Rénovation du bâti scolaire : « il faut des mécanismes d’aides plus simples, plus lisibles, plus durables »

Dans un entretien au Monde de l’Énergie, Augustin Bouet, directeur du département Grands Comptes chez Hellio, analyse la délicate question de la rénovation énergétique du bâti scolaire.

Le Monde de l’Énergie —Pourquoi la rénovation thermique du bâti scolaire est-elle un aspect clé pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France ? Quels sont les objectifs gouvernementaux en la matière ?

Augustin Bouet —Le bâti scolaire représente 140 millions de m², soit à peu près 45 % du patrimoine des collectivités en surface. Selon la Banque des territoires, seul 10 à 15 % du parc de bâti scolaire est rénové. D’après l’Ademe, ces bâtiments scolaires sont responsables à 31 % de la consommation énergétique des bâtiments communaux. La vétusté de ces établissements nuit au confort thermique des élèves et enseignants et revêt de fait un enjeu politique à la fois social et environnemental pour le gouvernement. Le 23 avril 2023, Emmanuel Macron annonçait le lancement d’un grand projet de rénovation énergétique des écoles, concrétisé quelques jours plus tard par le lancement du programme EduRénov’ par le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu. À travers le programme EduRenov’, le Gouvernement souhaite rénover 10 000 établissements scolaires à horizon 2027, avec des économies d’énergie d’au moins 40 % par bâtiment.

Le Monde de l’Énergie —La mission commune d’information pour la rénovation du bâti scolaire du Sénat a remis son rapport le 28 juin 2023 : quelles en sont les principales conclusions ?

Augustin Bouet —Lancée par les sénateurs du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), la mission d’information avait pour objectif de trouver des solutions aux difficultés rencontrées par les élus locaux dans leurs démarches de rénovation énergétique de leurs bâtiments scolaires. Parmi les principales conclusions de ce rapport, les sénateurs ont relevé que l’obstacle majeur aux démarches de rénovation énergétique des bâtiments par les communes réside dans le manque de moyen en ingénierie de conduite de projets. La valorisation des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) est également un mécanisme complexe à mettre en œuvre sur le plan administratif pour les collectivités. Enfin, l’estimation exacte du coût des travaux demeure un frein important. L’estimation du prix de ces investissements peut être comprise entre 300 € et 1 700 € au m2, et entre 1 100 € et 1 700 € pour atteindre les objectifs du décret tertiaire pour 2040 et 2050.

Le Monde de l’Énergie —Comment favoriser cette rénovation, quels financements peuvent la faciliter ?

Augustin Bouet —La rénovation énergétique du bâti scolaire nécessite d’importants investissements de la part des communes. Pour faciliter la visibilité des financements existants, le programme EduRenov’ entend centraliser l’ensemble des aides déjà existantes. En complément, la Banque des Territoires propose 2 milliards d’euros de financement en avances remboursables ou en prêts sur fonds d’épargne, sur des durées comprises entre 25 et 40 ans pour les projets les plus ambitieux ou de rénovation globale et 50 millions d’euros en crédits d’ingénierie sur 5 ans, qui doivent permettre de financer les audits énergétiques et faciliter la prise de décision des collectivités.

Ces fonds mobilisés par la Banque des Territoires sont complétés par un ensemble de financements déjà existants : dispositif CEE, Fonds vert, Fonds de chaleur et tiers financement.

Malgré la volonté de simplification du programme EduRenov’, les nombreuses sources de financements proposées aux communes restent complexes à appréhender. Les démarches pour la mobilisation d’une aide prennent du temps, malgré l’accompagnement de la Banque des Territoires. Seul un budget dédié, planifié sur 10 ans, permettrait de sécuriser les investissements des communes dans des rénovations d’ampleur.

Les remontées de terrain des élus locaux comme de leurs services sont unanimes : il faut que les mécanismes d’aides soient plus simples, plus lisibles, plus durables. Les subtilités réglementaires de certains mécanismes, comme la multiplication des guichets pour les aides publiques ou les récentes évolutions du dispositif CEE notamment sur la partie reporting, s’apparentent parfois à un véritable jeu de piste pour les acteurs du terrain. Ces difficultés techniques à s’emparer des dispositifs d’aides sont de nature à freiner voire dans le pire des cas à décourager les porteurs de projets.

Simplicité, efficacité et pérennité des objectifs et des aides seront donc des facteurs clés pour mieux accompagner les acteurs locaux pour adresser dans les meilleures conditions et avec des résultats probants cette problématique complexe.

Le Monde de l’Énergie —Quelles autres mesures vous semblent nécessaires pour relever ce défi ?

Augustin Bouet —La dynamique enclenchée par le gouvernement sur la rénovation énergétique du patrimoine des collectivités territoriales avec le Fonds Vert, puis renforcée par le Plan École, est un très bon marqueur. La rénovation des bâtiments publics est un enjeu crucial au cœur d’une politique ambitieuse de transition énergétique et de décarbonation. Le patrimoine public, c’est le patrimoine de tous, c’est donc logiquement une priorité de se donner les moyens de le mettre en ligne avec les objectifs environnementaux. Et au cœur de cet ensemble, le patrimoine scolaire revêt une dimension particulière car il est doté d’une grande visibilité, conférant ainsi à la rénovation énergétique des écoles un rôle de démonstrateur pour les acteurs privés et le grand public.

La rénovation énergétique du patrimoine scolaire est par ailleurs un moyen pour les territoires ruraux de maintenir des classes ouvertes et donc de préserver leur attractivité.

Aussi, il semblerait judicieux de s’appuyer sur cette dynamique de financement de la rénovation du patrimoine public pour accompagner et re-dynamiser une politique d’aménagement du territoire prenant en compte les défis sociétaux et environnementaux. Une mesure complémentaire au Fonds vert et au Plan École pourrait ainsi consister à faire coïncider les aides attribuées à la rénovation d’une école avec la mise en place de programmes locaux d’accompagnement à la relance économique des territoires ruraux en perte d’attractivité. Par exemple, sur chaque projet retenu dans la cadre du Plan école, analyser la densité de commerces à proximité de la zone et lancer des appels à projets pour faire revenir des commerces de proximité identifiés comme manquant dans la zone et qui seraient installés dans des locaux bénéficiant de programme de rénovation énergétique. De manière similaire et sur des enjeux énergétiques plus importants, il serait intéressant de voir comment articuler davantage les mécanismes de financements ciblant le secteur public avec les actions de réindustrialisation dans les territoires.

De manière plus globale, la prochaine étape doit, selon Hellio, consister à s’assurer de la cohérence et le renforcement des liens entre les programmes d’accompagnement pour la maîtrise de l’énergie, qu’ils soient à destination des particuliers, des entreprises ou des collectivités.