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La question de genre dans le secteur des énergies : un atout pour un développement durable

Associer la question de genre au développement de projets énergétiques ouvre la voie vers un développement durable au-delà d’une réponse aux besoins immédiats, en adéquation avec les objectifs de développement durable (« ODD ») de l’ONU 5 et 7.

Distinct des déterminants biologiques, le genre est défini comme la construction sociale des devoirs, des rôles, privilèges, attributs et identités des hommes et des femmes. Les enjeux liés aux relations de genres sont étroitement liés à l’accès à l’énergie.

L’ODD 5 est de parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles, alors que l’ODD 7 vise à garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable.

Alors que les organisations internationales démultiplient les recommandations, guides, boites à outils pour intégrer la question de genre dans les projets énergétiques, force est de constater que l’exercice ne peut se faire qu’au cas par cas bien en amont de la définition d’un projet énergétique.

L’identification des enjeux

Dans le cadre de l’ODD 5, l’ONU souligne que « Garantir l’égalité d’accès des femmes et des filles à l’éducation, aux soins de santé, à un travail décent et à la représentation dans les processus de prise de décisions politiques et économiques nourrira l’instauration d’économies durables et sera bénéfique aux sociétés et à l’ensemble de l’humanité ».

L’accès à l’énergie est une des clefs essentielles de la réalisation de cet objectif.

Un défi sanitaire et environnemental

Selon un rapport de l’Asian Development Bank, les femmes consacreraient 2 à 20 heures par semaine à collecter du bois de chauffe ou autres sources d’énergie traditionnelles.

A la perte de temps, s’ajoutent les risques d’agression sur le trajet, les conséquences sanitaires de la pollution des foyers par la consumation du bois de chauffe ou du charbon, laquelle émet des émissions de gaz à effet de serre, sans compter la déforestation, facteur des changements climatiques dont souffrent particulièrement les pays en développement.

Le secteur de la santé est lourdement affecté lui aussi par le manque d’accès aux énergies modernes. Les femmes en sont les premières victimes à défaut de machines et matériels dans les hôpitaux.

Relever le défi de la santé des femmes par l’accès à l’énergie s’impose comme un enjeu majeur qui ne tient pas seulement à la qualité de vie mais aux chances de survie.

De l’éducation à l’autonomisation

Alors que deux tiers des 774 millions d’adultes analphabètes dans le monde sont des femmes, le manque d’accès à l’énergie les place dans une situation accrue de vulnérabilité.

Malgré les initiatives des ONG entre autres, les petites filles sont encore trop souvent privées d’éducation scolaire et sont utilisées dans les champs et autres taches productives « réservées » aux femmes.

Facteur supplémentaire d’exclusion et d’isolement, le manque d’accès à l’énergie c’est aussi le manque de moyens de transport pour se rendre à l’école, le défaut d’électricité pour lire à la tombée de la nuit.

Pour les femmes, l’incapacité matérielle de s’informer et l’absence de formation à des métiers plus rémunérateurs, ferme toute perspective d’évolution et d’autonomisation.

A contrario, en Indonésie, l’installation de téléviseurs a permis aux femmes mieux informées et plus ouvertes sur le monde de moins favoriser les garçons en envoyant davantage leurs filles à l’école.

Au-delà des engagements internationaux, comment traduire les intentions louables en actions concrètes quantifiables et mesurables pour les acteurs des projets énergétiques qu’ils soient donneur d’ordre, bailleurs de fonds ou porteur de projet ?

Adopter une politique volontariste et cohérente

L’absence de prise en compte de la place des femmes dans le secteur énergétique en tant que consommatrice, fournisseur ou décisionnaire contraste avec le poids de leurs responsabilités domestiques et leurs activités de production agricole.

Le recours par les politiques à un expert de la question de genre est indispensable dans la mesure où celle-ci varie en fonction de la culture, de la, ou les religions du pays concerné, de ses ressources naturelles, du statut juridique de la femme, de son accès à la propriété ou encore des situations matrimoniales.

Ainsi la question de genre dépasse la seule politique nationale sectorielle de l’énergie. Les ODD 5 et 7 ne sauraient être atteints sans une politique volontariste et cohérente par l’ensemble des ministères, et sa mise en œuvre aussi bien au niveau national qu’à l’échelle locale.

Le cadre législatif et règlementaire doit corroborer les politiques avec la mise en place de moyens humains et financiers pour passer de la parole aux actes.

Commencer par féminiser les rôles et les responsabilités au sein des instances politiques, institutionnelles peut permettre d’amorcer un changement de mentalité et de pérenniser le développement d’un pays.

De l’information à la formation

L’information va de la communication sur les emplois pouvant être occupés par des femmes à la prise de conscience des risques liés à l’utilisation du charbon ou de la biomasse dans les foyers.

Au-delà des campagnes de sensibilisation progressive des femmes comme des hommes, la formation et le recrutement de femmes au sein même des institutions, des services publics tels que les écoles ou les hôpitaux de même que les sociétés nationales d’électricité participent à cette intégration de la question de genre.

A titre d’illustration, l’octroi de bourses d’études aux filles et femmes pour accéder à toutes les fonctions de l’entreprise dans le secteur de l’énergie est un exemple réussi d’intégration de la question de genre.

Prévenir la confusion des genres

En amont de l’élaboration d’un projet énergétique, « l’expert genre » a notamment pour rôle l’analyse de la place des femmes dans la demande et l’offre d’accès et des services énergétiques.

L’intérêt est aussi de comprendre les comportements individuels dans le ménage et de pouvoir différencier les besoins de chacun et l’impact sur la satisfaction de ces besoins.

Concernant la demande, l’expert genre s’appuiera sur les indicateurs tels que :

  • L’accès : Comment les ressources énergétiques pour l’utilisation domestique sont-elles collectées ? Quel est le temps ou la distance consacré(e) par les femmes pour collecter ces ressources au détriment de travail plus rémunérateurs ?
  • Les moyens de financement : quel est le coût de connexion au réseau par rapport aux revenus des foyers dirigées par des femmes ?
  • Les enjeux sanitaires et environnementaux : quel est le taux de maladies respiratoires, de mortalité maternelle et infantile ?
  • L’utilisation des énergies : quel est le niveau de conscience de l’impact des énergies utilisées, quelle maîtrise d’une utilisation sécurisée et optimisée les femmes ont-elles ?
  • La participation des femmes au processus de décision sur l’accès et les services : quelle est la représentation des femmes dans les assemblées locales ?

Relativement à l’offre, l’expert genre s’attachera à analyser :

Les capacités de formation : les femmes ont-elles un (égal) accès aux formations au sein des ministères, agences et sociétés privées ? Existent-ils des politiques de ressources humaines en faveur de l’emploi des femmes ?

A cet égard, l’Ethiopie s’est distinguée par la mise en place de services de garde d’enfant permettant aux femmes de travailler au sein de coopératives.

Les opportunités d’emploi : quels sont les postes susceptibles d’être ouverts aux femmes à la phase construction et la phase d’exploitation d’un projet ?

La représentation dans le management et le pouvoir de participation aux décisions : quel est le nombre d’entreprises créées ou dirigées par les femmes dans le secteur des énergies ?

Quel est le pourcentage des femmes ayant recours à la micro-finance ? Le développement des coopératives de femmes dans le secteur s’inscrit dans cette mouvance.

A titre d’illustration, le programme « Appui à L’Autonomisation Economique des Femmes Rurales du Mali dans le Contexte de l’Insécurité Alimentaire et du Changement Climatique » porté par ONU femmes et la FAO.

Les résultats de l’analyse sont un composant de l’étude de faisabilité d’un projet énergétique et peuvent orienter le choix de la technologie et le modèle économique.

Les « dommages collatéraux » de certains grands projets d’infrastructure ou d’extension du réseau national ont amené l’ensemble des acteurs à changer de paradigme.

La mobilisation foncière pour réaliser les projets d’infrastructure implique des procédures d’expropriation où les femmes de par leur statut sont les premières lésées, l’indemnisation étant versée aux hommes du foyer.

La construction de barrages hydrauliques peut avoir pour impact négatif l’éloignement de l’accès à l’eau que les femmes vont chercher ou sa pollution.

Au Bénin, les poussières émises par la construction d’une route donnant accès à des installations électriques ont endommagées les plantations de coton gérées par les femmes, réduisant plus encore leurs revenus.

L’intégration de la question de genre : un atout pour l’acceptabilité du projet

Lorsqu’un projet d’électrification est envisagé, l’expérience démontre la nécessité d’associer les « actrices » locales au projet pour une meilleure acceptabilité et viabilité du projet.

La concertation avec les associations locales de défense des droits des femmes est souvent une première étape de sensibilisation.

Au Congo Brazzaville, la mise en place d’un nouveau modèle de foyer baptisé « Litouka ya peto » permettant de réduire de 50% l’usage du charbon est le fruit d’une concertation réussie entre l’association congolaise Femmes Energies par le PNUD.

De la phase construction à l’exploitation, les objectifs d’intégration du genre doivent être mesurables et quantifiables.

Ainsi sous l’influence des bailleurs de fonds tels que la Banque Mondiale, l’AFD ou l’UE, les appels d’offres définissent de plus en plus des exigences liées à la question de genre telles que : la règles sécuritaires mises en œuvre pour prévenir toute agression des femmes par les travailleurs détachés sur les chantiers, la formation de femmes à des travaux tels que l’assemblage et l’installation de kits solaires photovoltaïques et panneaux solaires.

Le porteur de projet et invité à soumettre une méthodologie liée au traitement de la question de genre dans le projet dont les résultats seront quantifiables et mesurables. Enfin, la question de genre peut constituer un des critères de pondération dans la sélection des offres.

Outre la définition de quotas d’embauche de femmes à tous les postes de l’entreprise, le porteur de projet peut bénéficier d’incitations fiscales pour le recrutement de femmes.

En phase exploitation, les femmes peuvent se voir confier les rôles tels que relevés de compteurs, le recouvrement des paiements, l’audit de la satisfaction de l’usager ou un rôle de médiation dans le règlement des différends.

Côté consommation, les tarifs « de genre » peinent à s’appliquer aux questions de genre. En effet, la configuration des foyers, l’éloignement des habitations, ne permet pas aisément de contrôler leur légitimité.

Des alternatives toutes aussi intéressantes se développent telles que la mise à disposition de réfrigérateurs, de climatiseurs, télévisions. La mise à disposition de ces matériels bénéficie directement aux femmes pour répondre à certains des enjeux susmentionnés.

Le suivi des projets exige souvent la mise en place d’un organe participatif de consultation locale pour assurer son acceptabilité et pérennité.

La mixité parfois imposée dans ces assemblées tend à desservir la cause féminine voire à les exposer à des agressions verbales ou physiques. Pour pallier ce risque, des assemblées de femmes peuvent être tenues en parallèle des assemblées masculines ; les femmes sont alors plus à l’aise pour s’exprimer et échanger.

L’adoption de telles mesures contribue à une modeste émancipation politique.

Objectif ultime : permettre aux femmes d’initier des projets énergétiques en tant qu’investisseur et développeur de projets. En travaillant sur des questions d’intérêt général, comme le sont les énergies, les femmes sont plus enclines à s’investir dans la vie publique.

L’intégration de la question de genre dans les projets énergétiques ouvre la voie vers une émancipation économique et sociale des femmes qui d’une part se réapproprient les énergies et les ressources naturelles correspondantes, et accèdent, d’autre part, à des responsabilités qui favorisent leur autonomisation pour un développent durable.

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