« La récupération de la chaleur fatale est l’une des solutions les plus rentables pour réduire les émissions de CO2 »
Dans cet entretien au Monde de l’Énergie, Antoine Meffre, fondateur et PDG d’Eco-Tech Ceram, revient sur la décarbonation du secteur de l’industrie en France.
Le Monde de l’Énergie —Quelle est la part de l’industrie dans les émissions carbone de la France, et quelles sont les principales pistes pour les réduire ?
Antoine Meffre —L’industrie représente environ 20 % des émissions de CO2 en France, selon les chiffres du Haut Conseil pour le Climat et de Citepa (2022). De plus, elle perd 36 % de l’énergie qu’elle consomme, d’après un dossier de l’ADEME de 2020 sur la récupération de chaleur fatale. Pour réduire ces émissions, plusieurs pistes sont envisageables. La sobriété énergétique consiste à éviter les consommations inutiles, comme éteindre les lumières en quittant une pièce ou ne pas allumer un four vide. Cela permet un retour sur investissement en moins de six mois et peut réduire la consommation de l’industrie de 10 %. L’efficacité énergétique vise à réduire la consommation tout en maintenant le même niveau de service, par exemple en remplaçant des ampoules par des LED ou en réglant des brûleurs à gaz, avec un retour sur investissement de moins d’un an et un potentiel de réduction de 10 % également. La récupération de la chaleur fatale, qui capte et valorise la chaleur perdue, peut réduire la consommation de 20 % avec un retour sur investissement variant de 3 à 15 ans. Enfin, la substitution énergétique consiste à remplacer les énergies fossiles par des sources d’énergie décarbonées comme la géothermie ou le solaire thermique, avec un potentiel de décarbonation allant jusqu’à 90 % des émissions restantes et un retour sur investissement de 7 à 20 ans.
Le Monde de l’Énergie —Comment personnaliser les procédés de décarbonation industrielle à chaque cas concret ?
Antoine Meffre —La personnalisation des procédés de décarbonation passe par une méthodologie rigoureuse. D’abord, il faut mettre en place une instrumentation et une supervision pour mesurer et surveiller les consommations énergétiques. Ensuite, un diagnostic énergétique permet d’identifier les points de perte et les marges de progression. Enfin, une stratégie de décarbonation est définie, en passant par des études d’opportunité et de faisabilité avant la réalisation des actions prioritaires en matière de sobriété, d’efficacité énergétique, de valorisation de la chaleur fatale et de substitution des énergies fossiles.
Le Monde de l’Énergie —En quoi la valorisation de la chaleur fatale est-elle cruciale, et quelles sont les pistes réalistes pour cette valorisation ?
Antoine Meffre —Elle est cruciale pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la France et l’Europe disposent de très peu de ressources fossiles, il est donc essentiel de réduire notre dépendance énergétique. Ensuite, en réduisant leur facture énergétique, les industriels deviennent plus compétitifs, ce qui peut préserver ou même créer des emplois. Il y a également une urgence absolue à réduire les émissions de CO2, et l’industrie, qui représente plus de 75 % de la consommation finale de chaleur, est un secteur prioritaire.
La récupération de la chaleur fatale est l’une des solutions les plus rentables pour réduire les émissions de CO2, après la sobriété et l’efficacité énergétique. Enfin, cette valorisation est bénéfique pour tous : l’industriel devient plus compétitif, le fournisseur de solutions est plus rentable, des emplois sont créés, les émissions de CO2 sont réduites, et l’État réduit sa dépendance aux énergies fossiles.
Le Monde de l’Énergie —Pourquoi ces solutions de décarbonation pourraient-elles s’avérer rentables à court ou moyen terme ? Comment débloquer les financements nécessaires ?
Antoine Meffre —La rentabilité des solutions de décarbonation dépend de la perception des temps de retour sur investissement. Certains considèrent qu’un retour sur investissement de trois ans est trop long, tandis que d’autres acceptent un délai de vingt ans. Cependant, ces solutions deviendront de plus en plus rentables avec la hausse des prix de l’énergie, l’augmentation des taxes sur le CO2 et le durcissement de la réglementation. Débloquer les financements nécessite de simplifier les démarches administratives et de s’entourer de professionnels spécialisés dans ce domaine, car les procédures actuelles sont souvent complexes et peuvent être bloquantes.
Le Monde de l’Énergie —Quel est l’apport d’Eco-Tech Ceram à ces problématiques, et quelles sont les réalisations déjà accomplies ainsi que les projets en cours ?
Antoine Meffre —Eco-Tech Ceram propose aux industriels des solutions clé en main, tant techniques que financières, pour décarboner sans investissement initial de leur part. Et on constate que décarboner l’industrie, c’est rentable ! Nous avons ainsi réalisé plusieurs projets notables chez Wienerberger, leader mondial de la brique où nos solutions de décarbonation ont permis de réduire la consommation d’énergie de 15 %. Chez Villeroy & Boch, géant international de la céramique, c’est une réduction de 10 % et chez Céramique et Développement (Tégulys), une réduction de 20 %. Nous avons également des projets de décarbonation en cours en France et en Europe (Angleterre, Pologne). Récemment, nous avons officialisé un partenariat avec Cerinnov Group pour améliorer l’efficacité énergétique de leurs fours et développer des fours neufs moins énergivores. Nous préparons également une levée de fonds pour accélérer notre croissance et devenir un leader européen de la décarbonation.
En parallèle, Eco-Tech Ceram collabore avec l’État et les acteurs de la filière pour définir des stratégies de décarbonation et mettre en place une filière industrielle répondant aux besoins nationaux et internationaux. Nous fournissons à l’État des informations terrain, des données scientifiques et des outils de calcul pour aider à élaborer la meilleure stratégie possible pour la décarbonation et l’économie du pays. Nous travaillons également sur la mise en œuvre de la filière industrielle de la décarbonation pour répondre aux besoins des industriels français et étrangers.
COMMENTAIRES
La chaleur fatal étant essentiellement produite par des convertisseurs d’énergie vers une forme mécanique, la plus grande part de cette chaleur fatale ne sera pas produite si les convertisseurs d’énergie se…… Convertissent a l’électricité
Serge Rochain
J’avoue que, faute d’une définition pour commencer de la « chaleur fatale » (textuellement, cela signifie qu’ on en meurt ! diable !), j’ai abandonné…
Brun, on parle de chaleur fatale quand le but d’un convertisseur d’énergie (on ne cré jamais d’énergie, on la transforme à travers des convertisseurs), n’est pas de produire de la chaleur à la sortie du convertisseur, quel que soit la forme de l’énergie à l’entrée, et que le convertisseur produit tout de même une part de chaleur ce qui limite leur rendement.
En fait l’équation du convertisseur destiné, par exemple, à produire de l’électricité c’est Ee=>Es+CF
Ee c’est l’énergie fournie à l’entrée du convertisseur quelle que soit sa forme.
Es c’est l’énergie fournie à la sortie du convertisseur sous la forme souhaitée (forme électrique dans l’exemple)
CF la chaleur fatale (Ce qu’on laisse perdre généralement sous forme de chaleur, mais souvent aussi , en partie, sous forme de vibrations mécaniques qui se traduient par du bruit dans le cas d’un convertisseur de type moteur thermique par exemple)
Les convertisseurs thermiques que ce soit des moteurs fonctionnant aux hydrocarbures ou en produisant de la vapeur on un rendement qui est inférieur à 50% limités par ce que l’on appel le cycle de Carnot.
Brun, un exemple concret : une centrale nucléaire (ou a charbon, ou à gaz) qui utilise deux convertisseurs en cascade a donc un rendement diminué à deux niveau :
La partie thermique est un générateur de vapeur qui produit une énergie mécanique (l’uranium, charbon, gaz qui brule ou fissionne représente une énergie thermique qui se transforme en énergie mécanique avec un axe qui tourne entrainé par la turbine traversée par la vapeur sous pression). A cette étape la conversion thermique/mécanique à perdu environ 55% de l’énergie d’origine(uranium/charbon/gaz).
Le deuxième convertisseur c’est la transformation de l’énergie mécanique de la rotation de l’axe qui entraine le rotor (inducteur) de l’alternateur dont le stator (induit) fournie de l’électricité aux bornes de son bobinage. Cette conversion mécanique/électrique qui n’est pas soumise au cycle de Carnot mais aux fuites du champs magnétique entre l’inducteur et l’induit, selon les lois de Maxwell est à l’origine d’une perte de chaleur fatale de l’ordre de 5%.
Donc pour une énergie de 100 joules (lunité universelle de l’énergie) dans l’uranium le charbon ou le gaz, nous ne récupérons sous forme électrique que 42,75 joules d’énergie électrique.
Clair ?
Serge Rochain
Merci de ces précisions ; l’auteur eût été bien inspiré de rappeler les définitions.
Sans doute,…..on n’est jamais trop précis et trop clair.