est bien la France qui vient de nouveau de se faire condamner pour son inaction contre la pollution, que c’est bien EDF qui est de plus en plus souvent condamner par les tribunaux et que c’est bien de notre santé qu’il s’agit… QU’ILS CONTINUENT DE DEPANNER LA FRANCE COMME ILS LE FONT DEPUIS DES ANNEES eux agissent et se sortent de la pollution , des déchets ultimes, des GES , du Co² … grâce aux ENR voila les résultats obtenus en 2020 … https://forums.revolution-energetique.com/uploads/monthly_2022_02/1809343744_energieAllemagneen2020.jpg.7b05021d69d84710d6fb84d7d2ae46d2.jpg

      Répondre
  • Pas d’accord avec les conclusions de ces deux « consultants ».
    Ce n’est pas le marché français de l’électricité qui est en cause car en fait le marché est européen. C’est donc ce marché européen qui déraille, en imposant un prix « spot » qui correspond au prix d’une électricité faite avec du gaz, alors que le prix de ce combustible a été multiplié par 5. Et c’est d’autant plus absurde qu’en France l’électricité est faite d’abord avec du nucléaire et de l’hydraulique : ses coûts de production sont donc stables et surtout indépendants du gaz.
    Alors que faire ?
    Une solution, si l’UE ne veut pas modifier le mécanisme du marché spot européen, serait de sortir de cette « bourse » et de revenir à un marché français, cohérent avec la façon dont nous produisons notre électricité. Ceci en supprimant purement et simplement le système ARENH, comble de l’absurde puisqu’il pénalise EDF, principal producteur d’électricité en France, au bénéfice de « concurrents » qui sont d’abord des traders.
    Dernière remarque, importante : il faut arrêter de dire que les centrales nucléaires sont « vieillissantes » : leur faible disponibilité est uniquement conjoncturelle. Sur les 17 réacteurs à l’arrêt, 15 sont en arrêt programmé, avec un rythme de travaux ralenti par le Covid et la nécessité de faire du « grand carénage » à mi- vie des installations, comme une maison ou un navire. Les 5 autres sont à l’arrêt pour des contrôles très ponctuels liés à la découverte d’un phénomène inattendu de corrosion sur des soudures probablement mal réalisées. Une fois ces anomalies potentielles corrigées, les réacteurs pourront produire jusqu’à 60 voire 80 ans, sous surveillance de l’ASN comme il se doit.

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