Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à César Dugast, pilote du projet Net Zero Initiative chez Carbon 4, pour évoquer les efforts des entreprises pour atteindre la neutralité carbone.

Le Monde de l’Énergie —La Net Zero Initiative (NZI) de Carbon 4 travaille à rendre plus lisible la contribution des entreprises à l’atteinte d’une neutralité carbone mondiale, et à les aider à tenir leurs objectifs, en évitant le greenwashing. Pouvez-vous nous détailler les trois piliers sur lesquels repose cette contribution ?

César Dugast —Le projet NZI est parti du constat qu’il existait une énorme confusion sur la notion de neutralité carbone pour les entreprises. Utiliser la compensation carbone comme un outil pour annuler son empreinte nous a semblé un non-sens total au vu de l’urgence climatique : il nous a donc paru nécessaire de proposer un cadre plus ambitieux. Le but de NZI est de faire comprendre aux entreprises que leur rôle n’est pas d’atteindre elles-mêmes une prétendue « neutralité carbone », mais de contribuer au juste niveau à l’atteinte de l’objectif net zéro à l’échelle planétaire. Pour cela, elles doivent agir sur trois piliers : la réduction de leur empreinte, la décarbonation de la société, et l’augmentation des puits de carbone.

Le Monde de l’Énergie —Comment les entreprises articulent-elles leur effort climatique autour de ces trois piliers ? Cet effort est-il suffisant ?

César Dugast —Aujourd’hui, le référentiel NZI a infusé dans l’ensemble des offres de conseil de Carbone 4. Nous aidons nos clients à piloter leur empreinte, leurs émissions évitées et leurs puits. De plus en plus d’entreprises adoptent ce récit de la contribution au net zéro planétaire, même si la majorité d’entre elles doit encore changer de paradigme.

Le Monde de l’Énergie —Le second pilier manquait selon vous d’une méthodologie robuste pour évaluer les émissions que les produits d’une entreprise permet d’éviter, contrairement au pilier A. Sur quels critères reposent la méthodologie proposée récemment par Carbon 4 ?

César Dugast —Les émissions évitées par les produits et services ont longtemps été l’un des grands vecteurs du greenwashing institutionnel. Pourtant, c’est une information très éclairante, puisqu’elle détermine l’utilité de l’activité de l’entreprise vis-à-vis de la réduction des émissions de la société. Il nous a donc paru utile d’assainir ce concept en proposant un cadre robuste de calcul et de communication, d’abord à travers une publication NZI à l’été 2022 (https://www.carbone4.com/publication-nzi-pilierb), puis à travers un guide conjoint avec le WBCSD en avril dernier (https://www.wbcsd.org/Imperatives/Climate-Action/Resources/Guidance-on-Avoided-Emissions).

Le Monde de l’Énergie —Quels sont les principaux enjeux de ce calcul des émissions évitées, et comment comptez-vous tenter d’ imposer votre méthodologie comme une norme ?

César Dugast —Pour calculer des émissions évitées, il faut se comparer à une situation de référence qui aurait eu lieu en l’absence de la solution : l’enjeu principal est de cadrer au mieux la manière dont ce scénario de référence est calculé. Un autre enjeu est de limiter le greenwashing en s’assurant que la solution en question est compatible avec les scénarios 1,5°C du GIEC et ne permet pas, par exemple, de consolider une infrastructure fossile. Enfin, il est essentiel de cadrer les communications associées aux émissions évitées, et de toujours les accompagner de l’information du pourcentage du chiffre d’affaires que représente la vente de ces produits décarbonates.

Le Monde de l’Énergie —Le pilier C. (les puits de carbone) répond-il lui aussi à une méthodologie robuste, ou reste-t-elle à définir ?

César Dugast —La méthodologie de calcul des puits de carbone est en cours d’élaboration par le GHG Protocol et sera publiée à l’été 2023.