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Le rythme de décarbonation des bâtiments « reste décevant » en France

Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Sabine Brunel, directrice adjointe de l’Observatoire pour un Immobilier Durable (OID), pour évoquer avec elle la décarbonation des bâtiments en France.

Le Monde de l’Énergie —L’OID a publié, en janvier 2023, l’édition 2022 de son baromètre de la décarbonation des bâtiments. Quels sont les principales évolutions par rapport à 2021 ?

Sabine Brunel —Comme chaque année, notre Baromètre de la Performance Energétique et Environnementale revient sur les évolutions du secteur du bâtiment en termes de consommations énergétiques, d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’autres indicateurs, selon différentes typologies d’actifs.

Depuis une décennie, la tendance à la diminution des consommations énergétiques est réelle ! Un mètre carré de bureaux consomme en moyenne 146 kWh par an, en diminution de 9% par rapport à l’année dernière. Une partie de cette réduction peut être attribuée à l’appropriation par bailleurs et preneurs de plusieurs réglementations attendues de longue date, et dont l’aboutissement se rapprochait, telles que le dispositif décret tertiaire notamment. Pourtant, le rythme de décarbonation reste décevant : en moyenne -2,2% par an entre 2010 et 2021 tandis qu’il faudrait atteindre -4,5% pour respecter nos objectifs nationaux.

Pour répondre aux besoins des acteurs, nous avons également intégré à notre Baromètre pour la première fois cette année des indicateurs sur les actifs hôteliers et de santé. Enfin, alors que bon nombre d’acteurs ont dû publier début 2023 leur taux d’alignement à la Taxinomie européenne, nous avons également présenté des Top15% et Top30% relatifs à l’enjeu d’atténuation.

Le Monde de l’Énergie —Quel est le calendrier réglementaire européen et français de la décarbonation des bâtiments ? Comment les récentes annonces du gouvernement sur la trajectoire de décarbonation de la France d’ici 2030 l’infléchissent-elles ?

Sabine Brunel —L’objectif de long terme fixé par la France en matière de décarbonation est l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, en ligne d’ailleurs également avec les objectifs européens. Pour le bâtiment, c’est la quasi-neutralité qui est visée à cette date, avec une diminution des émissions de GES de 94% par rapport aux niveaux de 1990.

2050, c’est un objectif un peu lointain, et les experts attendaient avec vigilance le niveau du jalon de 2030. La Stratégie Nationale Bas Carbone de 2015 avait déjà donné un objectif de 49% de réduction des émissions du secteur du bâtiment, qui correspondait à un volume d’émissions d’environ 45 MteqCO2. Dans ces annonces du 22 mai dernier, le gouvernement renforce l’objectif 2030 à 30 MteqCO2, ce qui correspond donc à 70% de réduction par rapport à 1990. L’ambition de 2030 est donc largement rehaussée, ce qui veut dire que les efforts à fournir d’ici là vont être très importants.

La question cruciale est désormais de savoir si le gouvernement va se donner les moyens d’atteindre cet objectif : par le passé, le budget carbone a régulièrement été dépassé pour le secteur du bâtiment, et avait conduit le gouvernement à remonter les enveloppes affectées, réduisant donc de fait leur impact et repoussant les efforts à fournir dans le futur.

Le Monde de l’Énergie —Sur quels aspects la France accuse-t-elle encore un retard important ? Sur quels aspects le pays fait-il figure de bon élève ?

Sabine Brunel —La question de l’amélioration du parc existant reste toujours d’actualité. Pour les bâtiments tertiaires, le décret tertiaire avec son premier jalon de -40% de consommation énergétique finale en 2030 va contribuer à diminuer les niveaux de consommation énergétique du parc. Pour les logements, les niveaux de rénovations sont bien en-deçà des objectifs fixés – 30 000 rénovations par an quand 700 000 sont estimées nécessaires par l’Etat.

Le point sur lequel la France se positionne en tête en Europe (et dans le monde) est la faible intensité carbone de son électricité : notre électricité est produite à 70% à partir d’énergie nucléaire, et un kWh d’électricité en France émet 0,069 kgeqCO2. A titre de comparaison, en Allemagne ce montant est de 0,365 kgeqCO2, au Royaume-Uni de 0,268 kgeqCO2.

A contrario, et les bons résultats carbone de l’électricité nucléaire l’expliquent certainement en partie, la France est en retard sur ses objectifs concernant le déploiement des énergies renouvelables. Elle a d’ailleurs été le seul pays européen à manquer en 2020 sa cible fixée à 23% de sa consommation énergétique d’origine renouvelable (ils n’en représentaient que 19%). A contrario, un pays comme le Danemark par exemple fournit 40% de sa production d’électricité à partir des énergies renouvelables.

Le Monde de l’Énergie —A votre avis, quels sont les mesures les plus urgentes à mettre en œuvre pour accélérer la décarbonation du bâtiment ?

Sabine Brunel —Les leviers de décarbonation du bâtiment sont en réalité déjà connus. Côté consommation d’énergie, les deux points sont l’amélioration de la performance intrinsèque des bâtiments (bonne enveloppe, bonne isolation thermique etc.) et la diminution de la consommation énergétique réelle. J’insiste sur la notion de consommation réelle, celle qui se voit sur les factures : en effet, tant que nous porterons aux nues des bâtiments ultra performants et sophistiqués mais très consommateurs d’énergie du fait des usages, nous n’auront en rien amélioré son impact sur le climat. A ce titre, les réflexions sur les usages des bâtiments, et au-delà, la notion de sobriété qui a été largement médiatisée en 2022 me semblent très pertinentes. C’est ce qui permet de traduire dans la réalité la décarbonation du bâtiment.

L’autre pilier majeur de décarbonation consiste à s’appuyer sur des sources d’énergie faiblement carbonées. C’est déjà le cas pour l’électricité d’énergie nucléaire en France : c’est donc désormais en investissant le champ des énergies renouvelables pour substituer progressivement les énergies fossiles (fioul et gaz) qu’il faut agir – les annonces du gouvernement sur le bâtiment vont d’ailleurs en ce sens. Notons enfin que les réseaux de chaleur et de froid urbains doivent aussi accélérer la décarbonation de leur mix énergétique pour que nous y arrivions collectivement !

commentaires

COMMENTAIRES

  • Avoir des objectifs en % d’énergie électrique fournie par du renouvelable ne sert strictement à rien.
    en effet, vaut il mieux avoir:
    . 40 % de renouvelable + 60 % de charbon
    ou
    . 40 % de renouvelable + 60 % de gaz
    ou
    . 20 % de renouvelable + 80 % de nucléaire
    La démonstration se fait tous les jours: les pays qui nous entourent font tous plus de renouvelables que nous et tous beaucoup plus de CO2.

    Répondre
  • Concernant les bâtiments:
    C’est beaucoup trop compliqué.
    Il faut faire appel à des entreprises RGE, il faut des « bouquets de travaux », il faut atteindre un minimum de progrès…
    Faisons simple: par exemple un crédit d’impôts pour tous les achats de matériel de progrès dans le domaine (isolant, ampoules basse consommation, sur vitrage, remplacement de fenêtre, de porte…
    Car sinon, que peut faire le bailleur d’un appartement si ce n’est de demander à l’AG de copropriété d’isoler le bâtiment par l’extérieur et de remplacer toutes les fenêtres, pour plusieurs milliers d’€ par logement, ce qui sera refusé par la majorité qui n’en a pas les moyens, alors qu’il peut faire une isolation par l’intérieur et poser un survitrage sur sa vieille fenêtre en bois pour quelques centaines d’€ et un gain de près de 50% sur l’isolation de sa « passoire thermique »

    Répondre
    • Et si on ajoute la pénurie de main d’œuvre réellement qualifiée pour de vraies opérations d’isolation telle que « souhaitée » par les élus et divers organismes alors on va rater la « cible » allègrement…
      L’éducation Nationale fut à une époque très néfaste vis à vis de ces métiers manuels pour une bonne part (au jour d’aujourd’hui je ne me prononcerais pas…), mais nécessitant beaucoup de bon sens, d’esprits astucieux et de capacités de jugement, surtout vu le parc foncier français qui peut être très varié du fait des diverses époques et des divers matériaux de construction utilisés !!! Aujourd’hui, on doit avoir en France plus de gens dans les bureaux pour dire ce qu’il ne va pas dans le pays, faire des scénarios sans connaitre les sujets réellement et tout plein d’autres activités tertiaires et de 3ème ordre sur la « Transition énergétique »… Mais sur le terrain de cette « transition » les Ressources Humaines sont maigres et si on ajoute/compte le manque de jugeotte et de motivation chez certains ouvriers (qui sont par dépit temporairement ou par nécessité immédiate et sans aucune vocation), on comprend les problèmes de progrès réels de l’isolation en France…
      Beaucoup de Travaux d’isolation faits il y a quelques années ont été mal faits et sont à reprendre… (et ce n’est pas nul en % dans les vrais statistiques…, sans compter les magouilles en tout genre…)

      Les opérations d’isolation par l’extérieur sont simples à faire mais mettre une bonne HVAC double flux (ou même simple flux) dans un logement ancien pour réellement augmenter le confort thermique ressenti, ce n’est pas simple… et tant d’autres opérations à faire…
      De plus dans certaines régions de France, dans le peu d’artisans disponibles, une partie sont occupés à poser du PV individuel… Cherchez l’erreur…

      On a un gros problème de Ressources Humaines dans l’artisanat…

      Répondre
  • Notre énergie est ainsi, si je sais encore faire une division, cinq fois moins carbonée que celle de l’Allemagne ! Et nous allons néanmoins dépenser des fortunes en systèmes d’énergie dite renouvelable pour soi disant améliorer notre bilan carbone. Qui aura le courage de dire une bonne fois pour toutes qu’il est plus que temps d’arrêter ces stupidités et de concentrer nos dépenses sur les besoins réels de notre pays ainsi que de penser enfin à diminuer notre endettement colossal.

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  • Et toujours ces sermonades pleines d’ENRisme sur les Renouvelables alors que le sujet est la décarbonation des logements !!! Les éoliennes ne remplaceront pas le Gaz mais renforceront son effet de niche !!! (Voir Le monde sans fin page 159 !).
    Quand il y a un anticylone froid sur l’Europe en Hiver, les éoliennes tournent peu à très peu… et le PV est aux abonnés absents 15 heures par jour et pas trop brillants le reste du temps… Qu’est ce qui produit pendant ce temps-là les énergies pilotables et pour les surplus, c’est du GAZ !!!

    L’Inertie thermique des Batiments n’est jamais évoqué pour stocker de l’énergie et pourtant c’est une solution loin d’être ridicule (surtout pour les excès d’éolien par intermittence qui ne vont faire que Grossir !!!)

    Répondre
  • Je cite ds le texte et la madame part bien :
    « Le point sur lequel la France se positionne en tête en Europe (et dans le monde) est la faible intensité carbone de son électricité : notre électricité est produite à 70% à partir d’énergie nucléaire, et un kWh d’électricité en France émet 0,069 kgeqCO2. A titre de comparaison, en Allemagne ce montant est de 0,365 kgeqCO2, au Royaume-Uni de 0,268 kgeqCO2 ».
    Je cite à nouveau ds le texte et la madame cafouille :
    « A contrario, et les bons résultats carbone de l’électricité nucléaire l’expliquent certainement en partie, la France est en retard sur ses objectifs concernant le déploiement des énergies renouvelables. »
    Elle confond l’objectif où ns sommes déjà très bons (CO²) et les moyens (les renouvelables qui ont besoin de back-up et donc de fossile)
    Quand l’idéologie nous tient le raisonnement ainsi que le rationnel disparaissent !
    Cette madame doit rester ds le domaine de l’habitat autrement elle se perd ds celui le mix énergétique.

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