prix electricite baisser demande augmenter offre modifier fonctionnement marches - Le Monde de l'Energie

Prix de l’électricité : « baisser la demande, augmenter l’offre, et modifier le fonctionnement des marchés »

Le Monde de l’Energie ouvre ses colonnes à Vincent Maillard, président-fondateur de Plüm Energie, pour évoquer les moyens de résoudre la crise des prix de l’électricité en France.

Le Monde de l’Énergie —Le gouvernement vient d’annoncer trois nouveaux dispositifs pour soutenir les PME / TPE face à la montée des prix de l’énergie. Quels sont-ils, et quelle sera leur efficacité ?

Seuls un dispositif concerne vraiment les PME, entreprises sans doute les plus fragilisées par la crise. Il revient à une compensation partielle de l’ordre de 25% sur la part marché de l’approvisionnement qui représente peu ou prou la moitié des achats d’énergie (l’autre partie étant couverte par l’ARENH). Cela revient à laisser 37% des achats exposés au prix de marché, soit une compensation globale de l’ordre des deux tiers. C’est une très bonne chose pour nos entreprises. Cependant, cette mesure est très coûteuse, quand bien même elle serait financée en grande partie par les gains attendus sur la revente sur les marchés des énergies renouvelables, dont il est démontré au passage l’intérêt qu’on a eu à les développer.

Quant au TPE qui sont couvertes par le « bouclier tarifaire », elles bénéficient d’une compensation plus importante.

Le Monde de l’Énergie —Ces mesures vous semblent-elles viables sur le long terme ?

L’Etat ne peut durablement subventionner les marchés sans s’exposer à des risques importants de contournement de la part d’acteurs peu scrupuleux. En outre, cela réduit l’incitation collective à réduire les prix et à ajuster la consommation. Et on peut craindre que les sources de financement, la revente au prix SPOT des énergies renouvelables (au jour le jour au fil de 2023) ne suffise pas à compenser les factures des clients basées sur les prix à terme (fixés à l’avance pour la livraison en 2023) qui sont, selon RTE, plus coûteux que le prix SPOT. On voit qu’il y a une perte de conversion si on compense les entreprises sur la base d’un prix nettement supérieur au prix des recettes compensatrices que l’on attend. Et cette perte en ligne nourrit les intermédiaires ou les acteurs qui vendent à un prix trop élevé sur les marchés à terme.

Il manque en outre d’un plan massif d’accompagnement aux économies d’énergies pour les PME / TPE. Il faut par exemple faire comprendre aux entreprises comme aux citoyens que se chauffer aujourd’hui à 20° voire plus, ou chauffer pendant les WE quand les bureaux sont fermés, se fait sur le dos de la dette publique au sens large qui subventionne ces consommations.

Le Monde de l’Énergie —Pourquoi craignez-vous que de tels dispositifs encouragent la spéculation ? Pourquoi les prix de l’électricité, hors bouclier tarifaire, sont plus élevés en France qu’en Allemagne, par exemple ?

Parce que subventionner c’est ouvrir la porte à tout type de manipulation. On sait malheureusement que l’imagination est énorme en la matière. Cette année, les risques sont sans doute mesurés car les acteurs ont jusque fin décembre pour fixer les prix pour la livraison 2023, et on peut espérer que les acteurs peu scrupuleux n’aient pas le temps de mettre en place l’ingénierie juridique et commerciale pour détourner les aides à leur profit. Mais il faut urgemment mettre en place des remèdes structurels et notamment en réduisant le différentiel de prix (et donc de compétitivité) entre les prix allemands et les prix en France.

Les prix de gros sont depuis longtemps plus faibles en Allemagne qu’en France, ce qui est pour le moins paradoxal puisque la production française est principalement faite à partir de moyens à coûts variables faibles (nucléaire, hydraulique, ENR). Je n’ai jamais eu d’explication claire à ce phénomène paradoxal, même s’il apparaît que la prééminence du chauffage électrique en France pèse pour beaucoup. La France importe ainsi de l’énergie quand elle est chère (en hiver) et en exporte (ou en exportait) quand elle n’est pas chère (en été).

A cette situation structurelle s’ajoute une situation conjoncturelle lié à la disponibilité nucléaire. EDF produisait bon an mal an plus de 400 TWh par an voire un peu plus, et elle produira moins que 300 TWh cette année. Cela a un énorme coût pour EDF donc pour la France et explique les pertes annoncées de l’entreprise publique.

Le Monde de l’Énergie —Vous défendez la nécessité de « prendre les choses à la racine » et de faire baisser le niveau de prix de l’électricité en France. Quelles mesures préconisez-vous pour cela ?

Il faut agir sur trois leviers pour faire baisser les prix de gros en France : baisser la demande (c’est la sobriété énergétique), augmenter l’offre, et modifier les modalités de fonctionnement des marchés de gros.

Du côté de la sobriété, trop peu de choses sont faites sur l’aspect comportemental (baisser les températures) alors que c’est le levier le plus rapide, le plus efficace, et le moins coûteux.

Du côté de l’offre, il faut tout faire pour améliorer la disponibilité du nucléaire, EDF s’y attache avec volonté, acharnement et sérieux, mais il faut aussi et étudier la possibilité de produire plus qu’avant crise avec le parc nucléaire historique. Un objectif de 450 à 470 TWh par an me semble atteignable à cet égard, soit 50 TWh de production complémentaire.

Et puis, bien sûr, il faut développer des ENR et relocaliser la filière de bout en bout.

Il y aussi des remèdes plus immédiats qui consistent à faire en sorte qu’une plus grande part de la production physique puisse être écoulée sur les marchés dits à terme sur lesquels se fournissent les clients finaux. Je crois que la CRE y travaille et c’est une bonne chose.

Enfin, il nous faut collectivement repenser l’organisation du marché en France, qui connaît pas mal de dysfonctionnements actuellement.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Vici ce que l’on peut lire sur le www du fournisseur « alternatif » Plüm Energie.

    « Plüm, c’est un fournisseur d’énergie verte, 100% française, qui fera toujours plus pour optimiser votre consommatio »

    Bref, un de ces prédateurs-pipoteurs qui prolifèrent et prospèrent à nos dépens grâce à la dérégulation bruxelloise du secteur de l’énergie.

    Répondre
  • « Cela revient à laisser 37% des achats exposés au prix de marché, soit une compensation globale de l’ordre des deux tiers. C’est une très bonne chose pour nos entreprises. Cependant, cette mesure est très coûteuse, quand bien même elle serait financée en grande partie par les gains attendus sur la revente sur les marchés des énergies renouvelables, dont il est démontré au passage l’intérêt qu’on a eu à les développer. »
    Désolé, Mr Maillard, je ne doute pas que vous soyez un honnête commerçant, mais ici, sur ce blog nous sommes plutôt des producteurs, donc il y a erreur de casting au minimum, ou faute de goût, c’est selon. Ou provocation, c’est une autre hypothèse.
    Les producteurs ne sont pas des économistes, ce sont plutôt des ingénieurs, durs à la tâche, mais ils savent aussi compter. Et de leur formation,ils ont en général tiré au minimum que l’energie n’est pas un bien marchand, mais un problème bien trop grave et lourd de conséquence pour être laissée à la seule initiative du « marché » ou de la corbeille, il me semble qu’un homme politique de haute volée avait dit ça bien avant moi. Va pour les petits pois, les yaourts, les automobiles, les brosses à dents, etc…bien des choses où on peut imaginer une liberté totale, mais surtout pas l’ENERGIE, et surtout pas la SANTE. Je vous rappelle que la France, à côté de la Liberté, c’est aussi l’EGALITE et la FRATERNITE, et nous sommes nombreux à conserver ces valeurs qui sont l’âme de notre pays. Sincèrement désolé, mais aucune concession possible pour moi et mes amis.

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  • Une solution de soutien qui consiste à payer à la place du consommateur tout ou partie de ce qu’il consomme n’est jamais une solution durable. La seule façon de vraiment faire baisser le prix de l’énergie c’est d’en produire de façon décarbonnée et VITE, pas dans 15 ans !

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    • @Pépère Serge,

      Et qu’a t’on payé depuis plus de 10 ans avec l’augmentation de la CSPE !? Plus d’ENRi dont la production coutait plus chère que sur les marchés… Était-ce durable avec votre raisonnement complet !?

      Le « Marché électrique » est perverti depuis des années avec des prix trop bas pendant 10 ans suite à l’arrivée des ENRi et le Prix du Gaz peu élevé et maintenant hyper élevé su fait du GAZ et de la façon dont sont régulés les prix…

      Nota : Il faudrait faire une enquête d’opinion au Danemark et en Allemagne sur les prix de l’électricité pour les individus… (c’est plus cher qu’en France et sans la partie DOM-TOM/Corse à aider !)

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  • L’auteur ne connait pas bien le fonctionnement du marché européen de l’électricité comme malheureusement la majorité des français, gouvernement y compris.
    Il est normal que les prix sur le marché à terme soient, en moyenne, légèrement supérieures aux prix spot car ils intègrent une part de risque, comme tout achat à moyen et long terme, que le fournisseur ne veut pas supporter.
    Ce que M. Maillard ignore probablement aussi, c’est que le mécanisme qui règle les échanges entre pays européens favorise automatiquement, grâce à un algorithme qui gère les échanges entre marchés spot et dans la limite de la capacité d’interconnexion, les échanges du pays où le coût du kwh produit est le moins cher vers le pays où le coût kwh est le plus élevé, ce dans le but louable de faire baisser les prix en Europe. Dans ces conditions, comment explique-t-il qu’avant la crise, la France exportait beaucoup plus vers l’Allemagne qu’elle n’importait de ce pays ? En revanche, si les prix sont aujourd’hui supérieurs en France à ceux de l’Allemagne, c’est tout simplement à cause du phénomène inverse : les pénuries ont lieu en France qui les compense sur le marché allemand.
    Concernant les gains réalisés par le gouvernement sur les énergies renouvelables, ils ne sont pas dû à leur revente mais au remboursement par les producteurs des subventions reçues avant la crise grâce aux gains réalisés suite à la forte hausse des prix spots qui, depuis un an, sont très largement supérieurs au prix du kWh produit sur lequel le producteur s’est engagé dans le cadre de l’appel d’offre. Ces gains réalisés ne sont par conséquent en aucun cas le reflet de la compétitivité de l’éolien et du solaire photovoltaïque mais le résultat des surprofits réalisés pendant la crise par l’ensemble des producteurs.
    Enfin, l’auteur attribue à juste titre la hausse des prix à un déséquilibre entre l’offre qui est insuffisante et la demande. Mais ce qu’il propose pour augmenter l’offre, « étudier la possibilité de produire plus qu’avant crise avec le parc nucléaire historique » relève de l’évidence et est depuis toujours une préoccupation essentielle d’EDF qui n’a pas attendu la crise et M. Maillard pour s’y employer mais se heurte rapidement aux contraintes de sûreté qu’il n’est pas possible de contourner.
    Enfin, « repenser l’organisation du marché en France, qui connaît pas mal de dysfonctionnements actuellement » comme l’auteur le propose, est une évidence mais ce n’est pas le marché européen, qui facilite les échanges entre pays, qu’il faut réformer mais le marché français, plus précisément l’ouverture à la concurrence sur la fourniture d’électricité qui n’a permis l’atteinte d’aucun des objectifs fixés (faire baisser les prix et développer la concurrence sur la production) et n’a eu que des effets pervers, à commencer par l’appauvrissement d’EDF suite à la mise en place du dispositif aberrant de l’ARENH.

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  • @choppin
    Entièrement d’accord avec vous, l’énergie électrique qui est une énergie de flux ne se manipule pas comme tous les produits de stock (charbon, pétrole, gaz, voitures, moutardes, huile…) et tant qu’on aura pas trouver le stockage massif et à un coût acceptable on pourra développer autant de subterfuges que l’on voudra (Arenh, marché spot, marché de capacité….) aucune solution stable ne répondra à cet immense défit.
    L’énergie électrique doit redevenir en grande partie un monopole d’état comme il l’était avant 2000 avec un contrôle et une régulation par un acteur unique type RTE ayant la main sur tous les moyens de production pour garantir le meilleur mix à tout instant.

    Répondre
  • Bonjour,
    Dans de projet exposé ci-dessous, faut-il comprendre que la Commission Européenne a trouvé le moyen de réduire la rentabilité d’EDF ? tout en garantissant la rentabilité des EnRi ?
    On pourrait de passer des EnRi car il faut des centrales pilotables pour les périodes lorsqu’il n’y a pas de vent ou de soleil. Les EnRi sont donc un investissement en double…
    ____________________________
    De Transition et énergie :
    « La Commission européenne vient d’avoir la révélation. Elle vient enfin de découvrir une solution efficace et acceptable pour tous pour découpler les prix du gaz et de l’électricité. Il s’agit du «contract for differences» (contrat de différences). Il permet grâce à une garantie de prix par une entité publique de couvrir, quelles que soient les circonstances de marché, les besoins des producteurs d’électricité pour rentabiliser leurs investissements et aux consommateurs de récupérer les surprofits quand ils existent. Il n’y a plus qu’à généraliser rapidement cette pratique. Par Dominique Finon. »

    « Les centrales EnR (Energies renouvelables) ou nucléaires, qui ont un coût de combustible faible ou nul, sont appelées bien avant la centrale marginale, (d’où leur nom de producteurs « infra-marginaux ») et dégagent des surplus horaires (ou « rentes infra-marginales ») très importants pendant les périodes de prix du gaz très élevés comme depuis quelques mois après l’invasion de l’Ukraine. Ils vont bien au-delà des revenus nécessaires pour recouvrer leurs coûts du capital. C’est la raison pour laquelle il est apparu nécessaire de prélever les excès de profits au-delà d’un certain niveau et de s’en servir pour limiter » (les prix de vente?)

    Répondre
    • Le nucléaire est un ivestissement en double car quand la moitié du parc ne fonctionne pas il faut le remplacer par du gaz, des barrages, du charbon, du pétrole, du solaire, de l’éolien, et de l’importation pour completer.

      Répondre
  • L’auteur indique : « Les prix de gros sont depuis longtemps plus faibles en Allemagne qu’en France, ce qui est pour le moins paradoxal puisque la production française est principalement faite à partir de moyens à coûts variables faibles (nucléaire, hydraulique, ENR). Je n’ai jamais eu d’explication claire à ce phénomène paradoxal, même s’il apparaît que la prééminence du chauffage électrique en France pèse pour beaucoup ».A priori cela pourrait être corrigé par le chauffage à l’hydrogène qui d’ailleurs apporte ~2 fois plus d’énergie que le gaze de ville.Sachant que le chauffage représente~les 3/4 de l’énergie utilisé par les particuliers,il y a de la marge.Bien sûr l’hydrogène à utiliser n’est pas le vert.

    Répondre
    • Mon message précédent ayant été supprimé car il referençait deux URL différentes je vous le remets en deux messages distincts :
      @Biophile,
      Les coûts de production des renouvelables variables sont les plus faibles et ensuite celles des fossiles , les deux étant à peu près à part égale dans les productions Allemandes.
      Tandis qu’en France les coûts faibles des renouvelables variables sont très minoritaires et le nucléaire est d’un coût élevé. Le nucléaire à bas prix est une légende entretenue depuis 60 ans.
      Cet écart de prix en faveur de l’Allemagne se voit presque tous les jours sur éco2mix :
      https://www.rte-france.com/eco2mix/les-donnees-de-marche

      Répondre
  • @Biophile
    Vous pouvez aussi voir les prix de revient proprement dits de la production d’électricité pour chaque pays d’Europe des 27 dans la décomposition du prix payé par le consommateur de chacun de ces pays en Prix de la fourniture (électricité proprement dite), transport (notre RTE et ENEDIS) et sur la facture (la part de toutes sortes de taxes que le pays inflige aux consommateurs).
    Le prix de l’electricité independemment de toutes autres considérations est donc la partie basse en bleu sur la figure 3 ici :
    https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-pt-vue/Rapport%20Union%20de%20l%27%C3%A9nergie%202020.pdf
    On peut voir que dans chaque catégorie, fourniture, rendu compteur, et facture, la France est toujours dans la moitié la plus chere des 27 de l’Europe. J’y vois la démonstration d’un mensonge, vieux de 60 ans et qui dure encore, selon lequel on aurait, grace au nucléaire, l’électricité la moins chere d’Europe.

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