Quels sont les facteurs d’influences clés associés au développement de la mobilité hydrogène ?

Par Romain Dominique et Antoine Trochon, consultants énergie chez Wavestone et contributeurs du blog EnergyStream

L’hydrogène est un levier en regard des enjeux de décarbonation du secteur industriel. Cependant, l’Industrie n’est pas le seul secteur à être fortement émetteur de carbone. Les transports représentaient par exemple, en 2019, 31% des émissions de GES (Gaz à effet de serre, +9% par rapport à 1990) en France.

Plus globalement, le verdissement des solutions de mobilités (en particulier urbaines & routières) est aujourd’hui un axe prioritaire des stratégies européennes de décarbonation.

Quels sont les facteurs d’influences clés associés au développement de la mobilité hydrogène ?

Dans ce contexte, l’hydrogène apparait une nouvelle fois comme un vecteur énergétique en mesure de réduire les émissions carbone liées à la mobilité, à travers divers cas d’usages : urbains (bus, flottes captives), routiers (camions, autocars longue distance), ferroviaires (trains régionaux) et maritimes (transports fluviaux, etc.).

De nombreuses initiatives et écosystèmes se créent autour de l’hydrogène en France pour accélérer le passage à l’échelle des projets associés à la mobilité.

Néanmoins, de nombreux facteurs d’influence subsistent et jouent un rôle clé dans le développement de la filière. En s’appuyant sur le PESTEL ci-dessous, nous vous proposons une revue de ces facteurs d’influence :

Les facteurs d’influences présentés dans le PESTEL peuvent être répartis en deux catégories : les facteurs clés qui permettront l’émergence de la filière et les facteurs transverses qui seront considérés comme des facilitateurs.

Politique

En 2020, l’Etat français a présenté sa stratégie pour “le développement de l’hydrogène décarboné” (détaillée dans l’un de nos précédents articles) dans le but d’étendre les initiatives à un niveau national et accélérer la création d’une filière française. Comme de nombreux pays européens, la France donne désormais un cadre à la filière hydrogène avec des axes stratégiques ambitieux, notamment celui d’accélérer le déploiement de la mobilité hydrogène (en particulier la mobilité dite « lourde »).

Ainsi, 27% des 3,4 milliards d’euros prévus d’ici 2023, seront dédiés au développement technologique et économique de la mobilité hydrogène.

Ces dernières années, les régions ont amorcé leurs stratégies en matière de développement de la filière hydrogène, à travers notamment la mise en place d’écosystèmes territoriaux.

La Région Auvergne-Rhône-Alpes a par exemple lancé son projet Zero Emission Valley en 2017 avec pour objectif de promouvoir le potentiel de décarbonation de l’hydrogène pour la mobilité (objectif d’implémenter 20 stations de recharge et de déployer une flotte de 1000 véhicules).

Ce projet matérialise parfaitement la notion de création d’écosystèmes car il mobilise diverses sources de financements d’acteurs positionnés sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène.

La mise en place d’une politique commune française autour de l’hydrogène est donc primordiale pour garantir une cohérence dans les initiatives mais également pour assurer la déclinaison opérationnelle de la stratégie au sein des différentes régions.

Technologique

Maillon essentiel de la chaîne de valeur, la technologie de l’électrolyse est aujourd’hui clé pour confirmer le potentiel de l’hydrogène renouvelable.

D’un point de vue usage, la pile à combustible permet de créer de l’électricité grâce à l’hydrogène stocké, elle peut être utilisée sur la plupart des moyens de transports.

De nombreux projets travaillent actuellement à améliorer les composants nécessaires aux multiples cas d’usages de la mobilité hydrogène.

A titre d’exemple, Energy Observer, ce bateau de course reconverti en laboratoire flottant, traverse les océans pour tester et démontrer les possibilités offertes par un usage de l’hydrogène en autonomie.

D’autre part, la région Bourgogne-Franche-Comté a annoncé le lancement de son écosystème hydrogène marqué par une commande de trains hydrogène pour son réseau TER.

Le ferroviaire représente aujourd’hui une part importante des moyens de transports utilisés par les Français, notamment pour les trajets interrégionaux.

Avec le Coradia iLint, train déjà en circulation en Allemagne et ayant récemment fait ses premiers essais en France, l’hydrogène se fait une place dans le monde du transport ferroviaire. De la même manière, le projet Mission H24 vise à introduire des voitures hydrogène aux 24h du Mans pour pousser les constructeurs à développer des technologies utilisant l’hydrogène.

Afin d’accompagner les acteurs dans le développement des technologies hydrogène (production et usages, en particulier pour la mobilité) et de faciliter l’expérimentation, la stratégie 2020 s’appuie sur un Appel à Projets « Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène », bénéficiant d’une dotation de 350 millions d’euros jusqu’à 2030.

Le développement de composants performants et fiables à grande échelle est essentiel pour permettre de faciliter les usages de l’hydrogène pour tous les moyens de transports. C’est en garantissant une fabrication industrielle et une exploitation des véhicules hydrogène compétitive que les constructeurs pourront être attractifs auprès de futurs utilisateurs.

Économique

La pérennisation de la filière et de ses usages exige que les acteurs qui la composent trouvent un modèle économique performant.

Les investissements lourds à réaliser peuvent être soutenus par des mécanismes de financement comme les grands programmes européens (LIFE, Innovation Fund, Connecting Europe Facilities, etc.), les Appels à Projets (AAP) territoriaux et nationaux ou encore via le biais de fonds d’investissements et autres structures publiques/privées. Mais dès cette phase de développement des outils industriels, chacun doit trouver sa place et s’adapter aux besoins de sa chaine de valeur.

Le projet HyAMMED est construit sur cette conviction. Le projet a pour but de créer une station de rechargement de camions. Il est conduit par Air Liquide ainsi que le constructeur Iveco, le transporteur Jacky Perrenot, et les sociétés Carrefour et Coca-Cola.

Comme tout marché qui se crée, le développement de la filière hydrogène est intimement lié au potentiel d’investissement et au cadre économique qui lui sont associés.

Il est donc essentiel de bénéficier des bons mécanismes de financement pour mener les projets à l’industrialisation mais également pour optimiser les technologies et infrastructures afin d’assurer une rentabilité à long terme.

Autres facteurs transverses ayant un impact sur la création d’écosystèmes de mobilité hydrogène

Sociologique – Ecologique – Légal

Le déploiement de solutions de mobilité hydrogène nécessite un contexte porteur. Les exigences des utilisateurs finaux, la mise en avant du potentiel de décarbonation de l’hydrogène ou encore la création d’un cadre légal sont autant de facteurs transverses qui peuvent favoriser le développement de l’hydrogène dans la mobilité.

L’acceptation sociale reste une nécessité pour entériner le développement des usages associés à l’hydrogène. Il faut donc mettre en place les bons mécanismes pour  rassurer les utilisateurs finaux sur le potentiel de l’hydrogène et la fiabilité des technologies associées.

D’autre part, afin de créer des écosystèmes autour de l’hydrogène, en mobilisant diverses typologies d’acteurs, il est important de convaincre sur le potentiel de décarbonation de l’hydrogène renouvelable.

La majeure partie de la production actuelle d’hydrogène appartient à une filière historique marquée par une forte empreinte carbone liée aux procédés de production et de consommation de l’hydrogène carboné (dit « gris »).

Il est donc important d’acculturer et promouvoir le développement de l’hydrogène renouvelable (dit « vert ») ou bas-carbone (dit « bleu ») pour les applications finales, en particulier la mobilité. La stratégie 2020 de la France prévoit notamment la mise en place de parcours de formation et de montée en compétences dédiés à l’hydrogène (au sein des lycées, universités, etc.).

Enfin, comme c’est aussi le cas pour de nombreux usages dans la mobilité, la filière hydrogène doit bénéficier d’un cadre légal complet et partagé pour assurer son développement.

Tant sur la fabrication que sur l’exploitation de systèmes de mobilité à hydrogène, il est primordial pour les acteurs de partager des normes et une législation commune, en France comme en Europe, qui donnent un cadre et une existence juridique au développement technologique et à la constitution d’un marché sur le plan économique.

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La mobilité hydrogène sera l’un des sujets phares du congrès Horizons Hydrogène

Tout comme les sujets liés à la décarbonation de l’Industrie, le prochain Congrès Horizons Hydrogène (29 et 30 novembre 2021 au Pullman Paris Centre Bercy), dont WAVESTONE est Business Partner (et Le Monde de l’énergie partenaire média), traitera les thématiques autour de la mobilité hydrogène.

Cette session d’échange permettra d’aborder les questions clés concernant le potentiel de décarbonation de l’hydrogène pour la mobilité, face à d’autres alternatives énergétiques, ainsi que la création d’écosystèmes territoriaux permettant d’accélérer le déploiement des technologies.

De plus, l’objectif du Congrès Horizons Hydrogène sera également de mettre en lumière de nombreux projets français, européens et internationaux (notamment des projets de mobilités hydrogène) à travers des sessions dédiées. D’autres espaces du salon seront consacrés à des ateliers de formations (financement, etc.) ou encore à des démonstrations de technologies hydrogène.

commentaires

COMMENTAIRES

  • La messe est dite!
    Avec ce brillant verbiage qui sert d’ exosquelette démonstratif à notre techno-structure pour tenter de convaincre le bon peuple. C’est oublier toutes considérations technologiques présentes pour mettre en œuvre une production économiquement viable de ce fameux gaz paré de toutes les vertus, vertus miraculeuses à l’intersection des ensembles de la prospective écolo mondiale, des rapports de forces entre nous et le voisin d’outre Rhin et de la politique franco-française. Avec toutes les chances d’utiliser massivement un autre gaz… venant de Russie, avec un péage sur le robinet du gazoduc allemand… pour faire marcher l’usine à gaz projetée.
    Nous… on a une industrie nucléaire mature et on va lui demander de produire du gaz!, puisque cette production hydrogène n’est guère possible de façon industriellement rentable avec le solaire et l’éolien fussent -ils produits en mer sur plans d’eau ou dans les déserts.
    On aime se faire mal à coups de subventions astronomiques pour certainement abandonner à terme ce bébé bodybulbé en rase campagne, tout en se fâchant avec un voisin qui pèse sur des choix non stratégique pour nous, les Gaulois.

    Répondre
    • « Industrie nucléaire mature »: voir les EPR, et les SMR qui n’existeront pas avant des dizaines d’années … et avec des voitures électriques ! … L’article indique qu’il s’agit de « promouvoir le développement de l’hydrogène renouvelable (dit « vert ») ou bas-carbone (dit « bleu ») pour les applications finales, en particulier la mobilité. » Pour cela, la voiture à hydrogène A MOTEUR THERMIQUE classique , apparait bien plus pertinente que la voiture électrique.C’est pareil pour le chauffage des habitations. L’hydrogène bleu a mauvaise presse car il provient principalement des énergies fossiles, épuisables et surtout mal utilisées en combustion, mais il est rapidement mobilisable , à la différence des autres sources d’énergies, ce qui est capital vue l’urgence climatique

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