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Le jumeau numérique permet « une maîtrise de la consommation énergétique des bâtiments »

Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Rani El Meouche, enseignant-chercheur en topographie et géomatique à l’ESTP, pour évoquer avec lui l’application de la technologie du jumeau numérique à la gestion énergétique des bâtiments et de la construction.

Le Monde de l’Énergie —Pouvez-vous nous expliquer la technologie des « jumeaux numériques », son principe et ses méthodes ?

Rani El Meouche —Tout d’abord, il est à noter qu’actuellement plusieurs définitions sont données au terme « jumeau numérique » (JN). Je vais m’appuyer sur les définitions données dans le cadre de la chaire Jumeaux numériques par l’ESTP et ses partenaires. Pour nous, le JN est un nouveau concept, qui s’appuie sur des méthodes et des technologies déjà anciennes (stockage des données, modélisation, modèles 3D/4D, SIG, BIM, IoT, IA, etc).

Le JN est une représentation numérique virtuelle d’un ouvrage réel (un système, un bâtiment, une ville, un processus) en exploitation, en réhabilitation ou à construire.

Son principe est de permettre une représentation numérique vivante de l’ouvrage « tel qu’il fonctionne », et non plus simplement « tel que construit ». Il rend disponible toutes les informations relatives à la description, l’état, l’usage, les travaux, les opérations ainsi que les ressources et le financement de l’ouvrage en question. Il couvre la totalité du cycle de vie du système, dans le passé, le présent, et le futur.

Il offre notamment un ensemble de services associés, de fonctions d’analyse, de simulation, de supports de décision. Il aide à la réalisation des tests virtuels qui servent à gagner en efficacité et en rapidité dans la prise des décisions pour le monde réel. Cela qui permet, en outre, d’aboutir à une conception optimisée de l’objet en fonction des objectifs fixés, que ce soit en termes de durabilité, de performance, de sécurité ou de rentabilité.

Il existe aussi des jumeaux numériques hybrides où l’on associe deux types de modèles : le premier basé sur la physique, connue et calibrée continuellement en temps réel par assimilation des données collectées, le second construit à la volée à partir des données collectées, et servant à expliquer la déviation entre les prédictions du modèle physique calibré et la réalité observée.

Le Monde de l’Énergie —Comment s’applique-t-elle au secteur énergétique, et en particulier à la gestion énergétique des bâtiments et de la construction ?

Rani El Meouche —Le jumeau numérique dispose, entre autres, du modèle énergétique d’un bâtiment, basé sur les informations en temps réel ainsi que sur l’IA. Il nous permet d’obtenir en temps réel les informations sur la consommation énergétique d’un bâtiment. Avec ses fonctions d’analyse et de simulation, il offre la possibilité d’effectuer une gestion énergétique prédictive et intelligente en continu, permettant ainsi de réguler en temps réel la quantité d’énergie requise pour maintenir les conditions climatiques et le niveau de confort désirés.

Grâce au JN, demain les erreurs d’installation et les dysfonctionnements seront détectés, facilitant ainsi l’identification des améliorations continues. Les décisions seront prises en se basant sur les données historiques ainsi que sur les données en temps réel provenant des différents capteurs, et en prenant en compte le comportement des occupants, les tarifs énergétiques et les prévisions météorologiques.

En utilisant les modèles numériques des infrastructures énergétiques existantes, et en exploitant la puissance des simulations numériques, l’utilisation des JN améliore l’efficacité des Smart grids (réseau intelligent d’électricité ou de gaz naturel, combinant les technologies du numérique et de l’électricité) et des systèmes énergétiques distribués. Cela nous permet de tester les effets de divers changements sur le système avant de les mettre en œuvre, d’identifier et de résoudre de manière proactive les problèmes potentiels avant qu’ils ne deviennent concrets.

Cette approche permet une planification plus précise et garantit une utilisation optimale des ressources énergétiques.

Le Monde de l’Énergie —En quoi est-elle un atout dans l’optique de la décarbonation des bâtiments et dans la bascule vers une construction durable ?

Rani El Meouche —Comme vous le savez, le secteur du bâtiment représente le premier consommateur d’énergie en France et est également le deuxième plus grand émetteur de gaz à effet de serre, contribuant ainsi à hauteur de 19% aux émissions nationales.

La décarbonation est donc un enjeu crucial pour le secteur du bâtiment, avec un objectif de réduire les émissions carbone sur l’ensemble du cycle de vie. Ce défi implique la mise en place de mesures visant à réduire la consommation d’énergie, tout en limitant l’exploitation des ressources grâce à l’utilisation de matériaux plus durables, dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le jumeau numérique, réplique virtuelle du bâtiment, est élaboré à partir de modèles de prédiction en utilisant les techniques d’intelligence artificielle telles que l’apprentissage automatique (machine learning), ou encore l’apprentissage profond (deep learning), en intégrant des fonctions de simulations numériques. Il aide à l’optimisation des ressources, des flux et des processus dans le cadre de cycles de vie complets, qu’il s’agisse d’écosystèmes plus ou moins complexes comprenant des ouvrages, des infrastructures, des procédés industriels et/ou des bâtiments. Cette optimisation a un effet positif sur l’empreinte climatique en réduisant son impact.

Par exemple, outre le fait de permettre une maîtrise de la consommation énergétique tout au long de la construction et de l’exploitation des bâtiments, et grâce à la simulation, le JN va permettre, durant la phase de conception d’un ouvrage, d’optimiser les facteurs visant à réduire l’impact carbone via l’analyse du cycle de vie, favoriser le choix de matériaux réutilisables et de systèmes démontables et réversibles.

À toutes les phases, qu’il s’agisse de la conception, du prototypage, du chantier ou de l’exploitation, le JN contribue à promouvoir une économie circulaire. Il le fait en anticipant l’obsolescence des matériaux et des équipements, en améliorant les rénovations partielles, et en préparant les étapes de déconstruction, de démantèlement, de mise au rebut ou de réutilisation.

Le Monde de l’Énergie —Quelles applications concrètes de cette technologie sont déjà développées en France et dans le monde ? Où en est la recherche, et quels sont les projets en cours de déploiement ?

Rani El Meouche —Quelques applications concrètes :

Dans le secteur automobile, le JN d’un véhicule permet de représenter numériquement l’ensemble de ses caractéristiques techniques ainsi que tous les paramètres liés à son fonctionnement (trajets, consommation, problèmes techniques, état du véhicule, etc.). Avec les données et les fonctionnalités des JN, cela contribue à améliorer les produits et rendre les processus plus efficaces.

Dans le secteur de la santé, la modélisation numériques des organes du corps humain contribue à simplifier les essais cliniques, à assister les chirurgiens, ou à tester de nouvelles molécules. L’objectif est de pouvoir simuler n’importe quel acte médical, qu’il s’agisses d’un traitement ou d’une intervention chirurgicale.

Dans le secteur aérospatial, la NASA utilise des JN pour développer des méthodes afin détecter les pannes éventuelles des systèmes et de les réparer en leur absence. Elle les utilise actuellement pour analyser les données et surveiller d’éventuels problèmes qui peuvent survenir lors d’un lancement. De plus, dans l’industrie aérospatiale, les JN sont mis à contribution pour tester les composants des avions.

Dans le secteur de l’énergie, comme déjà discuté, le JN peut contribuer à économiser de l’énergie et donc à réduire les coûts.

Dans la recherche, il existe beaucoup de projets et d’équipes qui travaillent sur les JN, à l’échelle nationale et internationale. Parmi ces projets, la Chaire « Jumeaux numériques de la construction et des infrastructures dans leur environnement », créée par l’ESTP en 2021, en partenariat avec Egis, Bouygues Construction, Schneider Electric, le BRGM, SNCF Réseau et ENSAM (Arts et Métiers). Cette collaboration vise à contribuer à la transformation du secteur de la construction en répondant à 4 enjeux majeurs du moment : piloter et suivre la décarbonation de la filière et de son environnement, assurer la meilleure performance des ouvrages en prenant en compte l’attente des usagers, assurer la durabilité de l’objet construit, et transformer durablement la ville.

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