Stockage de l’électricité : où en est-on ?

Analyse signée Alexandra Watier, Ingénieure conseil climat-énergie chez BL évolution, et Albert Ferrari, Consultant et associé de recherche à l’institut universitaire européen de Florence pour La Fabrique écologique.

L’énergie peut provenir de diverses ressources, et prendre différentes formes (électricité, chaleur, gaz, carburant…). Tous les vecteurs énergétiques n’ont pas la même capacité de stockage. Le gaz se stocke mieux que de l’électricité mais moins bien que du bois ou du pétrole. Si la question du stockage est prégnante dans tous les secteurs énergétiques, elle est particulièrement structurante pour l’électricité, dont l’avenir est bouleversé par le développement de productions décentralisées.

Le courant électrique est une forme d’énergie particulièrement pratique, qui a permis l’avènement de la seconde révolution industrielle. Convertie en électricité à partir d’une source d’énergie le plus souvent fossile (charbon, gaz), nucléaire ou hydraulique, l’électricité est transportée via un réseau électrique, jusqu’aux différents consommateurs.

Le principal enjeu du réseau électrique est qu’à chaque instant, pour assurer sa stabilité, la quantité d’électricité injectée (produite) doit être égale à la quantité d’électricité soutirée (consommée). L’équilibre du réseau n’est pas une problématique nouvelle, mais elle s’accentue avec des sources d’électricité renouvelables variables, comme le solaire et l’éolien.

Actuellement en France, les principales sources de production sont en grande majorité pilotables (nucléaire à 72%, hydraulique 12%, gaz 6,6%), cependant elles le sont avec un temps de réaction varié (une centrale nucléaire ne se met pas en route en une minute). Pour sa part la consommation peut varier aussi. Face à ce besoin d’équilibre du réseau électrique, le stockage de l’électricité vient apporter une solution pour équilibrer une insuffisance ou un trop-plein de production.

Il convient donc d’explorer le rôle, les technologies et les enjeux du stockage pour un système électrique aux ressources renouvelables variables.

L’enjeu grandissant du stockage électrique

Comment chacun le sait, l’électricité est un flux distribué par un réseau où l’offre et la demande s’équilibre en permanence. Son stockage permet de conserver une quantité produite, lorsque la production est supérieure à la demande, pour la restituer à un autre moment, lorsque la production est inférieure à la demande.

Cette notion de temps est très importante lorsque l’on parle du stockage : c’est principalement le “temps de conservation” de l’énergie entre le moment où elle arrive (en cas de surplus de production) et où elle repart (trop plein de consommation) qui détermine la technologie de stockage la plus adéquate. Pour conserver cette quantité d’énergie qui arrive sous forme d’électricité, celle-ci va être convertie sous une autre forme d’énergie, selon les diverses technologies disponibles, en fonction des besoins.

Deux raisons expliquent que cet enjeu de stockage soit de plus en plus important.

L’évolution du mix électrique

On entend de plus en plus parler de stockage dans le monde, et en France en raison de l’évolution du mix électrique avec l’intégration de nouvelles sources d’électricité. A l’échelle mondiale, la lutte contre le dérèglement climatique impose de réduire drastiquement la part de l’électricité carbonée : la moitié de l’électricité mondiale est produite par la combustion de charbon et un quart par la combustion du gaz naturel, deux sources d’énergie dont il faut se passer pour limiter le dérèglement climatique[1] .

A l’échelle de la France, c’est plutôt une politique de réduction de la production nucléaire qui fait évoluer ce mix électrique (les énergies fossiles n’étant à l’origine que de 8,6% de notre électricité, contre 72% d’énergie nucléaire[2] ). Ainsi le mix électrique français évolue, avec l’intégration croissante de ressources d’énergies issues du vent et du soleil, converties en électricité par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques.

Ces sources d’énergies présentent des particularités, notamment la temporalité de leur production : il n’y a pas de soleil la nuit, il peut ne pas y avoir de vent pendant plusieurs jours de suite et il y a moins de soleil et plus de vent l’hiver que l’été. Lorsque la proportion des ENR dans le mix énergétique reste limité, comme c’est le cas aujourd’hui en France (moins de 20%), les techniques d’optimisation des réseaux permettent de faire face à cette intermittence sans trop de difficultés.

Source : ADEME

Mais quel que soit le scénario énergétique, le 100 % ENR visé par le scénario négaWatt, ou encore une part de nucléaire réduite à 50 % comme envisagé pour la France dans le scénario de la programmation pluriannuelle de l’énergie de l’Etat, la part de l’électricité photovoltaïque et éolienne est appelée à croître fortement.

Trois types de besoins de stockage différents existent :

  • Infra-journalier sur la journée (plutôt pour le photovoltaïque) ;
  • Hebdomadaire sur une semaine ou plusieurs jours (plutôt pour l’éolien) ;
  • Saisonnier sur plusieurs mois (plutôt pour le photovoltaïque).

L’évolution des usages

Une seconde raison, moins importante, concerne l’autre côté de l’équation d’équilibre électrique : la consommation et les nouveaux usages (ex : la climatisation et les véhicules électriques viennent augmenter les besoins tandis que la désindustrialisation et la baisse des besoins de chauffage peuvent les diminuer). Au global, les scénarios se basent sur une tendance d’une consommation électrique constante, mais c’est la saisonnalité qui est amenée à évoluer : un report des consommations de chauffage vers des consommations de climatisation, ce qui décale sensiblement les moments de tension sur l’offre ou sur la demande.

Les usages entraînent une évolution des besoins en électricité, mais aussi une modification de la structure du réseau : la production électrique tend à se décentraliser, des systèmes d’autoconsommation se mettent en place… Cette nouvelle organisation du réseau électrique justifie le recours à des nouveaux dispositifs de stockage pour les consommateurs. Ainsi, avec le développement de l’autoconsommation individuelle et collective, on constate un important recours aux solutions de stockage, par batterie notamment, permettant ainsi d’utiliser l’excédent de production de la journée aux heures de plus grande consommation.

Au niveau mondial, les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie montrent une explosion du recours aux batteries placées derrière le compteur : rien qu’entre 2017 et 2018, la capacité installée dans l’année est passée de 0,9 GW à 1,8 GW.

Les technologies de stockage et leurs perspectives de développement

Différentes technologies de stockage coexistent, avec des caractéristiques différentes qui font qu’elles ne répondent pas aux mêmes besoins. Les cinq principales technologies de stockage sont résumées dans le tableau ci-dessous[3] .

Leurs perspectives de développement peuvent s’analyser à partir des données de différentes études et scénarios publiés récemment[4] .

La technologie actuellement dominante repose sur les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). C’est la solution pratiquement toujours employée dans le monde pour stocker l’énergie des centrales électriques. Mais son potentiel de développement en France est limité notamment par les sites nécessaires à son installation (développement prévu dans la PPE de 1,5 GW).

Le stockage d’énergie par air comprimé (CAES) permet un stockage d’assez grande puissance et d’assez grandes quantités d’énergie sur plusieurs semaines. Mais son potentiel de développement est là aussi limité par les sites nécessaires à son installation[5] . La technologie du volant d’inertie est mature, mais ne permet qu’un temps de stockage très court et une quantité d’énergie stockée limitée. Notre pays n’a pas identifié le besoin de recourir aux volants d’inertie ou à l’air comprimé à l’horizon de la PPE (2028), mais elle reconnaît le potentiel des volants d’inertie comme une solution si la part des énergies renouvelables s’accroît considérablement. C’est aussi la conclusion du scénario négaWatt.

Deux technologies ont en revanche un fort potentiel.

Les batteries

Elles répondent actuellement à un besoin de stockage de durée assez courte (plusieurs heures à quelques jours) pour des puissances et des quantités d’énergie faibles à moyennes. Leur principal inconvénient est lié à leur durée de vie, limitée par les dégradations chimiques des réactions et leur coût.

Certaines technologies de batteries sont matures : batteries lithium ion, sodium soufre, plomb acide, nickel cadmium. De nombreuses nouvelles formes de batteries sont en cours de développement : celles où le lithium est remplacé par un autre alcalin, les batteries organiques… et il difficile de prédire lesquelles trouveront un marché.

Différents concepts permettent de développer le stockage par batteries, individuelles pour optimiser le taux d’autoconsommation ou garantir la stabilité de l’alimentation, mutualisées (entre lignes de transport, ou par des batteries de véhicules électriques à l’arrêt).

Cette dernière technologie, dénommée vehicle to grid (V2G)[6] , semble prometteuse sur des usages de flexibilité journalière et de nombreuses expérimentations sont en cours. Mais il faut attendre que le parc de véhicules électriques soit suffisamment important pour pouvoir en déduire des coûts fiables et des modèles d’affaires. Ce système se basant sur les véhicules est en effet dépendant du nombre de voitures électriques du parc, de leur disponibilité par rapport aux usages futurs de la voiture, des infrastructures de charge appropriées, de la définition d’un modèle économique pérenne, d’une gouvernance et d’une gestion encore à trouver.

La PPE reconnaît l’importance pour la France de développer les batteries, au nom d’une politique industrielle, de l’importance de la décarbonation du secteur des transports et du rôle qu’elles peuvent jouer dans l’équilibre du réseau.

Trois axes de développement sont identifiés : les lignes virtuelles proposées par RTE, les batteries derrière le compteur chez les particuliers et les voitures électriques (3 000 000 de véhicules électriques anticipés en 2028). NégaWatt dans une vision plus politique, compte sur les batteries comme une solution de stockage au même titre que l’air comprimé mais sans les présenter comme une solution miracle, et entrevoit, pour la mobilité électrique un développement “raisonné”.

Le Power to gas et l’hydrogène

On utilise l’électricité convertie à un instant donné, par une source non pilotable telle que le vent ou le soleil, pour fabriquer un gaz de synthèse. Ce gaz aura diverses applications par la suite, dont la possibilité d’être brûlé dans une centrale thermique pour être converti en électricité. Ce procédé permet par exemple de synthétiser de l’hydrogène. A noter qu’actuellement, l’hydrogène issu de l’hydrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable est largement minoritaire par rapport à l’hydrogène issu de vaporeformage de gaz naturel fossile.
L’hydrogène ainsi produit peut alors être valorisé de différentes manières :
  • Être injecté dans les réseaux de gaz naturel en l’état (dans une limite d’environ 20%) ou après avoir été associé à du CO2 pour le convertir en méthane de synthèse (méthanation) ;
  • Alimenter des véhicules à hydrogène ;
  • Être consommé à des fins industrielles ;
  • Être converti nouvellement en électricité via une pile à combustible à un moment de plus forte demande. Seul ce dernier usage restitue de l’énergie sous forme d’électricité.[7]
Le stockage sous forme d’hydrogène est une technologie au stade de démonstrateur. Des recherches sont en cours pour augmenter le rendement énergétique en récupérant la chaleur perdue mais la restitution sous forme d’électricité reste faible (de 30% à 50%). Sa réactivité permet de l’identifier comme une technologie adéquate pour faciliter l’intégration des ENR non pilotables.
A horizon 2035, l’ADEME évalue le potentiel d’hydrogène produit à partir d’électricité en France en ayant recours au Power to Gas à environ 30 TWh par an.[8]  Le scénario négaWatt accorde beaucoup d’importance à la complémentarité des réseaux Power to gas et à la production d’hydrogène à des fins de méthanation[9] .
Enfin, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie vise d’atteindre 10 à 100 MW de démonstrateurs Power to gas en 2028. La PPE mentionne que “par rapport à d’autres solutions de stockage telles que les batteries, l’hydrogène est actuellement le moyen de stockage passif inter-saisonnier le plus prometteur” mais précise que “le besoin de mettre en œuvre du Power to gas à grande échelle n’apparaîtra vraisemblablement pas en France avant 2035”.

III. Les enjeux économiques et environnementaux du stockage

Le rôle du stockage dans la transition énergétique, et des différents solutions existantes ou prochaines va dépendre principalement de leur compétitivité et de leur impact sur l’environnement.
A. Le coût et la compétitivité des solutions de stockage
1)    Le calcul du coût du stockage et le modèle économique
La compétitivité estimée du stockage dépend du calcul de son coût, et de la valeur du besoin qu’il satisfait. Or, le calcul du coût du stockage est une question complexe : selon l’approche la plus utilisée du Levelized Cost of Storage (LCOS)[10] , il dépend des coûts d’investissement (CAPEX), des coûts de maintenance (OPEX), des coûts de recharge, de la profondeur de décharge[11] , de la valeur résiduelle et des charges financières[12] .
Les quantités d’énergie stockée et injectée doivent en outre être mises en perspective de la fréquence et de la valeur du service fourni au système énergétique à un moment précis (tous les jours, quelques fois par an…). Par exemple, le coût de 350 $ / Mwh des batteries Li-Ion est relativement compétitif lorsqu’il est rapporté à l’utilisation fréquente pour l’autoconsommation individuelle (usage infra-journalier), mais ce n’est pas le cas d’autres technologies de stockage qui pourraient n’être sollicitée que quelques heures dans l’année, comme le stockage d’énergie par air comprimé.

Selon un rapport du Conseil général de l’économie, le caractère variable d’une production d’électricité diminue la valeur systémique de cette électricité[13] , qui peut être parfois trop abondante ou insuffisante par rapport à la demande.  Au-delà de l’optimisation de la gestion du réseau, le stockage permet de compenser la sur- ou la sous-production : il absorbe le surplus de production pour le redistribuer lorsqu’il y en a besoin, pour éviter le lancement de centrales d’appoint, généralement fortement émettrices de CO2 (au charbon ou au gaz), pendant les pointes de consommation, et pour s’assurer que l’équilibre offre-demande soit maintenu.
Lors des pointes de consommation, le stockage permet de réguler les fluctuations des prix indexés sur les variations de l’offre et de la demande. En effet, en fonction de la quantité d’électricité produite à un instant t sur le marché européen, la loi de l’offre et de la demande s’applique : quand la production est supérieure à la demande, le prix est moins élevé, tandis que lorsque la demande est plus forte que l’offre, le prix de vente augmente. Mais ce service a un coût supplémentaire en comparaison à la production d’énergie stable, voire pilotable, des centrales électriques conventionnelles. Ainsi le stockage de l’électricité peut permettre de stocker lors d’un afflux de production électrique pour revendre plus tard.
Une installation d’électricité issue d’une ressource renouvelable variable combiné à un dispositif de stockage apportera plus de stabilité pour le réseau, et permettra d’optimiser aussi l’injection, donc le prix de vente de cette énergie, au moment où c’est le plus intéressant. De même, combiné à une consommation sur site, comme dans le cas de l’autoconsommation, le système de stockage va réduire l’utilisation du réseau, pour lisser son utilisation et prévenir un éventuel changement de tension, ou renforcement coûteux du réseau électrique.
2)     Les batteries lithium-ion et l’hydrogène, des solutions qui s’imposent à l’horizon 2040
Les coûts se réduisent pour certaines nouvelles solutions de stockage, comme les batteries Lithium-Ion, ces dernières étant principalement employées pour des systèmes d’autoconsommation, de smart grid, et dans les véhicules électriques. En 15 ans, les commandes de batteries Lithium-Ion sont passées dans le monde de moins de 1 GWh à plus de 350 GWh, avec une croissance exponentielle[14] , souvent comparée à celle du développement du photovoltaïque.

Les différentes technologies de stockage satisfont différents besoins, en fonction de leur rapidité d’activation, de la durée du stockage et de leur profondeur de décharge. Ces différents services peuvent donc avoir une valeur différente, et plusieurs technologies se concurrencent sur les mêmes créneaux de services.
Dans une étude de 2019[15] , Olivier Schmidt de l’Imperial College of London s’est intéressé au coûts (LCOS) comparés actuels et futurs des principaux systèmes de stockage. Au travers des graphiques suivants, il présente la technologie la plus compétitive, parmi les suivantes : stations de pompage turbinage (PHES bleu dans le graphique), air comprimé (CAES vert), batteries Li-Ion (Li-Ion rouge), batteries redox à flux circulant (VRFB violet), volant d’inertie (Flywheel orange), hydrogène (Hydrogen noir), en fonction du nombre de décharges annuelles (fréquence d’utilisation) et de leur capacité de stockage en heures.
Chaque croix indiquée sur le graphique correspond à l’un des 12 usages identifiés dans l’article (gestion des pointes, renforcement réseau, compensation variabilité EnR…). Le blanchissement des nuances des couleurs indique le rapprochement de la seconde technologie la moins chère en coût comparé.

A l’horizon 2040 et au-delà, il est en revanche manifeste que les batteries Lithium-Ion et l’hydrogène joueront un rôle central dans les services de stockage : d’après le graphique, les batteries et l’hydrogène répondent à la grande majorité des usages identifiés (11 usages sur les 12 identifiés).
B. L’impact environnemental du stockage
De la production, à l’installation, en passant par le recyclage, l’impact environnemental du stockage est important.
L’extraction de terres rares[16]  et de matériaux critiques[17] , pour les batteries notamment, est polluant et consommateur d’eau. Par exemple pour les batteries, les verres contiennent généralement une quantité non négligeable de lithium et les céramiques utilisent typiquement du lanthane ou du germanium qui sont des matériaux rares.
L’industrie européenne est très dépendante de certains pays qui contrôlent les gisements : la Chine et le Congo pour le cobalt. En avril 2020, la Commission européenne a même inclus le lithium dans la liste des matériaux critiques dont l’importation est à surveiller car cruciale à l’industrie automobile européenne[18] .
La production de batteries est en outre friande en espace, en énergie et en eau : en Allemagne, la Gigafactory de Tesla nécessite le défrichement de plus de 150 hectares de forêt, et impacte fortement la biodiversité[19]  et les ressources en eau. Comme l’impact énergétique de la production de batteries dépend fortement des mix de pays, une relocalisation en Europe pourrait permettre d’internaliser ces coûts et de réduire aussi cet impact, compte tenu des réglementations environnementales plus strictes.
Les batteries sont pleines de métaux lourds et produits chimiques (plomb, mercure…) qui pose des risques de contamination des sols et pollution de l’environnement. Il est donc essentiel de structurer rapidement une filière de recyclage. Sur un continent européen qui manque de ressources naturelles, l’enjeu du recyclage pourrait aussi permettre de relocaliser les industries de batteries et sécuriser une part de l’approvisionnement, mais il se heurte aujourd’hui à des contraintes techniques et économiques importantes[20] .
D’autre technologies, comme le stockage à air comprimé et les STEP, peuvent avoir un impact non négligeable sur l’environnement en déstabilisant les éléments naturels (lacs, gisements épuisés de gaz) et requièrent une forte intervention sur les espaces naturels.
Ainsi, comme toute technologie, le stockage implique la fabrication d’équipements issus de ressources terrestres et le rejet de pollutions dans l’environnement. En fonction des choix industriels et réglementations mis en œuvre, l’impact peut être maîtrisé pour ne pas entacher la production d’électricité renouvelable à laquelle le stockage est associé.

Conclusion

Différentes technologies de stockage de l’électricité existent, à des stades plus ou moins matures, et répondent à des besoins multiples liés à ces ressources variables : stockage infra-journalier, stockage hebdomadaire et stockage saisonnier. Pour les premières catégories, les batteries semblent plus prometteuses, en particulier lithium-ion à court terme, et d’autres en cours de développement, tandis que l’hydrogène conviendrait à un stockage de plus long terme en complément des stations hydroélectrique de pompage déjà présentes en France. En plus de l’apport dans l’équilibrage du réseau électrique, le stockage peut trouver une pertinence particulière dans les zones non-interconnectées.

Bien qu’aujourd’hui associées à un système de production électrique vertueux au regard de ses impacts carbone et environnementaux, un développement massif des ENR électriques nécessitant du stockage implique des coûts supplémentaires et des impacts sur les ressources et l’environnement qui doivent être intégrés pour bâtir un système électrique renouvelable.

Le développement de filières de stockage amène, comme toute filière industrielle, un travail sur le modèle économique et la minimisation des impacts environnementaux et sociétaux. En Europe, les perspectives de création de filières de stockage, avec notamment la création d’un “Airbus des batteries” (sous l’impulsion de la France, l’Allemagne, et la Banque européenne d’investissement), devront aboutir à une alternative durable et performante, capable de rivaliser les concurrents asiatiques et américains.

Cependant, le stockage est une technologie qui se situe au cœur du système électrique dans son ensemble : incluant les producteurs, les gestionnaires de réseaux, les consommateurs, et les différentes parties prenantes autour de la régulation de ce système.

Ainsi le stockage doit être remis dans ce contexte où d’autres pistes ne sont pas à négliger. La réduction de la consommation électrique par des économies d’énergie dans l’industrie et chez les ménages, et par le changement de vecteur énergétique (ex :  remplacer l’électricité pour le chauffage par des réseaux de chaleur alimentés au bois-énergie) peut réduire le besoin de stockage. Il est aussi possible de prévoir une meilleure adéquation entre les consommations et la production en temps réel en favorisant la flexibilité à l’injection et au soutirage, via des solutions économiques (sur le prix de l’électricité) ou technologiques (smart grids et compteurs communicants). L’investissement dans le réseau électrique pour de nouvelles lignes, ou un renforcement des capacités existantes représente une alternative au renforcement des capacités de stockage.

Les enjeux du stockage, qu’ils soient techniques, économiques ou environnementaux, dépassent le périmètre d’action des gestionnaires de réseaux. Les choix de politique énergétique à l’échelle nationale peuvent influencer le développement du stockage, par l’impulsion de filières industrielles de production et de recyclage par exemple.

Le développement du stockage va de pair avec une évolution du rôle des consommateurs, qui sont amenés à produire de l’énergie, auto-consommer (individuellement ou collectivement), restreindre leur consommation, fournir des services de stockage de l’énergie (vehicle to grid), etc. Les modèles économiques et des cadres réglementaires autour de ces actions de régulation du réseau électrique restent ainsi à définir pour conserver la stabilité du réseau.

Notes de bas de page

[1]  Données monde, 2017, International Energy Agency https://www.iea.org/sankey/
[2]  Données France, 2016, RTE https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/mix-energetique-de-la-france
[3]  Le détail de chacune de ces technologies est présenté en annexe.
[4]  Il s’agit notamment de l’étude de l’ADEME sur le mix 100% ENR, du scénario négaWatt 100% ENR et des indications contenues dans la Programmation Pluriannuelle de l’énergie – la stratégie énergétique de la France.
[5]  Caractéristiques des différentes technologies de stockage :
[6]  Ou vehicle to home (V2H) quand l’électricité, au lieu d’être injectée sur le réseau, peut directement alimenter les ménages propriétaires des voitures électriques.
[7]  https://www.connaissancedesenergies.org/stockage-delectricite-quappelle-t-le-power-gas-170908
[8]  https://www.engie.com/activites/infrastructures/power-to-gaz
[9]  https://negawatt.org/IMG/pdf/scenario-negawatt_2017-2050_hypotheses-et-resultats.pdf
[10 Le Levelized Cost Of Storage (LCOS) est la somme des coûts actualisés sur le cycle de vie de l’unité de stockage d’énergie, divisée par la somme de l’énergie restituée actualisée sur le cycle de vie.
[11]  La profondeur de décharge est la quantité d’énergie qui a été déchargée de la batterie. Elle est ici basée sur une utilisation optimale de la batterie pour une plus longue durée de vie.
[12]  https://www.apricum-group.com/how-to-determine-meaningful-comparable-costs-of-energy-storage/
[13]  Le stockage stationnaire de l’électricité, Conseil général de l’économie, mars 2020
[14]  How a battery can lead a quiet revolution, Bullard, BNEF, 2019
https://about.bnef.com/blog/bullard-how-a-battery-can-lead-a-quiet-revolution/
[15]  Projecting the Future Levelized Cost of Electricity Storage Technologies, Schmidt et al., Joule 3, 81–100 January 16, 2019 ª 2018 Elsevier Inc. https://doi.org/10.1016/j.joule.2018.12.008
[16]  Matériaux dont les particularités chimiques en font un élément central aux nouvelles technologiques et à la transition énergétique
[17]  Matériaux dont la criticité pour certaines industries et les risques pesant sur son approvisionnement en font des enjeux géopolitiques fondamentaux
[18]  https://www.euractiv.com/section/batteries/news/lithium-tipped-for-eu-list-of-critical-raw-materials/
[19]  https://www.lesnumeriques.com/voiture/la-tesla-gigafactory-4-critiquee-en-allemagne-pour-son-impact-environnemental-n146283.html
[20]  Note technique Terres Rares, Energies Renouvelables Et Stockage D’energie, ADEME, 2019
commentaires

COMMENTAIRES

  • On a raté le coche et de très peu avec l’atoll en mer (Belgique) à cause de la pression négative des lobbies fossiles et surtout flamands ; il « avait été approuvé en mai 2013 par le gouvernement Di Rupo et présenté comme une première mondiale. »

    Fonction de l’atoll : lors d’absence de vent, l’eau stockée avec des pompes alimentées par les éoliennes actionne des turbines qui permettent de produire de l’électricité.
    Il aurait remplace au moins deux réacteurs nucléaires et n assurant ela production électrique TOUT LE TEMPS puisque ce qui est en excès est stocké et diffusé& à la demande !

    Plus personne n’en parle et même pas Ecolo ou Groen !

    https://www.levif.be/actualite/belgique/l-atoll-energetique-en-mer-du-nord-pour-2019/article-normal-351315.html

    Il faut savoir que la production des 7 réacteurs nucléaires ne se produit que 50% du temps en moyenne vu d’une part les avaries en pagaille et d’autre part la nécessité de mise à l’arrêt pour les entretiens !

    N.B. « les éoliennes offshores semblent offrir une réelle alternative au nucléaire. »
    « On va dire que si on exploitait tout ce qui est possible en mer du Nord, en terme d’énergie produite, on pourrait remplacer la moitié de la flotte nucléaire belge avec de l’éolien offshore » poursuit Damien Ernst. »
    (17 août 2018)

    Donc tout est une question de VOLONTE politique !

    https://www.rtbf.be/info/societe/detail_un-million-de-menages-belges-fournis-en-electricite-par-l-eolien-offshore-en-mer-du-nord?id=9997098

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  • Eh ben c’est pas fort, le facteur de charge à 50% attribué par monsieur Labrique aux réacteurs atomiques belges. Déjà qu’en France il est plombé par les exigences de l’ASN (bon plombage) et parce qu’on doit les ralentir quand le vent souffle fort sur l’Allemagne (plombage lamentable et absurde), alors décidément, comment s’y prend la Belgique ??

    Merci d’indiquer le prix de la STEP marine, je veux dire du puits de stockage, car sa capacité est très facile à calculer. Par exemple un puits de 100 mètres de diamètre et de 100 mètres de profondeur stocke :
    3,14 x (100/2)² x 100 x 1000 x 9,81 x (100/2) = 107 000 kWh avant les rendements.
    Alors, combien ça coûte à construire ?

    L’article parle de l’impact sur la biodiversité. Bon, je dois dire qu’elle ne m’intéresse que dans la mesure où sa faiblesse aurait à voir avec des problèmes comme les virus pandémiques, parce qu’en dehors de ça, le côté philosophique de la chose ne m’intéresse pas. Donc, protégeons la biodiversité en ne transformant pas la surface terrestre en la couvrant de dispositifs éoliens et solaires immensément encombrants, qui réclament encore plus d’encombrement en systèmes de stockage abracadabrantesques. A côté de ça une centrale nucléaire, c’est quelques parkings de supermarchés.

    Avez-vous pensé au mercure ? En remplaçant par du mercure l’eau des STEP, on multiplie par 13,59 leur capacité de stockage !

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  • N.B.
    Typiquement, la production annuelle électrique d’une grande éolienne (onshore et donc nettement moins performante qu’une éolienne offshore) en Wallonie correspond à 25 % du temps à puissance nominale.

    Il ne faut pas en déduire que l’éolienne ne tourne que 25 % du temps. Non, dès que la vitesse instantanée du vent dépasse la vitesse minimale de mise en fonctionnement (cut-in wind speed), l’éolienne débite de l’électricité.

    En fait, les chiffres montrent que l’éolienne fonctionne 80 % du temps (source :!APERe)

    https://energieplus-lesite.be/theories/eolien8/rendement-des-eoliennes/

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    • Certes, mais comme la puissance développée est proportionnelle au cube de la vitesse du vent, quand une éolienne tourne « peu », elle ne produit « rien ». En revanche son raccordement au réseau électrique doit être dimensionné pour le misérable nombre d’heures de fonctionnement à pleine puissance.

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    • Le facteur de charge du nuke en Belgique est 10% de moins que pour celui de l’éolien, les risques, déchets en prime et leur nocivité pour des millénaires !!! :

      En effet,
      « Pour la fiabilité, abstraction faite des accidents graves connus, la Belgique démontre qu’il n’en est rien avec, pour ses réacteurs, un facteur de charge de l’ordre de 70 % sur les 7 dernières années au lieu de 95 % (nous sommes en passe d’inventer le nucléaire intermittent) et un risque croissant de délestage et blackout. »

      http://www.findunucleaire.be/echo.htm

      Merci de me dire sur quelle logique vous dénigrez l’éolien, sachant que de dernier à un score de 10% de mieux !

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  • Baudouin Labrique, le facteur de charge n’est pas la proportion du temps pendant lequel le générateur d’électricité produit ; c’est ce qu’il produit dans l’année sur ce qu’il produirait en fonctionnant tout le temps à pleine puissance.
    Le FdC d’une éolienne qui tourne 80% du temps n’est pas 80% vu que le plupart du temps elle est loin de recevoir le vent qui lui donne sa pleine puissance. Une éolienne terrestre a typiquement un facteur de charge de 25%, très inférieur à celui de n’importe quelle centrale thermique à flamme ou nucléaire.
    En revanche, quand la centrale fonctionne à pleine puissance ou est à l’arrêt, ce qui est schématiquement le cas des réacteurs nucléaires anciens, on peut dire que 70% de FdC correspondent à 70% de temps de marche de toutes les heures de l’année. On ne dira donc pas que l’éolien à un FdC 10% meilleur que le nucléaire : il est presque trois fois moindre.

    Mais en France on augmente la proportion de réacteurs nucléaires capables de faire du suivi de charge, de tourner à puissance réduite. En Belgique je ne sais pas. C’est utile pour ne pas surcharger le réseau lorsque le vent souffle fort… ce qui veut dire que non seulement on paie les éoliennes, mais qu’en plus quand elles donnent bien on réduit le montant des factures d’électricité émises par le nucléaire sans que ses frais baissent autrement que de façon infime (l’uranium représentant moins de 5% du coût du kWh, et tout le reste étant frais fixes). Autrement dit on fait coût double, si je m’autorise ce calembour hélas fondé.

    On ne peut pas dire que vous ayez donné la moindre idée du coût du stockage « atoll ». On parle donc pour ne rien dire.

    Les participants sur ce site sont généralement au-dessus du niveau auquel est destiné le contenu des sites antinucléaires ; il ne sert pas à grand-chose de les citer.

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  • Le besoin de stockage n’est qu’une fantasme facultatif.

    1) on ne stocke (éventuellement) que l’excédent par rapport au besoin.
    2) Lorsque pour une raison ou une autre (faiblesse des ressources soumises au fluctuation météorologiques et climatiques ) on ne dispose pas de la ressource qui en est tributaire, on n’a besoin que d’une source de remplacement qui n’y soit pas conditionnée, et qui peut EVENTUELLEMENT être une ressource ayant été stockée durant une période de surabondance.

    Il ne sera donc jamais NECESSAIRE de stocker.

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