Le rôle des magasins de commerce de détail affiliés à la grande distribution dans la transition énergétique
Une tribune signée Quentin Guillard, doctorant en droit de l’énergie et chargé de missions juridiques et réglementaires pour la SIPLEC.
Que ce soit en réalisant des économies d’énergies, en installant des bornes de recharge ou des panneaux photovoltaïques, les magasins de commerce de détail affiliés à la grande distribution participent activement à la transition énergétique. Toutefois, le cadre juridique présente certaines lacunes qui pourraient être corrigées.
Le dérèglement climatique lié au développement des activités humaines a conduit à la mise en place d’une transition écologique. Celle-ci doit permettre l’émergence d’un nouveau modèle économique et social plus durable et donc plus respectueux de l’environnement. Pour ce faire, plusieurs grandes mutations doivent être mises en place dont la transition énergétique.
Si une approche globale s’impose, les actions qui en découlent sont particulières. Celles-ci varient selon les personnes, le secteur d’activité ou la taille des entreprises. Ce constat rend nécessaire une approche fine du rôle de chacun dans cette transition. D’un point de vue juridique, cela implique de mettre en évidence les obligations de chaque catégorie de personnes tout en relevant leurs éventuelles lacunes. Cette étude entend justement se concentrer sur un cas spécifique, celui des magasins de commerce de détail affiliés à la grande distribution
Pour ce faire, il faut définir la notion de magasins de commerce de détail affiliés à la grande distribution. La distribution est une activité du secteur tertiaire qui constitue l’étape intermédiaire entre les activités de production et de consommation. Juridiquement, il s’agit de l’ensemble des opérations permettant l’acheminement de produits et de services entre les unités de production et les consommateurs. Tout au long du XXe siècle s’est constitué un important réseau de distribution, qualifié de grande distribution et matérialisé par la création de contrats d’affiliation. Défini aux articles L. 341-1 et suivants du Code du commerce il s’agit d’un contrat conclu entre une enseigne relevant de la grande distribution (l’affiliant) et un commerçant indépendant exploitant un commerce de détail (l’affilié). Ce dernier peut également être qualifié de magasin de commerce de détail.
Un certain nombre de ces magasins dispose à la fois d’une surface supérieure à 1000 m2, ainsi qu’un important foncier déjà artificialisé via leur parc de stationnement. Les magasins de commerce de détail dépassant cette superficie doivent obtenir une autorisation d’exploitation commerciale. C’est notamment le cas des hypermarchés qui ont une superficie supérieure à 2500 m2, ainsi que de la plupart des supermarchés dont la superficie est comprise entre 400 et 2500 m2. Seuls ces magasins d’une superficie supérieure à 1000 m2 seront pris en compte dans cette étude. Leur rôle est essentiel pour la réalisation de la transition énergétique. Premièrement ils participent activement à la réalisation d’économies d’énergie (1). Deuxièmement, ils sont obligés d’installer des installations de recharges pour véhicules électriques (IRVE) (2). Enfin, ils doivent installer des panneaux photovoltaïques (PV) sur une grande partie de leur foncier (3). Ces obligations vont dans la bonne direction et leur existence n’est pas contestée par ces magasins. Néanmoins, il convient de relever que les modalités ne sont pas exemptes de toutes critiques.
1. Une participation à la réalisation d’économies d’énergie constamment accrue
Le secteur tertiaire représente 16% de la consommation d’énergie finale en France1 et un tiers de celle du bâtiment2. En tant qu’acteurs du secteur tertiaire, les magasins susvisés sont tenus par les politiques d’économies d’énergie propres à celui-ci.
La survenance des premiers chocs pétroliers dans les années 70 a conduit à l’adaptation de la politique énergétique française qui a fixé deux objectifs. Le premier était de doter la France d’un parc de production lui permettant de réduire sa dépendance aux hydrocarbures, le second était de réaliser des économies d’énergie. Plusieurs réglementations thermiques (RT) ont donc été adoptées depuis 1975 afin de réduire la consommation énergétique des bâtiments et plus particulièrement des bâtiments neufs. Les magasins affiliés à la grande distribution ont donc dû respecter ces réglementations qui leur imposaient une certaine performance énergétique.
Pour autant, afin de réaliser des économies d’énergies importantes, il fallait également cibler les bâtiments existants. Aussi, la loi Grenelle II3 a imposé que, d’ici le 31 décembre 2020, ces bâtiments fassent l’objet de travaux améliorant leur performance énergétique. Deux RT ont donc été adoptées. La première, dite « par élément » leur imposait la réalisation de travaux portant sur des éléments précis pour atteindre des seuils de performance déterminé par arrêté ministériel. La seconde dite « globale » leur imposait une simple obligation d’amélioration de la performance lorsque les coûts de rénovation en lien avec la réglementation « par élément » étaient trop élevés.
La loi dite TECV adoptée en 20154 a renforcé les obligations de réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments existants du secteur tertiaire. Son article 17 leur impose de réduire de 60% leur consommation d’énergie finale d’ici 2050. Cette disposition a été complétée par loi dite ELAN qui prévoit un échelonnement de cette obligation entre 2020 et 2050. En prenant pour référence l’année 2010, leur consommation devra être réduite de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040 et 60% en 20505. Ces obligations ont été précisées par le « décret tertiaire » adopté en juillet 2019. Ainsi, les bâtiments hébergeant des activités tertiaires sur une surface plancher supérieure à 1000 m2 doivent mettre en œuvre des actions permettant d’améliorer leur performance énergétique. Elles consistent notamment à installer des équipements performants ainsi que des dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements. Des opérations portant sur les modalités d’exploitation des équipements et sur l’adaptation des locaux à un usage économe en énergie peuvent également être entreprises. Par ailleurs, un décret adopté en 2020, dit BACS (Building Automation & Control Systems), modifié en 2023 leur impose l’installation d’un système d’autonomisation et de contrôle de leur bâtiment avant le 1er janvier 2025 lorsque leur puissance nominale est supérieure à 290 kW. Il s’agit d’un outil de supervision et de contrôle permettant la réalisation d’économies d’énergie.
Les magasins affiliés à la grande distribution doivent s’acquitter de ces obligations, en transmettant leurs données de consommation via la plateforme numérique OPERAT administrée par l’ADEME. Une attestation contenant une notation « Eco Energie Tertiaire » leur est ensuite adressée pour s’assurer de la satisfaction de leur obligation décennale. A défaut une amende leur est infligée.
Depuis plusieurs années, ces magasins sont donc astreints à des obligations importantes en matière d’économies d’énergie. Le problème qui se pose est double. Premièrement, il s’agit de savoir comment financer des travaux aussi importants, en s’assurant notamment qu’il y ait bien un retour sur investissement possible. Deuxièmement, il faut s’assurer que le cadre juridique existant est suffisamment clair et stable pour garantir la sécurité juridique de ces investissements. A cet égard, le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), introduit en 2005 et désormais bien établi, leur permet de participer au financement de ces travaux. Tous les trois-quatre ans un objectif d’économies d’énergie est fixé par le gouvernement et doit être réalisé par les fournisseurs d’énergie. Ces personnes dites « obligées » peuvent se voir infliger une pénalité si elles ne remplissent pas leur objectif.
Pour ce faire, elles peuvent financer des opérations dites standardisées qui sont définies par l’administration et donnent droit à l’émission de certificats dits CEE. Plusieurs opérations standardisées propres aux entreprises du secteur tertiaire ont été arrêtées dont certaines intéressent directement les magasins susvisés. Concrètement, il peut s’agir d’actions permettant d’installer des systèmes de fermeture sur les meubles frigorifiques à températures positive et négative, la généralisation d’un éclairage LED ainsi qu’un système de condensation frigorifique à haute efficacité. Bien que ce dispositif offre des avantages évidents, il convient de relever qu’il présente une très importante instabilité, en témoigne les modifications quasi quotidiennes des fiches standardisées. En outre, la rédaction même de certains arrêtés limite l’efficacité du dispositif. Certains d’entre eux dépassent les 300 pages.
Enfin, ces magasins peuvent recourir à des opérations d’autoconsommation pour limiter leur consommation d’électricité. A cette fin, ils peuvent notamment construire des installations photovoltaïques (PV) qui limitent leur besoin de soutirer l’électricité du réseau. Il s’agit d’un moyen pertinent d’atteindre les objectifs fixés par la loi ELAN. Par ailleurs, la loi d’accélération des énergies renouvelables leur impose des obligations d’installation de PV qui renforcent l’intérêt de cette solution. Il faut donc se demander si désormais les magasins ne privilégieront pas les opérations d’autoconsommation à celles qui ont été évoquées précédemment. En construisant des PV sur ombrières ils satisferont à la fois leurs obligations d’économies d’énergie et celles de construction d’installations d’énergies renouvelables (EnR).
2. Des obligations ambivalentes concernant la pose d’IRVE sur les parkings
La transition énergétique impose une électrification importante du secteur des transports. Les véhicules électriques (VE) devraient donc occuper une part croissante du parc automobile existant. En conséquence, les pouvoirs publics entendent mettre en place un réseau important d’IRVE être mis en place. En effet, si une partie des usagers rechargeront leur VE à domicile, cela ne sera pas nécessairement le cas pour tous. Certains devront recharger leur véhicule sur des IRVE ouvertes au public. Aussi, l’apparition d’un réseau suffisamment dense est nécessaire pour ne pas dissuader les usagers d’acheter des VE. Pour cela, l’État a choisi de mobiliser une partie du foncier disponible, dont celui des magasins susvisés car déjà artificialisé et ouvert au public, en leur imposant d’installer des IRVE en libre accès.
Tout d’abord, il convient de revenir sur la mise en place d’un cadre légal favorisant la construction d’IRVE. Au niveau européen, il n’existe pas de réelles contraintes. Les premières réflexions sont nées d’une communication de la Commission en janvier 2013, par laquelle celle-ci proposait d’imposer aux États membres des obligations en matière d’IRVE6. A la suite de quoi, la directive 2014/94/UE a établi un cadre commun de mesures pour déployer notamment des IRVE mais dans lequel les États membres sont libres.
Au niveau national, la loi Grenelle II a permis l’apparition d’un « droit à la prise » qui permet « d’équiper une place de stationnement d’une installation dédiée à la recharge électrique »7. Ce n’est qu’avec la loi TECV qu’une amorce d’obligation de pose d’IRVE apparait avec un objectif de 7 millions de points de charge installés sur les places de stationnement d’ici 2030. Les bâtiments tertiaires, dont les magasins affiliés à la grande distribution, doivent logiquement contribuer à sa réalisation. L’article 41 précise que les personnes qui construisent « un bâtiment constituant un ensemble commercial, au sens (…) de l’article L. 752-3 du Code du commerce » doivent doter une partie des places de parking d’IRVE. Un décret de 2016 fixe un objectif de 10% lorsque le parc de stationnement contient plus de 40 places8. Toutefois, cette obligation ne concernait que les bâtiments en construction et non ceux qui existent déjà. L’article 64 de la loi d’orientation des mobilités a finalement étendu cette obligation aux bâtiments commerciaux existants.
D’ici le 1er janvier 2025, tous les bâtiments non résidentiels disposant d’un parking d’au moins 20 places, doivent installer des points de recharges sur 5% d’entre elles. En revanche, si le coût des travaux d’adaptation du réseau électrique liés à cette obligation sont trop importants, le nombre de points de charge pourra être réduit. Ce texte fait peser une obligation importante sur les épaules de ces magasins, qui disposent de parcs de stationnement ayant parfois plus de 800 places. Si l’existence même de cette obligation n’est pas contestée, il convient de relever que le niveau de celle-ci pourrait être disproportionnée, et insuffisamment soutenue financièrement.
Cette obligation pourrait être disproportionnée eu égard aux incertitudes liées au développement des VE et de la recharge électrique en France. Si les ventes de VE augmentent rapidement, au 1er janvier 2022 ils ne représentaient que 1% du parc existant9. Il n’est donc pas impossible que cette obligation d’équiper 5% des places de parkings soit, pour l’heure, disproportionnée au regard du nombre de VE qui seront en service au 1er janvier 2025. En outre, cette disproportion est d’autant plus probable que la nécessité de la recharge ouverte au public est incertaine. La grande majorité des utilisateurs de VE pourraient posséder, d’ici quelques années, une borne de recharge à domicile et n’utiliseront donc celles ouvertes au public qu’en complément. Seule une petite partie des utilisateurs auront véritablement besoin de ces bornes. Cette affirmation est d’ailleurs corroborée par le faible nombre de session recensée par mois et par point de recharge (15 en moyenne)10. Cette disproportion probable rend nécessaire la mise en place de dispositif de soutien permettant à ces magasins de satisfaire cette obligation.
Or, le dispositif existant n’est ni tout à fait adapté ni tout à fait suffisant. Avant tout, il convient de présenter succinctement ce dispositif. Mis en place en 2016, le programme Advenir piloté par l’AVERE est financé par plusieurs entreprises qui sont des « obligées » du dispositif CEE (Bolloré, Distridyn, Dyneff, EDF, ES, Siplec…). Ces fonds permettent de financer une partie des coûts liés au déploiement d’IRVE en France. Depuis 2016 il a permis de financer près de 36 000 points de recharges privés et publics. La convention signée par les parties et validée par l’administration fixe des objectifs quantitatifs à atteindre. L’un d’eux concerne les IRVE ouverts au public des parkings d’entreprises, dont ceux des magasins de la grande distribution. Afin d’obtenir ces primes, les magasins doivent constituer un dossier pour qu’une partie des coûts qu’ils supportent pour installer des IRVE sur leur parking soit prise en charge. Toutefois, malgré son succès évident, ce dispositif présente des lacunes en raison tant de son caractère inadapté que de son insuffisance.
Le programme Advenir n’est pas parfaitement adapté au financement des coûts supportés par ces magasins pour installer des IRVE sur leur parking. Les délais impartis et les modalités imposées pour formuler une demande de prime sont lacunaires. Au préalable, il faut revenir sur la procédure à suivre afin de les obtenir. Le bénéficiaire ou le porteur d’offre doit formuler une demande de prime sur le site dédié, en présentant les éléments techniques du projet avant que les travaux n’aient débutés. Une offre de prime lui est alors accordée pour 6 mois. D’ici là, les travaux doivent avoir été réalisés. Or, ce n’est qu’à partir de la validation de sa demande que le bénéficiaire entamera la réalisation de son projet. Pour cela, il va notamment se rapprocher du gestionnaire de réseau pour signer une convention de raccordement. Or, le délai pour d’une part établir une telle convention pour ce type de projet et d’autre part réaliser les travaux est généralement supérieur à 6 mois et donc postérieur à la date butoir susvisée.
En outre, fortes de leur succès, les primes accordées au titre de ce programme ont régulièrement baissé. En 2020 et 2021 les primes Advenir pour les IRVE ouvertes au publics et installées par des entreprises sur leur parkings pouvaient couvrir 60% des coûts supportés, dans la limite d’un plafond de 2100 à 9000 euros par point de charge. En 2023 ce taux n’était plus que de 30% dans la limite d’un plafond de 1000 à 2700 euros. De plus, les frais qu’elles couvrent ne concernent que la fourniture et l’installation du point de recharge. Les autres dépenses, notamment les travaux lourds comme le raccordement ne sont pas couverts par ce programme. Si, pendant un moment, le TURPE pouvait couvrir jusqu’à 75% de ces coûts de raccordement, les conditions requises pour bénéficier de ce niveau de prise en charge se sont durcies. Ce taux de réfaction ne bénéficie qu’aux IRVE de faible puissance ainsi qu’à celles qui s’inscrivent dans un schéma directeur de développement des IRVE, ce qui n’est pas nécessairement le cas de celles desdits magasins. Les propriétaires des parcs de stationnement doivent donc prendre en charge une grande partie de ces coûts.
Enfin, l’AVERE a annoncé qu’à compter du 1er août 2023 les points de recharges installés sur les parkings des entreprises ne seront plus éligibles aux primes Advenir. Cette décision s’explique par le fait que les objectifs quantitatifs concernant ces points de recharges ont été satisfaits. Pour autant, un grand nombre de magasins doivent encore s’acquitter de leur obligation. Or, les éléments qui précèdent tendent à indiquer que pour l’heure, il n’existe pas de dispositif permettant de les accompagner réellement dans la réalisation d’une obligation pertinente mais potentiellement disproportionnée.
3. Des obligations ambiguës concernant l’installation de PV sur les parkings et les toitures
La transition énergétique impose une décarbonation du système électrique en augmentant la part des EnR. Cette ambition fait face à d’importantes difficultés notamment urbanistiques puisque la politique de non-artificialisation des sols rend délicate l’implantation de projet dans des zones naturelles ou agricoles. En conséquence, le législateur impose des obligations consistant à solariser des surfaces déjà artificialisées. En 2019, la loi énergie et climat imposait que les nouvelles constructions ayant une emprise au sol supérieure à 1000 m2 installent des PV sur 30% de la surface de toitures ou d’ombrières11. Cette obligation a été doublement renforcée en 2021. D’une part, le seuil de 1000 m2 d’emprise au sol a été abaissé à 500 m2 et, d’autre part, sont également concernés les parcs de stationnement couverts existant faisant l’objet d’une rénovation lourde12. Ces obligations s’imposaient déjà aux nouveaux magasins de commerce de détail affiliés à la grande distribution ainsi qu’à ceux qui procédaient à des rénovations lourdes de leur parking. La loi d’accélération des énergies renouvelables a généralisé et approfondi cette obligation.
Désormais, l’article 40 de ce texte étend les obligations d’installation de PV à l’ensemble des parcs de stationnement extérieurs existants au 1er juillet 2023 d’une superficie supérieure à 1500 m2, dont ceux des magasins susvisés. Ces derniers doivent alors couvrir 50% de la surface de leur parc de stationnement d’ombrières équipées de PV. Plusieurs dérogations sont toutefois prévues. Ainsi il est possible d’y échapper lorsque des contraintes notamment techniques et environnementales y font obstacle ou lorsqu’elle ne peut être satisfaite dans des conditions économiques raisonnables. Par ailleurs, le propriétaire du parc de stationnement peut décider d’ombrager cette surface par des arbres et non des ombrières. Enfin, lorsque la suppression et la transformation totale ou partielle du parc de stationnement est prévue, cette obligation peut ne pas s’appliquer.
Les magasins susvisés ayant généralement un parc de stationnement d’une superficie supérieure à 1500 m2 sont donc assujettis à cette obligation. Elle doit être satisfaite avant le 1er juillet 2026 pour ceux dont la surface est supérieure à 10 000 m2. Pour les autres elle doit être satisfaite avant le 1er juillet 2028. Si un délai supplémentaire pourra être accordé, la non-satisfaction de cette obligation peut conduire à la prononciation d’une sanction pécuniaire allant jusqu’à 40 000 euros par an. De surcroit, plusieurs éléments doivent être précisés par décret, notamment sur les conditions permettant de s’exonérer de cette obligation. A titre d’exemple, à partir de quand peut-on considérer qu’une surface est effectivement ombragée par un arbre ? Comment définir ce que sont des conditions économiques raisonnables pour des projets dont l’amortissement économique se fait sur plusieurs années ? Ces éclaircissements doivent être apportés rapidement afin que les magasins concernés déterminent s’ils sont tenus par cette obligation. Cela est d’autant plus nécessaire que les échéances sont très, voire trop, courtes.
Par ailleurs, l’article 41 renforce les obligations d’installation de PV des nouveaux bâtiments non résidentiels et de ceux qui font l’objet d’une rénovation lourde. De son côté, l’article 43 les étend aux bâtiments existants. Il convient tout d’abord de s’intéresser aux nouveaux bâtiments non résidentiels et à ceux qui font l’objet d’une rénovation lourde. Le législateur a essentiellement précisé que l’obligation de mettre en place un procédé de production d’ENR, en toiture ou sur les ombrières surplombant les parcs de stationnement, sur une surface au moins égale à 30 % de la toiture du nouveau bâtiment s’appliquait à partir du 1er juillet 2023. En revanche, cette proportion passera à 40% au 1er juillet 2026 et à 50% au 1er juillet 2027. Il faut également relever qu’il est toujours possible de privilégier la pose d’un système de végétalisation. Pour les bâtiments existants à usage commercial à l’instar des magasins susvisés, lorsqu’ils ont une emprise au sol supérieure à 500 m2, ils doivent intégrer un procédé de production d’EnR ou un système de végétalisation. Les mêmes dérogations prévues pour les obligations d’installation de PV des ombrières de parking s’appliquent. A noter toutefois que l’obligation prévue par ce texte n’est pas encore bien définie. Un décret est attendu afin de connaitre la surface de toiture devant être couverte par l’un des deux dispositifs susvisés. Ce décret doit être publié au plus vite pour que les magasins assujettis puissent démarrer leur projet.
Cette remarque est liée à la possibilité de réaliser cette obligation, sur une surface équivalente de son parc de stationnement. La pose d’infrastructure en toiture étant souvent impossible pour des raisons de sécurité, il est probable que cette faculté sera utilisée fréquemment. Dans ce cas, ces magasins devront équiper plus de 50% de la surface de leur parc de stationnement de PV pour satisfaire chacune des obligations posées par cette loi. Pour réduire les coûts d’un tel projet, ils doivent dès à présent déterminer une dimension qui satisfera l’ensemble de ces obligations. Une telle opération permettra d’éviter les surcoûts liés à la multiplication de petits projets afin de satisfaire au fur et à mesure chacune de ces obligations. Or ceci est impossible tant que les décrets d’applications ne sont pas adoptés.
En outre, malgré leurs conséquences financières considérables, ces obligations ne sont pas accompagnées de dispositifs de soutien suffisants. La grande distribution estime que les surcoûts liés à ces obligations dépassent les deux milliards d’euros13. Si ces investissements permettront aux magasins de réaliser des économies sur leur facture d’électricité, ces gains doivent être relativisés du fait de l’importance des coûts qu’ils supportent. C’est pourquoi l’introduction d’un dispositif de soutien financier doit être envisagé.
L’installation de PV leur permettra de recourir à des opérations d’autoconsommation. Ceci garantira une stabilité plus importante du prix de leur facture d’électricité, voire des économies selon le niveau des prix sur les marchés. Dès lors, il pourrait être tentant d’équiper une partie importante de la surface de ces parcs de stationnement pour que le magasin n’ait pas à soutirer d’électricité sur les réseaux. Néanmoins la réalisation d’une telle opération est délicate pour plusieurs raisons. L’une d’elle est liée à l’intermittence de ce procédé de production, qui ne produit pas la nuit alors même que le magasin consomme de son côté. De plus, l’incapacité de prévoir la quantité de production disponible à chaque instant conduit à l’impossibilité d’être certain que ces installations produiront suffisamment pour couvrir la consommation de ce dernier.
La seule solution serait de sur-dimensionner la surface de PV pour que la quantité d’électricité produite en journée couvre nécessairement la consommation d’un magasin. Le surplus pourrait alors être revendu à des consommateurs via des contrats d’achats long terme d’électricité ou Power Purchase Agreements (PPA) ou directement sur les marchés. Si cette solution permet d’augmenter les volumes d’électricité injectés sur les réseaux, elles présentent des inconvénients pour le magasin qui devra financer une grande partie des coûts de raccordements, particulièrement onéreux. En effet, pour les magasins affiliés à la grande distribution la plupart des projets de PV sur ombrières auront une puissance supérieure à 500 kW et inférieure à 5 MW. Le taux de réfaction du TURPE ne sera donc que de 40%. Le reste des dépenses sera à leur charge. De surcroît, ils devront entamer des démarches pour revendre le surplus d’électricité. Dans ce cadre, les options à leur disposition semblent limitées. La possibilité d’intégrer une communauté d’énergie paraît difficile vu les conditions strictes de participation des entreprises privées. La signature de PPA susvisée est possible mais implique une division précise de l’actif pour bien distinguer la partie relative à l’autoconsommation du magasin de celle qui est au cœur d’un PPA.
L’option la plus simple serait alors de passer par un responsable d’équilibre qui revendrait ces surplus sur les marchés. Les bénéfices obtenus seraient ensuite reversés aux magasins. Ces derniers pourraient toutefois supporter des pertes financières importantes en cas de prix faibles voire négatifs. Enfin, notons que le recours au tiers financement est évidemment une solution possible mais qui présente un inconvénient majeur. Néanmoins, il ne serait pas juste d’imposer à ces magasins de contribuer à la transition énergétique tout en les empêchant de conserver le plein contrôle de leur foncier.
Il ressort de ce qui précède que les magasins pourraient privilégier une réduction de la surface de leur parc de stationnement couverte par des PV en plantant des arbres ou en invoquant des conditions économiques déraisonnables. Lesquelles sont, par ailleurs, extrêmement délicates à apprécier. Une incertitude qui est créatrice d’une certaine insécurité juridique. Cela limitera d’une part l’augmentation de la quantité d’électricité produite par des EnR et d’autre part la réalisation des ambitions affichées par la France en la matière. Pour éviter cela, des solutions doivent être trouvées pour les soutenir financièrement dans la réalisation de ces obligations et pour faciliter la revente des surplus d’électricité. A titre d’exemple, l’augmentation du taux de réfaction du TURPE pourrait être une solution pertinente.
En définitif, les magasins de commerce de détail affiliés à la grande distribution participent activement à la transition énergétique. Cette participation se comprend parfaitement dans la mesure où la réalisation de cette mutation passe par l’implication directe de tous les consommateurs, ce qui inclut forcément ces magasins. Pour autant, il apparaît que le cadre juridique existant pourrait être adapté mais aussi clarifié afin de faciliter les actions entreprises par ces derniers.
3 Art. 3 de la Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, JO. 8 déc. 2010
4 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, JO 18 août 2015
5 Art 175 de la loi° 2018-1021 du 23 nov. 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, JO. 24 nov. 2018
6 Comm. UE, 24 janv. 2013, Doc. COM (2013) 18 final : non publié au JO.
7 Art. 57 de la Loi n° 2010-788 du 12 juil. 2010, portant engagement national pour l’environnement, JO. 13 juil. 2010
8 Décret n° 2016-968 du 13 juil. 2016 relatif aux installations dédiées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables et aux infrastructures permettant le stationnement des vélos lors de la construction de bâtiments neufs, JO. 17 juil. 2016
9https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/387-millions-de-voitures-en-circulation-en-france-au-1er-janvier-2022
10https://www.avere-france.org/wp-content/uploads/2023/01/Barometre-IRVE-Decembre-2022-Externe-combine-1.pdf
11 Art. 47 de la Loi n° 2019-1147 du 8 nov. 2019, relative à l’énergie et au climat, JO. 9 nov. 2019
12 Art. 101 de la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, JO. 24 août 2021
COMMENTAIRES
L’obligation d’implanter des bornes pars les magasins devrait être corrélée à leur capacité d’installer des PPV sur leur surface de parcking et surface de vente, selon un coefficient qui limiterait le soutirage au réseau ENEDIS les mettant sur u’ pied d’égalité entre eux afin de ne pas fausser la concurrence en augmentant plus ces charges obligatoire pour les magasins d’une certaine taille par rapport à ceux d’une autre surface.
@ »Père Vert » Serge,
Votre propos est un non-sens pour certaines configurations de supermarchés et/ou de galeries marchandes, notamment ceux et celles en périmètre urbain !!! Ces zones marchandes là, propices à faire utiliser leurs « IRVE » la nuit pour des particuliers sans parking individuel et/ou sans recharge dans leur parking, ne pourront pas installer des ratios de PV élevés…
Par contre si vous généralisez votre propos à des « enseignes de distribution » cela a du sens…
Les vieux supermarchés entourés de zones urbaines parfois assez denses et ne pouvant avoir des ratios de PV élevés doivent « compenser » ailleurs et les hypermarchés sont des zones idéales pour du PV à grande échelle et à bas cout…
Beaucoup de supermarchés urbains ou très proches (souvent pas très grands mais fort utiles pour le voisinage) peuvent rentabiliser leurs surfaces de parking en 24/7 avec des IRVE, avec souvent dans les environs immédiats nombre d’usagers de l’automobile (souvent par nécessité professionnelle) qui n’ont pas beaucoup de solutions pour recharger leurs véhicules à part aller « attendre » le rechargement à une borne de recharge… C’est aux enseignes de distribution d’optimiser localement quitte à avoir des dérogations si au global elles offrent plus de zones de recharge en certains lieux et moins dans d’autres (Avis Perso…).
De toutes les façons, les enseignes de distribution qui font les « timoré » aujourd’hui vont se précipiter sur le sujet avec l’augmentation des VE (comme elles l’ont fait sur les carburants pétroliers après que Leclerc ait ouvert la brèche…). Elles veulent juste plus d’argent de manière directe et/ou indirecte… Même McDonalds s’y met et dans ce cas, si c’est des recharges en hiver entre 19 et 20h00 c’est pas très « intelligent » du point de vue du réseau…
Certaines communes feraient bien de mobiliser les parking des supermarchés en zones urbaines pour l’insertion massive d’IRVE avec divers types de partenariats. Cela peut être du gagnant-gagnant…
Il faut rassurer les supermarchés. Nombre de Français ne peuvent pas stationner leurs voitures dans un garage équipé de recharges et/ou dans leur jardin donc ils ne pourront pas les recharger la huit de manière générale et devront trouver des solutions ! Faire ses courses, tout en rechargeant son véhicule pendant ce temps va devenir une évidence pour nombre de propriétaires de VE sous peu… Et si les prix sont attractifs (même seulement une partie de l’année si c’est majoritairement associé au PV !) alors les propriétaires de VE y viendront d’autant plus facilement et pour la durée nécessaire à une bonne recharge, ce qui sera bon pour ces « commerçants » … D’autre part, via leurs divers « frigos », les supermarchés ont des capacités de stockage de froid (donc d’énergie) assez importantes voir réellement importantes (le Stockage et la consommation sur place d’électricité « PV » est bien plus évidente dans ces lieux que pour nombre de maisons individuelles…). Ils peuvent faire de même avec du stockage « d’eau chaude » pour des systèmes de chauffage…
Il faut rappeler que plus de 30 ans en arrière, les supermarchés ne distribuaient pas de carburants ! Puis cela s’est ouvert et généralisé de manière assez globale… Combien de supermarchés et/ou d’hypermarchés sans station service à ce jour !? (Pas beaucoup… et c’est même souvent un produit d’appel pour faire venir des consommateurs dans leur commerce…).
Nota : En certains lieux les IRVE des supermarchés pourraient servir la nuit à des personnes des environs qui ont des VE et le besoin de recharge et parfois de parking (quitte à mettre des bornes pour V2G pour les volontaires, et des conditions de recharge en fonction des prix pour d’autres…). Il manque souvent des places pour vélos dans les parkings de supermarchés à rappeler aussi, avec un vélo pour rejoindre son logement on peut facilement faire 1 à 2 km rapidement et donc laisser son véhicule un peu loin certains jours et rentrer chez soi rapidement en vélo et y revenir rapidement aussi…
L’utilisation de grandes surfaces tels que les parking de supermarché dans leur globalité pour quelques heures par semaine est une non-optimisation de l’espace… Essayer d’utiliser ces espaces la nuit serait judicieux…
Pour aller plus loin dans le raisonnement, il est bon de rappeler que nombre de magasins d’enseignes de supermarchés ne sont qu’en « location » des surfaces utilisées. Les sociétés exploitants les surfaces commerciales ont donc à élargir leur spectre d’utilisation des espaces en 24/7 ainsi que leurs prérogatives…
Les hypermarchés et grands supermarchés font souvent face à de grosses affluences le WE et/ou à certaines heures et suivant les époques de l’année pas forcément en lien avec la production PV. Le stockage par batteries d’électricité dans ces lieux a du sens dans bien des cas avec les espaces disponibles et les usages de consommation. Exemple : Pour faire face à de nombreuses recharges un samedi après-midi d’hiver, le recours partiel à des batteries stationnaires peut être une nécessité pour ne pas saturer le réseau (sachant que souvent le dimanche après-midi certains sont fermés et pourront recharger leurs batteries aisément avec leur PV ou le réseau !!!)… Les batteries « stationnaires » pouvant servir aussi pour passer la pointe du réseau entre 18 et 20h00 l’hiver…
La prochaine étape est donc d’imposer « gentiment » mais parfois « fermement » du stockage avec batteries stationnaires aux supermarchés (et/ou aux sociétés propriétaires des lieux) pour stocker de l’électricité issus du PV mais aussi de l’éolien ET du Nucléaire en fonction de la saison et des productions et aussi et surtout ne pas à avoir à renforcer les réseaux de manière inconsidérée par ENEDIS ou RTE pour les IRVE qui créeront de sacrées puissances d’appels par moment mais juste ponctuellement in fine…