grands plans investissements subventions vertes ont rien impopulaire - Union européenne

Les grands plans d’investissements et de subventions vertes n’ont rien d’impopulaire

Dans un entretien au Monde de l’Énergie, Pierre Jacques, ingénieur et doctorant en économie écologique, auteur de l’article récent UE : les règles budgétaires sont-elles compatibles avec les objectifs du Pacte vert ?, évoque le financement de la politique climatique de l’Union européenne au regard de ses règles budgétaires.

 

Le Monde de l’Énergie —Quels sont les besoins financiers estimés pour tenir les objectifs climatiques fixés par l’Union européenne, en particulier dans le cadre du Pacte Vert ?

Pierre Jacques —Le Pacte Vert a gravé dans la loi l’obligation pour l’Union Européenne d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’étude Road to Net Zero de l’Institut Rousseau est la première à quantifier les besoins en investissement relatifs à cet objectif. La Commission européenne a par la suite publié un document avec un objectif similaire. Les deux travaux diffèrent en termes de méthodologie, de périmètre et de niveau de détail, mais obtiennent des ordres de grandeur similaires: tenir les objectifs climatiques de l’Union européenne requiert d’investir en moyenne 1 500 milliards d’euros chaque année durant toute la durée de la transition. Le rapport de l’Institut Rousseau calcule ces besoins d’investissement selon une approche bottom-up ancrée dans l’économie réelle. Une telle approche permet de décomposer ces investissements en une série de leviers de décarbonation et de mesures de politique publique, détaillés dans le rapport. Cela permet aussi de faire la différence entre les investissements verts déjà existants, les investissements gris actuels devant être redirigés et les investissements supplémentaires requis. Au total, seuls 23% des investissements dans la transition, soit 360 milliards d’euros par an, représentent de l’argent frais (“sur-investissement”) à aller chercher en dehors de la redirection d’investissements déjà existants.

 

Le Monde de l’Énergie —Quelle est la part de l’investissement public dans ces besoins ?

Pierre Jacques —Parmi les 360 milliards de sur-investissement pour la transition, deux tiers correspondent à de l’argent public. En effet, dans certains secteurs, l’intervention financière du secteur public est nécessaire pour dé-risquer l’investissement et attirer les acteurs privés. Dans d’autres, comme l’agriculture ou la rénovation thermique des logements des ménages moins aisés, les acteurs concernés n’ont pas les moyens d’effectuer les investissements de transition. Ils dépendent essentiellement pour ce faire de l’octroi de subventions publiques. Le graphe ci-dessous indique le sur-investissement public vert nécessaire pour les plus grands pays de l’UE, exprimé en pourcentage de leur PIB en 2022:

 

Le Monde de l’Énergie —Les règles budgétaires en vigueur dans l’UE, assouplies pendant la période du Covid-19, vont bientôt être rétablies sur base d’un nouveau cadre qui sera soumis au vote du Parlement européen au mois d’avril. En quoi ces règles vous semblent-elles incompatibles avec ces besoins de financement ?

Pierre Jacques —La nouvelle version des règles budgétaires, en passe d’être adoptée par le Conseil de l’UE et le Parlement, imposera aux Etats de suivre une trajectoire de réduction drastique de leur dette publique. Pour la France, cela représenterait selon une première estimation une réduction des dépenses publiques de 0.5% du PIB pendant 7 ans. C’est exactement l’inverse des 1.8% d’investissements verts supplémentaires présentés à la figure précédente. On sait en effet que les politiques d’austérité conduisent à systématiquement sabrer dans les investissements publics, qui sont plus faciles à raboter que les dépenses sociales. Le gouvernement français ne s’est d’ailleurs pas fait prier, et a déjà donné un premier gage à l’Europe en annonçant en février 10 milliards d’euros de coupe budgétaire, dont 2 milliards dans le budget de transition écologique.

Le Monde de l’Énergie —Pourquoi l’assouplissement de ces règles budgétaires pour soutenir la transition énergétique pourrait s’avérer au final bénéfique pour les finances publiques des États européens ?

Pierre Jacques —Un des nombreux non-sens des règles budgétaires européennes est que celles-ci doivent s’appliquer d’office, quelle que soit la conjoncture économique. Or l’économie européenne est actuellement en train de renouer avec le caractère moribond qui la définit depuis la crise de 2008. Dans ce contexte, c’est d’un stimulus d’investissement dont celle-ci aurait besoin, pas d’une cure d’austérité qui l’enfoncerait davantage encore dans la morosité. Les investissements de transition, en plus de leur potentiel pour redynamiser l’économie, augmenter le taux d’emploi et diminuer les dépenses d’allocations de chômage, sont porteurs de nombreux co-bénéfices. Tout particulièrement, ces investissements dans la décarbonation permettront à terme de se passer des énergies fossiles. En 2022, les subsides aux énergies fossiles des Etats européens se sont élevés à 360 milliards d’euros, ce qui est largement supérieur aux 260 milliards de sur-investissement public annuel requis pour la transition …

Le Monde de l’Énergie —Le point de vue que vous défendez est-il actuellement audible politiquement ? Des partis le défendent-ils dans leur programme aux élections européennes de cette année ?

Pierre Jacques —Tous les partis de la gauche française représentés au Parlement européen ont jusqu’ici voté contre la réforme des règles budgétaires, notamment au motif que celle-ci était contradictoire avec les objectifs du Pacte Vert. Cela ne devrait pas être une surprise: les grands plans d’investissements et de subventions vertes n’ont rien d’impopulaire. A titre d’exemple, le Inflation Reduction Act de Joe Biden aux Etats-Unis n’a pas rencontré grande résistance au sein de la population. On ne peut pas en dire autant des politiques d’austérité … ce n’est pas un hasard si la France a négocié ces derniers mois pour bénéficier de critères de calculs de déficit public plus souples jusqu’en 2027. Ainsi, c’est surtout sur le ou la prochain.e locataire de l’Elysée que pèseront de tout leur poids les contraintes de réduction de la dette publique.

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COMMENTAIRES

  • Quand un graphique détaillant les activité est utilisé il serait bon de commenter de façon claire certains postes car certaines apprences sont pi peuvent être trompeuses. Sur celui-ci il y a un poste transport et un poste industrie qui a priori sont bien cernés. Mais quand d’une part on sait la réticence de l’Allemagne à géner son industrie automobile en aidant l’avancée du VE, et que d’autre part on voit la faiblesse des investissement dans le transport, on peut se demander si l’industrie automobile est bien intégrée dans le poste industrie et non dans celui du transport.

    Répondre
  • Je cite ds le texte
    « Le Pacte Vert a gravé dans la LOI l’obligation pour l’Union Européenne d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’étude Road to Net Zero de l’Institut Rousseau est la première à quantifier les besoins en investissement relatifs à cet objectif »
    « Les ordres de grandeur pour tenir les objectifs climatiques de l’Union européenne requiert d’investir en moyenne 1 500 milliards d’euros chaque année durant toute la durée de la transition ». Le rapport de l’Institut Rousseau calcule ces besoins d’investissement etc
    Ces masses d’argent me donnent le tournis et j’apporte peu de crédit à ces études et à la tenue de ces objectifs intenables gravés ds la loi au niveau neutralité carbone en 2050. l’UE ressemble à la décrépitude de sa présidente ! Gare aux élections européennes qui vont faire tanguer ce bateau ivre.

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