« Les stations de recharge publiques sont un des rares services où les prix ne sont pas affichés »
Dans un entretient au Monde de l’Energie, François Gatineau, expert en mobilité électrique et président de Mobileese, évoque les stratégies des constructeurs automobiles en matière de réseau de bornes de recharge.
Le Monde de l’Énergie —De plus en plus de constructeurs automobiles développent leur propre réseau de recharge de voitures électriques, ou nouent des partenariats avec des opérateurs de bornes. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ce phénomène ?
François Gatineau —On peut citer, sans être exhaustif, Tesla, un précurseur avec son réseau de superchargeurs lancé voici plus de 10 ans, ainsi que ses bornes de recharge à domicile, mais aussi Renault avec son réseau Mobilize Charge Pass, Stellantis dans sa coopération Free2move eSolutions avec NHOA (Atlantte Energy en France), ou Daimler avec Mercedes me Charge. On peut également évoquer Ionity, une co-entreprise de plusieurs constructeurs (groupe VW et Hyundai notamment), chargée de déployer des bornes de recharge.
Le Monde de l’Énergie —Pour quelles raisons stratégiques un constructeur aurait-il intérêt à lancer ses propres bornes de recharge ?
François Gatineau —Il accueille ses clients dans son réseau et génère ainsi une mécanique de rétention plus forte. D’autant qu’en assurant l’alimentation en énergie, il rentre plus loin dans la chaîne de valeur. Si son réseau est suffisamment dense, cela peut aussi faire une grande différence à l’achat du véhicule si le client hésite entre plusieurs modèles. Tesla, avec le plus grand réseau dans beaucoup de pays, en bénéficie clairement.
Le Monde de l’Énergie —Où en est la standardisation des connecteurs de recharge ? Ces bornes installées ou équipées par un constructeur peuvent-elles, réglementairement, favoriser les véhicules de ce constructeur ?
François Gatineau —En Europe, ce n’est plus un sujet depuis 2014 pour les prises, avec le standard T2 pour la recharge en courant alternatif (AC), la norme EN 62196 ayant introduit ce connecteur universel, et le standard CCS Combo pour la recharge rapide en courant continu.
Les bornes ouvertes au public doivent, selon le nouveau règlement européen, qui sera en vigueur le 13 avril 2024, porter l’universalité de l’accès à la recharge. Mais selon les profils utilisateurs, le prix peut être différent, donc un opérateur peut tout à fait favoriser ses clients. C’est ce que fait déjà Tesla. Chaque constructeur fera de même, on voit déjà cela couramment dans les tarifications Ionity
Le Monde de l’Énergie —Quelles contraintes réglementaires s’appliquent sur la tarification de ces bornes ?
François Gatineau —Pas de contrainte réglementaire, ne donnons pas – par pitié – d’idées à l’administration française ! Seulement un gros problème : les stations de recharge publiques sont un des rares services où les prix ne sont pas affichés pour le consommateur. Le règlement européen AFIR va imposer des changements et aussi permettre le paiement anonymisé par CB partout.
Reprenons les mesures phares de ce règlement AFIR (Alternative Fuel Infrastructure Regulation) :
- Des objectifs de déploiement de la recharge ouverte au public dans tous les Etats membres : une puissance d’au moins 1,3 kW est fournie par les bornes de recharge ouvertes au public pour chaque véhicule électrique immatriculé sur le territoire ; sur les grands axes routiers transeuropéens, dès 2026, une station de recharge rapide avec au moins un point de charge de 150 kW minimum tous les 60 km.
- Pour les opérateurs de recharge, obligation de permettre une recharge à l’acte pour toutes les nouvelles stations après le 13 avril 2024. Les points de charge de puissance supérieure à 50 kW antérieurs à cette date auront un peu plus de 2 ans pour se mettre au niveau. Le service sera fourni soit via TPE, soit via des dispositifs sans contact capable de lire les cartes de paiement
- Les prix doivent être raisonnables, facilement et clairement comparables, transparents et non-discriminatoires. L’affichage des prix doit être proposé.
Le Monde de l’Énergie —Les constructeurs automobiles vont-ils devenir des fournisseurs d’énergie ?
François Gatineau —Certains d’entre eux pourraient être tentés d’aller vers la fourniture d’électricité. En effet, dans le prix du service de recharge, la part de l’électricité est telle que, si vous voulez avoir un impact sur des prix intéressants, il faut être capable d’acheter de gros volumes. Le marché de l’électricité en Europe prend le chemin de ces achats de gros volumes mis à disposition par les producteurs d’électricité. Dans tous les cas, le business model des constructeurs doit se transformer. L’énergie est un domaine où il y a tant à faire pour décarboner.
COMMENTAIRES
Le plus important c’est la possibilité de payer avec le CB comme on le fait aux pompes, ce qui n’empeche pas d’avoit des tarifs différenciés avec l’usage d’une carte abonné ou autre, par exemple.