programmation énergétique

Programmation énergétique : domination du nucléaire ?

À l’heure où la France redéfinit sa programmation énergétique pluriannuelle, un virage prononcé en faveur du nucléaire semble se dessiner. Certaines propositions politiques — sortie du marché européen de l’énergie, extension des tarifs réglementés, moratoire sur l’éolien et le solaire — interrogent sur l’avenir des renouvelables dans le mix énergétique français. Derrière le choix du nucléaire se joue une bataille stratégique sur la souveraineté, les coûts et la transition écologique.

Une nouvelle programmation énergétique pour la France

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) constitue le principal outil de pilotage de la politique énergétique française. Elle fixe, pour une décennie, les trajectoires de production, d’investissement et de consommation, en vue d’atteindre les objectifs climatiques tout en assurant la sécurité d’approvisionnement.

À l’approche de la prochaine révision de la PPE, les lignes commencent à bouger. Le gouvernement, dans un contexte de hausse des prix de l’électricité, de tensions géopolitiques et de relance du nucléaire, envisage une orientation plus affirmée vers l’atome. En parallèle, des propositions radicales émergent dans le débat public : retrait du marché européen de l’énergie, gel du développement de l’éolien et du solaire, et recentrage de la politique énergétique sur les seuls réacteurs nucléaires.

Le nucléaire, pilier d’une souveraineté retrouvée ?

La France dispose d’un atout historique dans le domaine nucléaire, avec un parc conséquent qui assure environ 65 % de la production électrique nationale. Depuis le plan de relance nucléaire annoncé en 2022 par Emmanuel Macron, l’exécutif ambitionne la construction de six nouveaux réacteurs EPR2, avec une possibilité d’en ajouter huit autres à l’horizon 2050.

Derrière ce choix stratégique, une volonté : retrouver une souveraineté énergétique et limiter la dépendance aux importations, notamment de gaz et de pétrole. Le nucléaire, jugé pilotable et faiblement émetteur de CO₂, s’impose comme une solution « de continuité » face aux aléas des énergies renouvelables intermittentes. Pour ses défenseurs, il s’agit d’un socle stable autour duquel articuler la transition énergétique.

L’éolien et le solaire relégués au second plan de la programmation énergétique ?

Mais cette relance du nucléaire semble s’accompagner d’un désengagement progressif des énergies renouvelables, en particulier l’éolien et le photovoltaïque. Plusieurs propositions politiques avancent l’idée d’un moratoire, invoquant les nuisances paysagères, les oppositions locales et le faible rendement des éoliennes en période de forte consommation.

Plus radical encore, certains responsables souhaitent exclure l’éolien et le solaire des objectifs de production décarbonée dans les textes stratégiques, pour mieux concentrer les financements et les efforts sur le nucléaire. Cela reviendrait à rompre avec la logique de diversification prônée depuis des années, et à marginaliser deux filières en forte croissance.

Les renouvelables, victimes d’un repositionnement politique

Cette inflexion inquiète les associations environnementales et les acteurs des énergies renouvelables. Pour eux, cette approche revient à opposer les sources d’énergie plutôt que de chercher à les articuler. « Le nucléaire ne pourra pas, à lui seul, répondre à tous les besoins, surtout dans les délais requis », alerte un représentant du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Ils rappellent que les objectifs initiaux visaient une montée en puissance conjointe des renouvelables et du nucléaire, pour compenser les effets de l’intermittence et assurer une décarbonation rapide. Or, mettre un coup d’arrêt au développement éolien et solaire, c’est risquer de ralentir la transition énergétique, notamment dans les territoires où le nucléaire est absent.

La sortie du marché européen, un autre tournant majeur

Autre proposition clivante : sortir du marché européen de l’électricité. Ce marché impose que le prix soit aligné sur la dernière centrale activée, souvent une centrale à gaz, ce qui rend le coût de l’électricité nucléaire artificiellement élevé. Certains plaident pour en sortir afin de fixer des prix administrés, en s’appuyant sur le parc nucléaire historique amorti.

Dans le même esprit, l’extension des tarifs réglementés de vente à tous les consommateurs — y compris les entreprises — vise à redonner du pouvoir d’achat, mais aussi à repolitiser la fixation du prix de l’énergie. Une telle réforme bouleverserait les règles du jeu et placerait la France en décalage avec les orientations européennes.

Vers un modèle de programmation énergétique recentré ?

Au final, la question n’est pas seulement technique, elle est éminemment politique : quel modèle énergétique pour la France de demain ? Un modèle recentré autour du nucléaire, avec une forte intervention de l’État, des prix régulés, et une production centralisée ? Ou un modèle mixte, misant sur la complémentarité entre atome et renouvelables, et sur la décentralisation de la production via les territoires ?

Ce débat révèle aussi les tensions entre deux visions de la transition écologique : l’une technicienne et centralisatrice, fondée sur l’ingénierie nucléaire ; l’autre, plus horizontale, fondée sur la sobriété, les réseaux intelligents et les énergies locales.

Une bascule énergétique à clarifier

Alors que la France s’apprête à trancher les grandes orientations de sa future programmation énergétique, le choix de privilégier fortement le nucléaire n’est pas sans conséquences. S’il permet de renforcer la souveraineté et la stabilité du système électrique, il ne saurait à lui seul répondre à tous les défis de la transition.

Éclipser l’éolien et le solaire pourrait freiner la diversification du mix, complexifier l’atteinte des objectifs climatiques et affaiblir l’innovation territoriale. Dans un contexte où chaque décennie compte, la cohérence à long terme de la politique énergétique devra primer sur les logiques de court terme ou les rivalités idéologiques.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Souveraineté avec un combustible 100% importé ? Il y a de quoi rire.
    Le incantation du nucléaire sont tous de la même espèce, des fakes répétées depuis 60 ans jusqu’à en faire des vérités dans les esprits les plus pauvres, les inaptes à la vérification et au doute.
    l’électricité la moins chere d’Europe grace au nucléaire,
    Une source d’énergie pilotable,
    Une énergie propre,
    Une disponibilité infinie
    Autant de fakes que d’affirmations

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    • Notre ingénieur SR, une fois de plus mais certainement pas la dernière, se disqualifie avec ses outrances habituelles.
      Pas de perte de temps à le contester………….

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  • Il y a plusieurs problèmes qu’il faut arrêter de masquer: primo l’industrie européenne est pénalisée par rapport à l’économie américaine à cause du coup de l’énergie, on aimerait bien que la France puisse profiter de l’investissement qu’ont fait nos anciens dans l’hydraulique et le nucléaire afin d’être plus attractifs, n’en déplaise à nos amis allemands. Deuxio, les contrats avec obligation d’achat des énergies intermittentes font qu’aujourd’hui ce sont les centrales nucléaires qui modulent leur production au cours de la journée, et dans des proportions importantes. C’est aberrant, cela nuit à leur rentabilité et à leur fiabilité à long terme. Ce serait logique avec des centrales à charbon, comme ailleurs mais idiot chez nous; à partir d’un certain niveau d’éolien et de solaire ce n’est plus tenable.La rentabilité des intermittents doit forcément diminuer.

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  • Entièrement d’accord avec M. Moulard. L’obligation d’acheter l’éolien quand les éoliennes peuvent tourner et le photovoltaïque « quoi qu’il en coûte » oblige à moduler sur le nucléaire, ce qui le pénalise de façon totalement artificielle. L’urgent est de se remettre au travail pour mettre au point des centrales nucléaires capables de recycler les combustibles déjà utilisés, et non de continuer à enrichir la Chine en lui achetant des terres rares pour faire des éoliennes ou du photovoltaïque, ou l’Allemagne pour lui acheter les éoliennes elles mêmes. Sans parler des montagnes de béton des socles d’éloliennes, du recyclage impossible de leurs pales et autres « bénéfices » apportés par ces sources d’énergie alternatives et produisant dans le meilleur des cas 50% du temps. Avec enfin la caractéristiaue de gâcher le paysage.

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  • Arrêtons d’opposer nucléaire et énergies renouvelables, pour ne pas devenir des extrémistes comme Rochain qui ne rêve que de solaire et d’éolien, ou comme le RN qui voudrait arracher les éoliennes déjà en place.
    Chaque source a ses avantages et inconvénients, et il convient de bien choisir en fonction de la géographie de son pays et des besoins de ses consommateurs qui ne peuvent, à notre époque, plus vivre sans électricité.
    Si on dispose d’hydraulique à profusion comme la Norvège, le choix est évident : pas besoin de chercher davantage quand on a une électricité abondante bon marché et disponible en permanence sous la main. Dans tous les autres cas, il faut utiliser au maximum cette filière, et la compléter avec d’autres filières décarbonées.
    Quand on maîtrise la technologie nucléaire comme EDF en France, en plus de 12 % d’hydraulique, on pourrait envisager de se passer d’autres solutions ; pourquoi installer du solaire et de l’éolien ? Il existe pourtant quelques raisons objectives, mais aussi des limites. Les raisons objectives sont liées à l’incurie de nos politiques dont l’absence de vision et d’ambition pour le pays (à part pour leur carrière), a conduit à retarder l’adaptation du parc nucléaire actuel aux besoins futurs, avec notamment la construction de nouvelles centrales et le passage aux réacteurs rapides qui peuvent se passer en quasi-totalité de nouvelles ressources en uranium. Et comme notre pays doit se réindustrialiser et a besoin de plus d’électricité, il est pertinent de construire quelques parcs éoliens offshore et quelques centrales solaires, qui fourniront de l’énergie à défaut de garantir les pointes de consommation, et de maîtriser ces technologies émergentes, même si elles sont pratiquement importées à 100 % de Chine. Les limites sont liées à la stabilité du réseau (les experts de la R&D d’EDF ont établi qu’il ne faut pas dépasser 40 % d’énergies intermittentes en moyenne dans le mix) et à l’économie du système, car les centrales pilotables (nucléaires et hydrauliques) sont obligées de compenser les sautes d’humeur du vent et du soleil en plus de celles des consommateurs, et se dé-rentabilisent.
    Bref, avec 65 à 70 % de nucléaire et 12 % d’hydraulique, on peut estimer que 15 % d’énergies intermittentes sont un optimum, sachant qu’il faut conserver quelques % de gaz pour l’ultra pointe. Et on y est quasiment. D’autre part, la consommation d’électricité stagne : il n’y a donc pas d’urgence à construire de nouveaux parcs offshore ou PV, en attendant les futurs EPR, le nucléaire actuel étant en pleine forme et envisageant d’améliorer encore ses performances.
    La sagesse, pour le futur décret PPE, serait donc de conditionner les décisions d’équipement de ces énergies à la consommation, en attendant de retrouver des marges suffisantes grâce au nouveau nucléaire.

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  • Studer, vous faites l’erreur si commune et abondamment diffusée par les médias à la solde du SER qui est de croire qu’avec plus d’éolien et de solaire PV on pourra faire plus d’électricité en attendant le nouveau nucléaire. Or les intermittentes ont impérativement besoin des centrales pilotables pour pouvoir par leur modulation accorder production et consommation à 1 % près. Donc, sans augmentation préalable de notre puissance pilotable, on ne pourra pas produire plus d’électricité. Il y aura simplement une proportion de plus en plus grande d’intermittentes dans notre consommation électrique, comme on l’observe déjà, avec comme conséquences un coût de production de l’électricité croissant proportionnellement à la puissance installée par habitant en intermittentes, et des risques crpoissants d’instabilité du réseau, tandis que les pilotables devront s’effacer et deviendront de moins en moins compétitives.
    Pour pouvoir développer les intermittentes, les Espagnols ont construit de très nombreuses centrales à gaz. On voit où cela les a conduits, outre une dépendance accrue à un gaz qu’ils n’ont pas.
    A noter qu’une fois augmentée notre puissance de pilotables, les nouveaux parcs éoliens et solaires PV seront tout aussi inutiles qu’ils le sont maintenant, hormis pour engraisser le « capitalisme vert »

    Cette erreur si communément partagée actuellement par l’opinion y compris par des scientifiques peu au fait du fonctionnement des réseaux électrriques nous mène s’il n’y a pas plus d’opposition, dans un piège mortel, et c’est bien pour ne pas tomber dans ce piège qu’il faut empêcher à tout prix le développement massif des intermittentes programmé dans la PPE 3. Attention, il ne sera plus possible de revenir en arrière.

    Répondre
    • M. Durand, vous faites l’erreur courante des extrémistes du nucléaire qui réfléchissent de manière incomplète, et j’espère quand même que vous ne pensez pas que nos dirigeants s’amusent à construire des intermittentes en pure perte ??
      Pour vous faire comprendre, imaginez que nos centrales fonctionnent toutes en base (à 100 % donc), mais qu’elles soient insuffisantes pour répondre au besoin de consommation : les intermittentes, même si leur production est loin d’être garantie (elles fournissent en gros et en moyenne de 15 % à 40 % de leur puissance en fonction de la filière et de la météo), peuvent sauver la situation pour peu qu’il y ait un peu de vent et du soleil. Et si les centrales nucléaires ne sont pas toutes « au taquet », la production intermittente fatale qui les oblige à baisser la puissance, permet aussi de faire des économies de combustible (stock d’énergie) et de continuer de produire lors des pointes de consommation.
      Mais je vous le concède c’est loin d’être optimal et n’est qu’un ersatz en attendant d’être autonomes grâce au nucléaire et à l’hydraulique, voire même d’envisager de sortir du marché européen de l’électricité pour ne pas être tenus d’utiliser les surplus de nos voisins, tout en continuant à faire des échanges « à bien plaire » . Et comme je l’ai écrit, à condition de ne pas abuser des intermittentes : comme les poisons, à petites doses elles peuvent parfois sauver la mise, tandis qu’à forte dose, elles peuvent tuer le système !

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