PPE 2020 : quelles perspectives pour la filière biogaz ?
Éclairage signé Laure-Aline Baheux et David Musoni, consultants chez Wavestone.
Le biogaz est un gaz renouvelable qui est obtenu à partir d’un procédé naturel : la fermentation de la matière organique en l’absence d’oxygène (anaérobie). La production de biogaz consiste à utiliser ce procédé pour valoriser les déchets organiques issus du milieu agricole (fumier, résidus) ou urbains (boues, déchets alimentaires).
Depuis plusieurs années, la filière du biogaz se développe en France grâce notamment à l’apparition de nouveaux débouchés (injection, biocarburant) et de nouveaux procédés (cogénération, pyrogazéification, gazéification hydrothermale, power-to-gas).
En France, l’un des principaux procédés est la méthanisation, qui utilise des micro-organismes (digestion) pour transformer les déchets organiques en biogaz.
Source : Analyse de la filière biogaz, Wavestone, avril 2021
La méthanisation est le moyen de production de biogaz le plus mature en France, alors que les autres procédés de production sont encore principalement à des stades de développement.
En termes d’usages, l’injection de biométhane dans le réseau a jusqu’à présent été privilégiée par le gouvernement, en raison d’un rendement énergétique supérieur à celui de l’électricité produite en cogénération[i] (94% contre 35%).
Avec 828 installations de biogaz pour la production électrique et 139 installations de biométhane, la croissance de la filière s’est maintenue en 2020. Toutefois, l’évolution récente de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) et la crise liée au COVID-19 pourraient freiner cette trajectoire.
Retour sur les réactions et solutions proposées par les acteurs de la filière.
Où en est la filière biogaz ?
Suite à la Loi de Transition Energétique (LTECV), publiée en août 2015, la PPE de 2016 s’est donnée pour mission de fixer la trajectoire de la France concernant le mix énergétique. Les objectifs à atteindre étaient de 237 à 300 MW de puissance électrique issue de la méthanisation installée à l’horizon 2023. A la fin du premier semestre 2020, elle atteignait 220 MW.
Concernant le biométhane, des mécanismes de soutien ont été introduits progressivement, puis la PPE a défini des objectifs d’injection dans le réseau en faveur de son développement, comme résumé dans la frise chronologique ci-dessous :
Ainsi, la plupart des régions ont connu une forte croissance du nombre d’unités de biométhane ces dernières années ; citons, entre autres, l’Ile-de-France, le Grand-Est, les Hauts-de France, et la Bretagne.
Cela s’explique par la présence d’intrants, la typologie des réseaux de gaz et les politiques territoriales. En effet, la Stratégie Nationale de Mobilisation de la Biomasse (SNMB) et la Feuille de route stratégique Méthanisation (ADEME) sont venus compléter la PPE. Les axes stratégiques nationaux ont ensuite été déclinés à l’échelle régionale – Schéma Régionale Biomasse (SRB),Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE), etc. – et territoriale.
Comment le cadre de la filière a-t-il évolué ces derniers mois ?
En avril 2020, une nouvelle PPE a été adoptée afin d’ajuster la trajectoire de la politique énergétique de la France en fixant de nouveaux objectifs pour les 10 prochaines années.
Elle prévoit, entre autres, de réduire la consommation finale d’énergie (-20% en 2030), en particulier la consommation d’énergies carbonées (-40% en 2030), et d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale à 33% d’ici 2030.
A propos du biogaz, la nouvelle PPE présente une trajectoire de production et d’injection dans le réseau avec des objectifs inférieurs à la PPE de 2016 et à la LTECV publiée en 2015.
En effet, la nouvelle PPE souhaite porter la part du gaz renouvelable dans la consommation totale de gaz en France à 7% d’ici 2030, alors que la LTECV prévoyait en 2015 un objectif cible de 10% à ce même horizon. De plus, les objectifs d’injection et de production de biométhane dans les réseaux ont été revus à la baisse :
Les objectifs de la PPE 2020 relatifs à l’injection de biométhane :
Sources : Observatoire de surveillance[ii]
L’enjeu de réduction des coûts de production
Actuellement, les producteurs souhaitant injecter du biométhane dans le réseau de distribution sont tous éligibles à une obligation d’achat dont le prix est fixé à l’avance et d’environ 100€/MWh. Cela permet de couvrir les coûts liés à la production du biométhane qui sont environ 4 fois supérieurs à ceux de la production de gaz naturel (environ 23€/MWh).
La nouvelle PPE de 2020 prévoit une réduction des tarifs d’achat de biométhane et la mise en place d’un système d’appel d’offres afin d’obliger les producteurs de biométhane à réduire leurs coûts de production [iii] .
L’objectif visé est de réduire le coût de production du biométhane à une moyenne de 75€/MWh PCS en 2023 et à 60€/MWh en 2030 ; une cible ambitieuse qui suppose d’actionner certains leviers, comme l’amélioration de la qualité des intrants afin d’optimiser le rendement des unités de méthanisation, la standardisation des installations pour réduire les coûts de production ou encore, l’optimisation des unités de production de biogaz.
La réduction des coûts de production implique de revoir à la baisse le développement de la filière biogaz, car la maitrise financière exigée va se répercuter sur le développement des projets et in fine ralentir la croissance du secteur. C’est dans cette logique que la nouvelle PPE présente des objectifs de production et d’injection de biogaz inférieurs à ceux des précédents textes politiques et réglementaires.
Comment les acteurs de la filière réagissent-ils aux évolutions de la PPE ?
Les principaux acteurs de la filière biogaz (fédérations, associations, distributeurs) ont déploré cette baisse des objectifs prévus dans la PPE de 2020. Ces objectifs, moins ambitieux que ceux issus des précédents textes législatifs (PPE 2016 et LTECV 2015) ont suscité la crainte d’un coup d’arrêt au développement de la filière biogaz. S’il est difficile de mesurer l’impact de cette baisse, il est clair que la croissance de projets d’installation de méthaniseurs risque de diminuer et de freiner le développement global de la filière.
Par ailleurs, de nombreux acteurs du biogaz, tels que le syndicat agricole FNSEA ou l’association France Gaz Renouvelable, ont émis des réserves sur le conditionnement des objectifs de production de biométhane à la baisse des coûts de production, qu’ils ont jugés inatteignables dans le temps imparti.
Selon le cluster Biogaz Vallée, le développement de la filière biogaz devrait reposer sur une baisse progressive et moins radicale des tarifs d’achat et des coûts de production.
Cette baisse des coûts peut s’opérer en augmentant le volume de production (nombre et taille des unités) ce qui permettra des économies d’échelle. Ainsi, pour les acteurs du biogaz, il est important d’inscrire le développement de la filière sur un temps long, et d’y inscrire des objectifs mieux corrélés à la réalité du terrain.
En réponse à la nouvelle PPE de 2020, l’association environnementale ATEE, qui rassemble les principaux acteurs français du biogaz via le Club Biogaz, a publié une série de propositions visant à poursuivre le développement des filières de production de gaz renouvelables (méthanisation, pyrogazéification et Power-to-gas).
Parmi ces propositions, on retrouve le souhait d’accroître l’injection de biométhane dans le réseau en augmentant le volume de production (avec 3000 méthaniseurs d’ici 2030), de faciliter le financement de projets de méthanisation, et d’organiser un écosystème d’innovation autour des gaz verts.
Cela nécessitera du temps, des moyens financiers et un soutien public pour développer une production nationale de biométhane et ainsi atteindre l’objectif initial de 10% de gaz renouvelables dans la consommation finale.
Un avenir prometteur
Comme la plupart des secteurs industriels, la production de biogaz a été impactée par l’épidémie de COVID-19. Dans ce contexte, des retards sont attendus dans le déploiement de nouveaux projets de méthanisation, ce qui est synonyme d’un ralentissement de la croissance. Malgré cela, l’avenir de la filière biométhane en France reste prometteur.
Au cours des dernières années le nombre de projets de méthanisation s’est considérablement accrue sur l’ensemble des territoires. À la fin septembre 2020, on comptait près de 1150 projets en attente, totalisant une capacité de production proche des 26 TWh/an, soit 8 fois la capacité actuelle.
Le développement de nouveaux projets de méthanisation est porté par les territoires qui se saisissent de cette technologie pour répondre aux enjeux locaux de gestion des déchets, de lutte contre le changement climatique et de création d’emplois.
À l’image du collectif Prometha (Île-de-France) Métha’Synergie (Région Sud), ou Méthalantique (Pays de la Loire), les régions s’organisent pour renforcer les alliances locales et coordonner le développement de la filière.
De plus, des dispositifs d’appel à projets tel que l’AAP mis en place par l’ADEME, permettent de soutenir de nombreux projets de méthanisation et l’innovation technologique de la filière.
Cependant, les coûts élevés de production constituent toujours un frein au développement du secteur. Si la filière est consciente de l’enjeu de réduction des coûts de production elle est en revanche préoccupée par les solutions proposées par la PPE.
Selon les acteurs, le dispositif actuel doit être accompagné d’un mécanisme de financement extra-budgétaire (obligation de production ou d’achat de biométhane) et d’une visibilité sur le long terme afin de conforter la mobilisation des financeurs, et assurer le développement de nouveaux projets.
[i] Cogénération : Le principe de la cogénération consiste à produire de l’énergie mécanique (convertie en électricité) et de la chaleur en même temps et dans une même installation et à partir d’une même source d’énergie (co = ensemble ; génération = production).
[ii] https://www.energylab.sia-partners.com/observatoire-biomethane-2020
[iii] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20200422%20Programmation%20pluriannuelle%20de%20l%27e%CC%81nergie.pdf p.105
[iv] https://www.linfodurable.fr/environnement/le-biogaz-en-plein-essor-la-filiere-appelle-letat-maintenir-son-soutien-24911
COMMENTAIRES
Le biogaz est une des clefs de la solution du 100% électrique renouvelable.
Le foisonnement des renouvelables variables (RV) laissera toujours une fenêtre d’insuffisance de production électrique qui devra être compensée par du renouvelable pilotable, avec en premier lieu l’hydraulique (qui est d’ailleurs indispensable au nucléaire pour les mêmes raisons), mais il ne suffira pas et il faudra ajouter d’autres ressources pilotables renouvelables. Parmi elles le biogaz détiendra la seconde place après l’hydraulique car il ne dépend que des investissements que nous lui consentiront d’obtenir une ressource à la hauteur du besoin une fois incluent les énergies marines que sont marrées, courants côtiers, et houles.
Nous devons donner toutes ses chances au biogaz en attendant le niveau de rentabilité suffisant du stockage des excédents de l’éolien qui pourra le remplacer.
J’ai bien lu l’article . J’en isole 2 phrases qui provoquent ma colère et qui démontre que les avis sut telle ou telle filière ne correspondent pas à la réalité:
« Depuis plusieurs années, la filière du biogaz se développe en France grâce notamment à l’apparition de nouveaux débouchés (injection, biocarburant) et de nouveaux procédés (cogénération, pyrogazéification, gazéification hydrothermale, power-to-gas). »
En 1973 , en qualité de jeune ingénieur, j’intégrais la société française Moteurs DUVANT située à Valenciennes pour y travailler au développement des moteurs diesel DUVANT à l’usage des combustibles de remplacement exigés par une crise pétrolière tres sévère.Puis ceci largement exploré, nous avons décidé de développer nos propres gazéïficateurs (qui s’appelaient gazogènes à l’époque mais le terme faisant un peu ringard, il convient aujourd’ui de parler de pyro-gazéïficateurs, c’est plus hightech, mais c’est la même chose. Notre première installation commerciale a été réalisée à Papeete en 1976 pour alimenter un groupe de 240 kWe à moteur 4 VJGS 750 trs/mn qhi doit être encore opérationnel aujourd’hui. Combustible utilisé : coques de noix de coco. Cette première affaire a été suivie de 5 autres et c’est donc plus de 10 MWe de centrales de ce type que nous avions réalisé en 1985 avec des gazéïfieurs reprenant le principe DELACOTTE modernisé, fin de la crise pétrolière, suivie peu de temps après par la fusion avec Moteurs CREPELLE de Lille, le rachat par SACM de l’ensemble, lui même racheté ensuite par WARTSILA et fin de la belle aventure.En 1985 le niveau de mise au point nous permettait d’atteindre sur les moteurs DUVANT un rendement électrique de 38% avec une injection pilote de fuel liquide limitée à 8%. Impossible de faire mieux aujourd’hui. avec des moteurs très modernes. Voilà pour le passé, mais il fut assez glorieux et a fait rayonner la techno française dans le monde entier. Notons au passage qu’on ne parlait de méthanisation à l’époque que dans le cadre de quelques stations d’épuration en France.
Revenons à l’article qui a suscité ma colère. Il dit ensuite ceci : « La méthanisation est le moyen de production de biogaz le plus mature en France, alors que les autres procédés de production sont encore principalement à des stades de développement. »
Revenons à 1983. Nous accueillons en cette année un nouveau type de gazéïfieur pour en faire l’essai en grandeur réelle sur un groupe électrogéne DUVANT de 500 kWe. Ce gazéïfieur a déja donné satisfaction en alimentation de 2 autres moteurs français produits à l’époque par Chantiers de l’Atlantique et SACM. Les essais sur moteur DUVANT s’avèrent si remarquables que nous imaginons remplacer notre propre gazogène par ce nouvel appareil appartenant à un GIE composé du CNEEMA, de ELF et Creusot-Loire, excusez du peu. L’inventeur de ce procédé en rupture technologique est Jean Lucas, ex directeur technique du CNEEMA, aujourd’hui conseiller scientifique de EDDA-ENERGIE qui a repris le développement en 2008, avec en partie les mêmes acteurs que ceux de 1985.
Donc, lorsque l’on parle de manque de maturité de la pyro-gazéïfication, nous nous disons qu’il y a là un acte manqué assez exceptionnel. Il y a de bonnes raisons à ça, mais pas de polémique.
Enfin un dernier extrait de l’article : « En termes d’usages, l’injection de biométhane dans le réseau a jusqu’à présent été privilégiée par le gouvernement, en raison d’un rendement énergétique supérieur à celui de l’électricité produite en cogénération[i] (94% contre 35%) »
Cette comparaison supposée être de rendement énergétique comparé méthanisation – pyrogazéïfication (tres théorique puisque les intrants de l’une et l’autre filière ne sont pas les mêmes, donc la comparaison est un peu hors sol, mais allons-y jouons le jeu). Si le rendement énergétique, c’est à dire le PCI potentiel du biogaz potentiel produit pour l’un comparé à l’équivalent d’un procédé de gazéïfication pour l’autre s’établit à 94% (j’en doute énormément) pour le biogaz de méthanisation , c’est 92% (valeur optimum dans les meilleures conditions mais vérifiées) pour l’autre. 94-92 voilà qui est mieux équilibré. Après il faut comparer les investissements et sur ce critère la pyrogazéÏfication prend nettement l’avantage.et comme les rédacteurs de la PPE semble souhaiter des économies, normal, la pyro-gazéïfication devrait être encouragée et ce au moins à la hauteur du biogaz de méthanisation y compris pour la production via la cogénération qui « bénéficient »d’aides bien inférieures à celles de l’injection réseau. Pourquoi ce déséquilibre choquant. Le jour où la pyro-gazéïfication bénéficiera des mêmes aides et au même niveau que la méthanisation, on pourra voir de façon claire le développement comparé des deux, mais encore une fois, mes propos ne constituent pas une attaque contre la méthanisation puisque les intrants ne sont pas les mêmes et les 2 types d’installation peuvent éventuellement cohabiter sur le même site sans problème. Mes propos ne constituent pas non plus une attaque contre les rédacteurs qui semblent avoir pris leurs références sur la PPE elle-même, ça par contre c’est très surprenant et c’est très dommageable pour l’outsider.
Un dernier mot : la méthanisation et la pyro-gazéïfication sont elles des voies comparables s’agissant de l’intérêt national. A cette question, ma réponse est oui sans hésiter.
Sur tout le territoire français, l’implantation de ces unités de méthanisation engendrent des problèmes tels que le Sénat a jugé nécessaire de mettre en place le 3 mars dernier une mission d’information impliquant 23 sénateurs sur « La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts ».
Entre le 3 mars et le 6 avril, cette mission a auditionné successivement :
• les professionnels des énergies renouvelables,
• les représentants des industries gazières
• les organisations syndicales agricoles,
• les professionnels de la recherche agronomique.
Ces auditions qui ont chacune duré 2 heures mettent en évidence qu’un grand nombre de questions posées par ces unités et les inquiétudes qui en découlent restent sans réponses à ce jour.
Bonjour Monsieur
En effet nous attendons nous aussi que Mr Bourillet signe le nouvel arrêté modifiant celui du 10/11/2009 pour que de nouvelles règles soient applicables au 01/07/2021 comme le prévoit le texte car actuellement un projet est en instruction à Cosne sur Loire dans la Nièvre juste à côté d’un centre équestre privé et des maisons C’est honteux que des agriculteurs n’habitant même pas à proximité puissent imposer des nuisances aux riverains et que les élus cautionnent l’implantation d’une telle structure