Solaire : le Sénégal passe la troisième et accélère
Le président sénégalais Macky Sall a inauguré fin juin une centrale solaire photovoltaïque, construite à Santhiou-Mekhe, dans la région de Thiès (70 km à l’ouest de Dakar), avec une capacité de 20 mégawatts (MW). Fruit d’un partenariat public-privé, le projet a nécessité une enveloppe de 42 millions d’euros. Associé au fonds d’investissement Meridiam, Proparco, filiale dédiée au secteur privé de l’Agence française de développement (AFD), a financé le projet par un prêt de 35 millions d’euros. Entretien avec Emmanuelle Matz, chef de la division énergie et infrastructures de Proparco.
Présentez-nous la nouvelle centrale solaire sénégalaise…
Cette centrale compte 92.000 panneaux solaires, 36 imposants onduleurs et 3 grands transformateurs raccordés à la station SDE (la Société des Eaux) située à 9 km du site. Il s’agit de la troisième centrale solaire construite dans ce pays d’Afrique de l’Ouest en moins d’une année. En octobre dernier, le chef de l’Etat sénégalais avait inauguré la centrale solaire Senergy 2 avec 75 000 panneaux photovoltaïques produisant 20 MW, et en novembre une autre centrale, riche de 86 000 panneaux et devant produire 22 MW d’énergie solaire, doit voir le jour.
Que va alimenter cette nouvelle centrale ?
Les 20 mégawatts produits alimenteront le réseau local de la Senelec, la Société nationale d’électricité sénégalaise. Elle permettra de fournir en électricité l’équivalent de la consommation annuelle de 226 500 habitants à un coût plus compétitif que celui des centrales thermiques du pays.
L’agence française de développement joue-t-elle donc aussi un rôle essentiel dans la transition énergétique qui s’opère sur le continent africain ?
Clairement. En terme de projets solaires, je rappelle que l’Agence française de développement a été la première à financer le premier projet public solaire au Burkina Faso. Aujourd’hui, seulement 33 % de la population sénégalaise a accès à l’électricité. Le secteur électrique demeure de taille modeste avec 650 MW installés. Aux faibles capacités de production, s’ajoutent des problèmes de délestages fréquents et réguliers affectant les populations et l’économie du pays, et un coût de l’électricité très élevé pour les usagers.
La mise en service de la nouvelle centrale contribue à la réalisation du Plan Sénégal Emergent du gouvernement, qui entend renforcer les capacités de production électrique. Le projet amorce par ailleurs la dynamique de diversification du mix énergétique sénégalais aujourd’hui très largement tourné vers les combustibles fossiles – qui représentent 90% du mix. Il permettra par ailleurs de réduire les émissions du gaz à effet de serre, à hauteur de 34 000 teq C02 par an, et participe ainsi à la mise en œuvre des engagements pris par le Sénégal à la COP 21.
Cela va t-il inciter, selon vous, d’autres pays africains à investir dans ce type d’infrastructures ?
Nous l’espérons. La Côte d’Ivoire a annoncé un appel d’offre solaire pour une vingtaine de mégawatts, fort du succès de la centrale sénégalaise sécurisée en neuf mois pour un tarif compétitif sur le mix sénégalais. Le Sénégal sert ainsi d’exemple pour d’autres pays du continent. Une chose est acquise : les pays francophones de la région essayent d’exploiter leur potentiel solaire. Nombre de pays bénéficient de 325 jours d’ensoleillement par an et d’une radiation quotidienne comprise entre 4 kWh et 6 kWh par mètre carré. Le potentiel de production d’énergie solaire en Afrique sub-saharienne est ainsi l’un des plus importants au monde. La baisse considérable des coûts d’équipement durant ces dernières années constitue un facteur favorable à son développement sur le continent.
Avez-vous d’autres projets dans les cartons ?
Nous étudions actuellement en Afrique d’autres projets plus en amont, notamment en Guinée ou au Tchad. En amont car les cadres réglementaires qui favorisent les investissements privés, comme ceux qui existent au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, ne sont pas encore complètement aboutis dans ces pays. Notre rôle, avec l’Agence française de développement, est d’essayer de faire monter en puissance ces Etats pour faire en sorte que ces secteurs s’arment et puissent offrir des investissements de longs termes.
Et l’éolien dans tout ça ?
Nous avons participé au financement du premier plus gros projet éolien africain au Kenya. Le potentiel éolien se situe plutôt dans la vallée du Rift. Dans le domaine hydraulique, nous suivons bien entendu des projets de 50 à 100 MW et d’une plus grande ampleur comme celui de Nachtigal au Cameroun (420 MW) développé par EDF.