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Projet de PPE : pour un système énergétique décarboné, diversifié et plus « intelligent »

Article signé Mélinda Murail, chargée de communication à Think smartgrids et Valérie-Anne Lencznar, Déléguée Générale de Think Smartgrids

Le projet de décret de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), publié le 25 janvier, met l’accent sur une baisse de la consommation d’énergie, l’électrification des usages, ainsi que les énergies renouvelables, pilotées par des réseaux électriques intelligents et renforcées par de la chaleur renouvelable.

L’objectif visé est une décarbonation totale du mix énergétique de la France d’ici à 2050.

Un mix énergétique diversifié pour réduire d’un tiers les énergies fossiles

Prévue pour s’étendre jusqu’en 2028, la PPE fixe les priorités d’action des pouvoirs publics dans le domaine de l’énergie. Elle prévoit une transition énergétique vers plus d’efficacité, de sobriété et de diversité, afin d’atteindre une neutralité carbone d’ici 2050.

A terme, en 2028, la PPE prévoit ainsi une baisse de 35% des énergies fossiles et de 14% de la consommation finale d’énergie, notamment grâce à un vaste plan de rénovation thermique des logements et de substitution des moyens de chauffage les plus polluants, mais aussi grâce à une généralisation des solutions smart grids permettant des gains en efficacité énergétique et en flexibilité.

En parallèle, elle table sur un doublement de la production d’électricité renouvelable par rapport à 2017 et une augmentation de 40 à 60% de la chaleur renouvelable par rapport à 2016 (chauffage au bois et réseaux de chaleur).

Côté nucléaire, la fermeture de 14 réacteurs est prévue d’ici 2035 pour ramener sa part à 50% du mix électrique, mais le projet de PPE conditionne la fermeture de certaines unités au respect des « critères de sécurité d’approvisionnement » et au développement massif des énergies renouvelables (EnR) par nos voisins européens, pour « conduire à des prix bas de l’électricité sur les marchés européens, susceptibles de dégrader la rentabilité de la prolongation des réacteurs existants ».

EnR : priorité au photovoltaïque, à l’éolien terrestre et à l’autoconsommation

Afin de développer les énergies renouvelables, le projet de PPE annonce un calendrier d’appels d’offres : chaque année à partir de 2020 seront proposés en appel d’offres 1 gigawatt (GW) pour le solaire au sol, autant pour l’éolien terrestre, et 0,9 GW pour le solaire sur toiture.

Tablant sur un prix de marché autour de 56 euros par MWh en 2030, le texte estime le soutien public nécessaire à 30 milliards d’euros pour accroître de 100 térawattheures la production d’électricité renouvelable, un niveau « dix fois moins coûteux que dans le passé ».

L’autoconsommation et l’autoproduction ne sont pas oubliées, avec un soutien « au développement massif du solaire photovoltaïque ». Le développement de ces productions décentralisées reposera « sur des réseaux moins utilisés mais plus intelligents, et nécessitera une nouvelle planification de l’espace, ainsi qu’une gouvernance repensée des systèmes énergétiques ».

Développer les smartgrids pour des réseaux plus sûrs et plus efficaces

Le projet de PPE rappelle que pour les réseaux, les grands enjeux induits par cette transition énergétique sont « l’accueil des énergies renouvelables et de récupération (« EnR&R »), le développement de la flexibilité (notamment de la demande), et l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication ».

Pour assurer la sécurité d’approvisionnement dans ce nouveau mix-énergétique centré sur l’électrification des usages, les compteurs connectés sont présentés comme « la première brique permettant de développer les usages intelligents et de piloter plus finement le réseau », afin de contenir puis réduire la pointe de consommation.

Par ailleurs, ces compteurs « ouvrent la porte au développement de l’internet des objets qui permettra d’optimiser les consommations des appareils de manière automatique. »

Le projet de PPE prévoit aussi de développer les flexibilités du système (notamment par l’usage des compteurs intelligents et le pilotage des recharges de véhicule électrique), notamment pour permettre l’intégration massive des énergies renouvelables, ce qui nécessitera un travail concerté entre l’Agence Internationale de l’Energie et RTE.

Le projet de PPE annonce par ailleurs plusieurs mesures pour accompagner le déploiement des réseaux électriques intelligents :

  • Affiner l’évaluation économique des solutions smart grids en fonction des bénéficiaires (gestionnaires de réseaux, producteurs, consommateurs), de manière à cibler au plus efficace le soutien de l’État ;
  • Exploiter au mieux le potentiel des services rendus par les compteurs intelligents, notamment en communiquant davantage sur leurs fonctionnalités ;
  • Favoriser l’émergence de solutions de pilotage intelligent de la recharge pour faciliter l’intégration des véhicules électriques.

Enfin, pour garantir la sécurité de l’alimentation en électricité et en gaz, il est prévu de renforcer les interconnexions et échanges avec les pays voisins.

Un soutien à la recherche et à l’innovation

Afin de créer un « marché européen pour les solutions d’énergie décarbonée », le projet de PPE souligne l’importance de répondre aux nombreux besoins spécifiques en recherche et innovation, dont les solutions smart grids.

Ainsi, outre l’amélioration de l’efficacité carbone et l’optimisation de l’utilisation et du recyclage des ressources, il est notamment prévu de soutenir l’innovation en matière de décarbonation de l’énergie, d’efficacité énergétique, du stockage de l’énergie, et de la gestion intelligente des réseaux de transport et de distribution.

Une filière industrielle du stockage par batterie

Le projet de PPE rappelle que le stockage est essentiel à la transition énergétique et souhaite aller plus loin que le programme des investissements d’avenir de l’ADEME, en développant « le stockage à grande échelle pour préparer une industrie française offensive dans ce secteur ».

Plusieurs axes sont proposés concernant le développement du stockage :

  • le développement de stations de pompage d’électricité (potentiel de 1,5 GW),
  • la généralisation d’ici à 2028 de « lignes virtuelles » à l’aide de stockage par batterie, ce qui éviterait certains renforcements de réseau en passant aux EnR ;
  • un soutien à la R&D et à de nouveaux démonstrateurs semblables à Ringo (porté par RTE) pour développer des solutions de stockage d’électricité compétitives, et permettre ainsi d’accroître la part d’EnR. Le soutien financier pourrait provenir du programme des investissements d’avenir, du fonds unique interministériel pour des projets de recherche collaboratifs, d’un soutien de projets de recherche et développement par l’ANR, de concours d’innovation pour les petites structures, etc. ;
  • enfin, en lien avec les comités de filière, le développement d’une filière française de production de batteries.

Adoption de la PPE : pour quand ?

Mais le processus avant l’adoption d’une loi sur la PPE est encore long. Des consultations sont désormais lancées pour recueillir les commentaires des divers acteurs de l’énergie.

Le projet de PPE doit ainsi encore être discuté au sein de plusieurs instances qui rendront un avis, comme le Conseil national de la transition énergétique, le Conseil supérieur de l’énergie, différents comités (experts pour la transition énergétique, gestion des charges de service public de l’électricité, système de distribution publique d’électricité), mais aussi l’Autorité environnementale, qui attend elle-même d’être réformée en profondeur par décret.

Des discussions seront ensuite engagées avec les États voisins, puis les Français donneront leur avis par Internet, avant la publication d’un décret. Le processus devrait durer 5 à 6 mois, pour une adoption définitive mi-2019.

En attendant, le projet de PPE reprend les principaux points soulevés dans le Cahier d’acteur publié en juin 2018 par Think Smartgrids , en reconnaissant le rôle clé des smart grids pour l’intégration des EnR, le développement de l’autoconsommation et de la mobilité propre, ou encore la maitrise de la demande d’énergie, ainsi qu’en soulignant l’importance du stockage et des expérimentations à grande échelle (démonstrateurs).

—————–

Créée en avril 2015, Think Smartgrids  (plateforme partenaire) a pour objectif de développer la filière Réseaux Électriques Intelligents (REI) en France et de la promouvoir en Europe comme à l’international.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Bonjour
    Expliquez moi comment en période anticyclonique et en soirée, le flexgrid par la flexibilité de la demande va permettre aux abonnés de l’Électricité de chauffer leur nourriture et leur chambre à coucher en ayant fermé toutes les centrales au charbon etc…et plusieurs réacteurs nucléaires .
    J’ai une idée pour la chambre, une super doudoune, mais pour chauffer la soupe je crains de devoir retourner au moyen age, mais en générant du CO² bien sur .
    Je ne comprend pas le changement de paradigme : passage de la réponse à la demande à celui d’orienter la demande lorsqu’il y a du vent et du soleil, il sera alors nécessaire de disposer aussi d’une flexibilité sur les horaires du travail .

    Répondre
  • De nouvelles recherches de l’Université technologique de Lappeenranta (LUT), en Finlande, ont démontré qu’un super-réseau européen transfrontalier basé sur un approvisionnement décentralisé en énergies renouvelables est l’option la moins coûteuse pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris tout en éliminant les obstacles importants au fonctionnement d’une Union européenne de l’énergie.

    LUT étudie depuis longtemps l’idée de super-réseaux alimentés à 100 % par des énergies renouvelables et couvrant une grande partie de la planète.

    L’étude a comparé 2 scénarios – l’un simulant 20 régions d’Europe agissant comme des « îles » énergétiques indépendantes et l’autre simulant des interconnexions électriques entre les régions. Les scénarios ont été modélisés jusqu’en 2050 et tenaient compte de la capacité et de l’âge actuels des centrales électriques, ainsi que de l’augmentation prévue de la demande future.

    « Les résultats montrent clairement que la solution la moins coûteuse est basée sur l’approvisionnement domestique et décentralisé avec le commerce transfrontalier, car cela réduit le coût total du système électrique de 69 €/MWh en 2015 à 51 €/MWh en 2050. Un avantage économique substantiel grâce au commerce transfrontalier s’élève à 26 milliards d’euros par an, en ne négociant que 12% de la demande totale d’électricité des utilisateurs finaux en Europe. »

    « Une approche SuperSmart respecte les contributions uniques que différentes régions d’Europe peuvent apporter tout en adhérant à un objectif clairement défini d’émissions de gaz à effet de serre nettes nulles d’ici 2050 » précise Michael Child, chercheur à l’Université LUT et auteur principal de Flexible electricity generation, grid exchange and storage for the transition to a 100% renewable energy system in Europe.

    Le scénario SuperSmart présenté par LUT constitue un compromis entre deux approches de l’Union européenne de l’énergie qui ont été adoptées récemment – une approche de réseau intelligent décentralisé et une approche de super-réseau centralisé et réglementé.

    « Les résultats de notre modélisation et de notre analyse des instruments de politique suggèrent qu’un compromis entre les deux extrêmes, ou une approche SuperSmart, peut être une solution optimale aux deux problèmes. Tant sur le plan technologique qu’en termes de politique énergétique et climatique, l’Europe doit être considérée non seulement d’en haut, mais aussi dans le contexte national et régional. »

    Répondre
  • (suite)

    « Les conditions-cadres que l’Europe doit mettre en place pour que la part des énergies renouvelables puisse augmenter rapidement sont importantes. Chaque pays devrait s’orienter le plus rapidement possible vers un approvisionnement complet en énergies renouvelables », déclare Claudia Kemfert, co-auteure du rapport. « L’étude montre que le passage à un approvisionnement complet par les énergies renouvelables est non seulement possible, mais qu’il renforce également l’économie et génère des innovations et des avantages technologiques.

    L’étude tient également compte d’éléments qui ne sont pas toujours abordés dans d’autres études de modélisation, comme le rôle des prosommateurs qui, selon l’étude, s’ils étaient pris en compte en termes d’impact sur la quantité d’énergie qui circule dans le réseau centralisé, réduiraient de 6 % la capacité nécessaire à l’interconnexion de pointe, réduisant ainsi les coûts. Le stockage de l’énergie peut également être considérablement développé, les batteries fournissant un stockage à court terme et d’autres technologies assurant l’équilibre saisonnier nécessaire.

    La production flexible peut également être soutenue par l’utilisation de la production complémentaire géographique, par exemple en connectant les niveaux élevés de production photovoltaïque solaire dans le sud de l’Europe et de production éolienne dans le nord-ouest de l’Europe au réseau paneuropéen plus vaste, réduisant ainsi la variabilité globale.

    L’Université a déjà publié des résultats qui mettent en évidence le potentiel d’une Russie et d’une Asie centrale à 100 % d’ici 2030 ; d’une Amérique du Sud à 100 % d’ici 2030 ; d’un Iran et d’un Moyen-Orient à 100 % d’ici 2030 ; d’une Inde d’ici 2050 et sa réalisation majeure, un système planétaire à énergie 100% renouvelable. Et en novembre 2017, en marge de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques COP23 à Bonn, en Allemagne, les chercheurs de l’équipe LUT ont montré comment un réseau électrique 100 % renouvelable est plus rentable que le système actuel qui dépend des combustibles fossiles.

    « En tant que scientifiques, nous proposons nos résultats à tous les niveaux, par le biais des médias, des contacts directs, des manifestations à Bruxelles ou dans les capitales européennes et des publications scientifiques, qui seront plus tard à nouveau examinées par des rapports importants tels que celui du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Plus tard, nous pourrions même avoir un impact sur les rapports de l’Agence internationale de l’énergie, qui suit parfois les découvertes scientifiques plusieurs années plus tard. »

    « Il reste cependant beaucoup à faire pour mieux amplifier le travail des scientifiques et des chercheurs afin de noyer l’argent versé dans les campagnes de lobbying contre le changement climatique »… (!!!)

    https://cleantechnica.com/2019/02/26/decentralized-renewable-energy-focused-european-super-grid-is-least-cost-option/

    .

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