En France, les parkings des hôpitaux sont un « immense gisement d’énergie »
Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Édouard Roblot, directeur Bâtiment bas carbone de IDEX, pour revenir avec lui sur l’installation de panneaux photovoltaïques dans les hôpitaux français.
Le Monde de l’Énergie —Quel est le taux de vétusté de bâtiments dans les hôpitaux publics en France ? Quelles conséquences cela a-t-il sur les dépenses énergétiques des centres hospitaliers ?
Édouard Roblot —Le taux de vétusté des hôpitaux publics est évalué par différentes études entre 55 et 60%. Par exemple, une étude réalisée en 2021 par La Banque Postale évalue la vétusté des hôpitaux publics à quasiment 60%.
Il s’agit donc d’un phénomène massif qui a des conséquences énormes, à la fois pour le confort des patients mais également sur les dépenses énergétiques des hôpitaux : que ce soit pour se chauffer en hiver, avec les déperditions énergétiques et le fort besoin d’optimiser le chauffage, mais aussi pour le confort thermique en été, où il y a besoin d’une climatisation ou d’une meilleure isolation.
Le Monde de l’Énergie —Quel est le potentiel de la rénovation thermique pour améliorer cette situation ?
Édouard Roblot —La rénovation thermique a un énorme potentiel. Chez Idex, nous sommes amenés à conduire des marchés globaux de performance qui peuvent inclure rénovation thermique de l’ensemble du bâtiment mais aussi changement du système de chauffage pour améliorer l’efficacité énergétique.
Le Monde de l’Énergie —Pourquoi un grand nombre d’hôpitaux font-ils le choix de s’équiper de panneaux photovoltaïques ?
Édouard Roblot —La première raison, c’est que les parkings branchés (parkings couverts de panneaux solaires photovoltaïques et équipés de bornes de recharge) représentent un énorme gisement d’énergie à l’échelle de la France. On parle de 3 GW pour les centres hospitaliers, soit l’équivalent de 2 réacteurs nucléaires de type Flamanville [le calcul est juste pour la puissance installée, mais le facteur de charge d’une installation photovoltaïque, très inférieure à celle d’un réacteur nucléaire (moins de 15% en France, contre environ 70%), fait qu’en terme d’électricité produite, il faudrait plutôt parler d’environ le tiers d’un réacteur de type Flamanville, NDLR] .
Ce gisement est à la fois colossal et compétitif. Il ne coûte rien aux établissements de santé puisque l’investissement est pris en charge de A à Z par des sociétés comme Idex, mais en plus, ça permet aux hôpitaux d’économiser de l’argent sur les factures d’électricité dès la 1ère année. Classiquement, on observe des prix de l’électricité de 10 à 30% plus bas que l’électricité achetée sur le réseau.
Le Monde de l’Énergie —Ces installations de panneaux photovoltaïques correspondent-elles également à des obligations légales d’équipements des bâtiments publics ?
Édouard Roblot —Depuis 2023, la loi oblige tous les hôpitaux de France à équiper leurs parkings de panneaux solaires photovoltaïques. Les amendes sont conséquentes puisqu’elles montent jusqu’à 40000 € par parking et par an. Ce qui est significatif sur le budget d’un hôpital qui a une dizaine de parkings. Cette obligation concerne vraiment tous les hôpitaux puisqu’elle vise les parkings dès 1500 m² soit environ 60 places. Donc ça peut aller très vite et pour un hôpital “classique”, les seuils sont largement dépassés.
Le Monde de l’Énergie —La France ayant une électricité largement décarbonée, équiper un hôpital de panneaux photovoltaïques n’a quasi aucun impact sur la décarbonation de la consommation énergétique du bâtiment. Pourquoi mettre en avant cet aspect, qui pourrait participer à véhiculer l’idée d’une électricité française carbonée ?
Édouard Roblot —Équiper les parkings de panneaux solaires permet de mobiliser des surfaces déjà artificialisées pour augmenter significativement la production d’électricité renouvelable en France. Et il s’agit bien d’une électricité décarbonée, renouvelable et ultra-locale ! Le mix électrique actuel est déjà largement décarboné, mais équiper les parkings permet de préparer l’avenir et de répondre aux nouveaux besoins d’électricité décarbonée, les véhicules électriques en premier lieu.
A ce titre, les parkings sont un énorme gisement. A l’échelle du pays (en incluant tous les parkings extérieurs de plus de 60 places et pas uniquement les hôpitaux), il y a 20 à 25 GW de panneaux solaires à déployer. Pour donner une idée, cela représente la puissance de 12 EPR de type Flamanville [pour la même raison que précédemment, en terme d’électricité produite, l’ordre de grandeur est d’un peu plus de 2 EPR de Flamanville, NDLR] .