Les interconnexions, solution face aux risques de délestage en France ?
RTE craint un risque de délestage cet hiver, particulièrement en février 2021 si une période de grand froid (- 7°Celsius voire davantage) s’abattait sur l’Europe, en raison d’un manque de disponibilité des centrales nucléaires et d’une absence de production d’électricité éolienne et solaire.
Analyse et solutions proposées par Jacques Percebois, Professeur émérite à l’Université de Montpellier, et directeur du Centre de recherche en économie et droit de l’énergie.
Les craintes
C’est généralement en février que l’on observe les températures les plus basses en France, comme ce fut le cas en 2012, dernier grand pic de puissance appelée.
Dans un contexte de froid intense le potentiel éolien est limité et la demande d’électricité liée au chauffage s’envole. La crise sanitaire a en effet conduit à reporter certaines opérations de maintenance du parc nucléaire, mais ce n’est pas la seule raison.
La mise à l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim (1800 MWe) risque de se faire sentir. Face à cela, plusieurs solutions existent y compris le secours des interconnexions qui ne doit pas être ignoré.
Les solutions
EDF a déjà économisé et repoussé certains rechargements en combustible des réacteurs en activité, afin que le rechargement ne tombe pas dans cette période cruciale.
On peut bien sûr compter sur l’effacement contractuel de certains consommateurs, y compris des particuliers (via des applications numériques comme Ecowatt) et sur la disponibilité de l’hydraulique de barrage (les stations de pompage en particulier).
L’appel exceptionnel aux centrales thermiques fonctionnant au gaz et au charbon peut également permettre de passer la pointe. En cas de difficultés on peut toujours réduire un peu la tension du réseau voire recourir à des délestages ciblés.
Les interconnexions
On ne doit pas non plus sous-estimer le rôle que pourraient jouer les interconnexions transnationales. Les interconnexions sont à la fois un vecteur de secours mutuel et un vecteur de concurrence.
Le développement d’un marché unique de l’électricité en Europe s’accompagne d’un accroissement du taux d’interconnexion des réseaux nationaux qui devrait passer de 12 à 15% de la puissance installée en moyenne dans chaque pays européen d’ici 2025. Certains pays sont déjà au-delà de cet objectif, d’autres ont encore à progresser.
Le développement de la part des renouvelables conduit à accroître le recours aux interconnexions transnationales, dans certains cas pour exporter un excédent d’électricité fatale (cas de l’Allemagne par exemple), dans d’autres cas pour importer de l’électricité lorsque ces renouvelables sont défaillantes (cas du Danemark par exemple).
Ces interconnexions ont également permis de faire converger les prix de l’électricité sur les marchés de gros, même si certaines disparités existent encore du fait des îlots électriques que sont encore la Grande Bretagne, la Péninsule Ibérique ou l’Italie.
On voit d’ailleurs se développer des projets de lignes à haute tension privées (souvent en courant continu lorsque les interconnexions sont sous-marines) pour relier par exemple l’Angleterre ou l’Irlande au continent européen.
Le projet Aquind qui prévoit de relier la France et la Grande-Bretagne par deux câbles enterrés sur 240 kilomètres utilisera le courant continu (avec un poste de conversion en courant alternatif à chaque extrémité).
D’une capacité de 2000 MW, ce projet permettra des échanges dans les deux sens. Son coût est estimé à 1,4 milliard d’euros financé sur fonds privés.
On pourra ainsi demain mieux profiter du foisonnement des puissances entre pays car, même en période de grand froid, on peut observer de légers décalages dans la survenance des pics de consommation électrique entre l’ouest et l’est de l’Europe. De faibles décalages temporels entre pics de consommation sur la plaque de cuivre européenne suffisent parfois à éviter un black-out.
Rappelons qu’il existe trois types de régimes de vent en Europe (atlantique, continental et méditerranéen) et que des déphasages sont donc possibles. Ces décalages temporels, même de faible amplitude, permettent de profiter des complémentarités entre mix électriques et peuvent donc contribuer à éviter des délestages même si cela ne règle pas tout.
A terme, le stockage de l’électricité sous ses différentes formes (batteries, hydrogène) sera un élément supplémentaire de solution.
COMMENTAIRES
N’oublions pas que dès 2022 il n’y aura plus de centrales au charbon pour fournir de l’electricité aux heures de pointe en hiver.
Tout comme Fessenheim, ces fermetures vont encore accroître la fragilité du réseau par manque d’anticipation en energie de substitution . Par ailleurs, la population française est en croissance et des consommateurs potentiels toujours plus nombreux.
Pendant ce temps l’Allemagne avance ses pions , ouvre des centrales au charbon flambant neuves et va faire aboutir prochainement le gazoduc Nord stream2 depuis la Russie que nous serons quasiment condamnés à utiliser faute de souveraineté énergétique.
N’oublions pas non plus les cogénérations qui vont progressivement s’arrêter et qui dans un tel contexte de non renouvellement vont faire un gros trou dans la raquette. Si j’étais complotiste, mais je ne le suis pas du tout, je pourrais dire que le COVID est arrivé fort opportunément.
Jacques PERCEBOIS me semble avoir une vision exagérément optimiste de la question de notre approvisionnement électrique, et de toutes manières à échéance immédiate : si l’ on intègre une vision à moyen et long terme, les plans de fermetures de moyens pilotables en UE démontrent que l’ on ira fatalement dans le mur, ou dans une politique de restriction autoritaire des consommations électriques. Ces éventualités imposent au moins au plus vite des débats nationaux sur la question, puis au niveau communautaire, en jouant cartes sur table !
J Percebois aurait dû dire
A terme, le stockage de l’électricité sous ses différentes formes (batteries, hydrogène) » pourrait, peut être », être un élément supplémentaire de solution.
les batteries notamment étant le maillon faible, très dévastateur au niveau planète pour une efficacité rédhibitoire. Quant au rendement tout compris du vecteur hydrogène, il est bien maigre le chien.
à ceux qui pensent aux batteries et à l’hydrogène, je vous propose de faire quelques calculs d’ordres de grandeurs.