General Electric, un géant à la dérive qui fait plonger l’électromécanique française

On l’avait présenté comme le sauveur, mais 5 ans après le Groupe General Electric apparait en pleine lumière, un géant à la dérive qui nous entraîne avec lui.

Comme les commentateurs ont la mémoire courte surtout quand ils écrivent des propos dithyrambiques directement inspirés par les communiqués autosatisfaits des acteurs financiers de l’industrie, il faut revenir à la fin du siècle dernier pour comprendre ce qui arrive aujourd’hui.

En 1999, le Gaz « Naturel » ou CH4 issu des champs pétroliers a le vent en poupe, c’est pour la  production électrique l’alternative « propre », « verte » aux centrales nucléaires, à charbon ou à fioul, et donc les géants de l’électromécanique, General Electric, Siemens, ABB, Mitsubishi, rivalisent d’efforts pour mettre sur le marché les meilleures turbines à gaz.

La société française Alstom produit des turbines sous licence General Electric à Belfort. Dans une stratégie applaudie par les « communicants », elle rachète les turbines à gaz d’ABB, ce qui conduit General Electric à prendre le relais de l’usine de Belfort et d’autres usines moins médiatiques.

Les deux sociétés qui à travers la Compagnie Générale D’Electricité ont eu une longue histoire commune divorcent donc à l’amiable pour permettre à Alstom de faire cavalier seul. Hélas les turbines ABB ne sont pas au point et Alstom va se ruiner, à l’achat d’abord, puis pendant une dizaine d’années, pour pouvoir se mettre en position de vendeur !

C’est la cause majeure de l’affaiblissement d’Alstom qui a conduit à l’intervention de l’Etat, puis à son remplacement comme actionnaire de référence par le groupe Bouygues.

La descente puis les mensonges

Les attaques de l’écologie politique contre les fossiles n’épargnent pas le « gaz naturel » et la folie des éoliennes et des panneaux solaires mettent à mal le marché des centrales à gaz, les politiciens des pays européens minimisant le coût de l’intermittence de ces énergies renouvelables en termes de modifications des réseaux et de fragilisation financière des entreprises électriques.

Les entreprises allemandes, privées de nucléaire et incitées à se retourner vers l’éolien sont au bord du gouffre et ne doivent leur salut que grâce au bas prix du charbon et de la lignite !

Pour les fournisseurs de turbines à gaz, cette évolution est catastrophique, surtout pour Alstom qui manque de compétitivité par rapport à General Electric et Siemens.

La stratégie d’Alstom en 2013 ne varie néanmoins nullement et la société annonce rechercher un partenaire pour son département transport ferroviaire pour lui permettre de renforcer son pôle énergie, « il n’y a pas le feu au lac » déclare même son PDG !

Quelques mois après, une indiscrétion de Bloomberg annonce que des conversations avancées existent entre Alstom et General Electric pour la cession à GE de son département Energie, soit près de ¾ du groupe, et on nous explique doctement que cela va permettre de faire du département transport une pépite alors que chacun disait que sa taille ne permettrait pas de résister à la concurrence chinoise.

C’était il y a cinq ans, deux ans ont été nécessaires pour mener à bien ( !) l’opération d’intégration, jamais une autre hypothèse n’a été sérieusement envisagée, on a amusé la galerie avec des JV 50/50 qui se sont révélées des 51/49 au profit de General Electric, on a menti sur la création d’emplois, la presse a été alimentée tous les jours par des communiqués victorieux.

Le Maire de Belfort a même fait signer une pétition en faveur de General Electric, présentée partout comme une société française, francophone, francophile, dont le Président était reçu par la Présidence de la République avec amitié et effusion en remerciements de son « sauvetage » inespéré d’Alstom trouvant à travers cet assemblage un allié de poids pour la conquête du monde .

Il faut relire tout ce qui a été dit à l’époque et même encore récemment sur la chance du pays d’avoir trouvé sur sa route un ange pareil ! Les dirigeants qui ont tenté depuis de remettre General Electric en état de marche ont même accusé le deal Alstom d’avoir été la cause des malheurs du Groupe, relayés brillamment par les journaux français !

Le déni de réalité, l’arrogance et l’incompétence ont régné depuis cinq ans sur ce dossier

General Electric était en difficultés dès 2014 et cherchait avant tout à limiter la casse dans la chute du marché des turbines à gaz en supprimant un concurrent.

On lui a offert mieux, elle a accepté, mais elle n’avait pas voulu voir la faiblesse industrielle de la fusion, Alstom est une société technique qui réalise des installations à la demande, General Electric fait de la série et vend sur catalogue, c’était le mariage de la carpe et du lapin sans compter sur le mode de gestion à « l’américaine » mal adapté à la société française comme on l’avait déjà observé à Belfort… et partout ailleurs.

General Electric était malade en 2014, personne n’a voulu le voir, surtout pas le Gouvernement Français voulant éradiquer les énergies fossiles et maltraitant le gaz naturel.

Alstom n’était malade que de ses turbines à gaz, péchés d’orgueil de ses dirigeants successifs, ses points forts étaient les turbo-alternateurs Arabelle pour le nucléaire, l’hydraulique, le charbon, et les smart grids ou réseaux, et, bien sur le ferroviaire grâce à l’excellence de son premier client SNCF.

Porté par EDF et SNCF, Alstom avait toutes les chances de développement, mais il fallait trouver la façon de faire disparaitre l’épine turbines à gaz.

Le plus simple était de trouver un arrangement avec Siemens, le plus hasardeux avec General Electric, mais de tenter de rester fort sur les positions de premier mondial.

Personne n’a voulu réfléchir, les publicités sur General Electric, leur lobbying, étaient insensées, mais convaincantes… pour ceux qui le voulaient bien.

Comment en sortir désormais ?

Revenir aux compétences essentielles pour notre avenir, revenir au « bien commun » représenté par les hommes et les femmes d’Alstom qui veulent croire encore à l’avenir de l’électromécanique française et qui sont prêts, les uns et les autres à relever les défis du nucléaire, de l’hydraulique, du charbon et des smart grids en y intégrant le transport ferroviaire bien évidemment.

Des anciens dirigeants d’Alstom y sont prêts, ils rencontrent depuis des mois les pouvoirs publics, les fonds d’investissements, les dirigeants des Grands Groupes nationaux, il suffit d’une volonté et d’un négociateur pour délivrer General Electric d’un poids désormais insupportable pour un Groupe en perdition.

 

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  • En complément :

    Les investisseurs de General Electric, autrefois l’une des entreprises les plus valorisées au monde, ont perdu des dizaines de milliards de dollars après l’accord de Paris sur le climat parce qu’elle n’a pas su s’adapter au rythme de la transition vers l’énergie verte, selon un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA)

    GE a perdu 193 milliards de dollars (172 milliards d’euros) en seulement trois ans jusqu’en 2018, soit près des trois quarts de sa capitalisation boursière.

    Le groupe de recherche basé à Cleveland a déclaré que GE et ses principaux actionnaires avaient mal évalué la baisse du prix des énergies renouvelables alors que le monde passe à une énergie plus propre et souffrait de l’effondrement des marchés des turbines à gaz et de la construction thermique.

    « GE a supposé à tort que la demande de gaz naturel et de charbon continuerait à suivre la croissance économique mondiale », accusant GE d' »un échec épique de la gouvernance des entreprises ».

    L’Accord de Paris de 2015 enjoint les nations à s’efforcer de limiter l’augmentation de la température de la planète à « bien en dessous » de deux degrés Celsius (3,6 Farenheit) et à un plafond plus élevé de 1,5°C si possible.

    Pour ce faire, les gouvernements doivent s’engager à réduire les émissions de gaz à effet de serre, dont la principale source est la combustion de combustibles fossiles comme le pétrole, le gaz et le charbon.

    Alors que le prix des technologies d’énergie renouvelable telles que l’éolien et le solaire a chuté ces dernières années, l’IEEFA a déclaré que GE s’est retrouvée avec des milliards d’actifs liés aux combustibles fossiles échoués, les alternatives moins chères réduisant la demande de charbon et de gaz par l’industrie.

    Selon le rapport, l’entreprise n’a pas non plus tenu compte de l’augmentation de l’efficacité énergétique, due en grande partie aux énergies renouvelables, qui ont découplé la demande d’énergie de l’activité économique mondiale.

    En particulier, la division énergie de GE, qui représentait en 2016 la moitié du bénéfice avant impôts de l’entreprise, a continué à investir dans des turbines à gaz alors même que la demande mondiale diminuait, selon le rapport.

    « Le monde est en train de passer des combustibles fossiles – en particulier le charbon et le gaz thermique importés, particulièrement coûteux – aux énergies renouvelables domestiques peu coûteuses et non polluantes comme l’éolien et le solaire « , a déclaré Tom Sanzillo, directeur financier de l’IEEFA.

    « C’est ici que se trouve l’argent intelligent, mais GE n’a pas su choisir la tendance. »

    Un mouvement mondial de désinvestissement est en cours, appelant les fonds de pension et les fonds spéculatifs, entre autres, à mettre fin aux investissements dans les projets d’énergie fossile en amont. Des centaines d’institutions qui contrôlent des actifs de plus de 6 billions de dollars se sont jointes à l’initiative.

    « Certains suggèrent que l’industrie du gaz est en train de mourir (et) qu’il y a certainement des défis structurels qui se profilent à l’horizon « , a dit M. Culp.

    http://ieefa.org/ieefa-report-ge-made-a-massive-bet-on-the-future-of-natural-gas-and-thermal-coal-and-lost/

    .

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