« Faire connaître le véritable impact environnemental de l’emballage en verre »
Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Benjamin Keltjens et Eloi Courau, de Welow (une climate tech qui aide les consommateurs à réduire leur empreinte environnementale), pour évoquer avec eux un faux-ami climatique : l’emballage en verre.
Le Monde de l’Énergie —Les emballages en verre ont une image de produits écologiques, car le verre se recycle bien. Quel est l’impact carbone d’une bouteille ou d’un pot en verre, neuf, recyclé ou en moyenne ? Est-il plus important qu’un équivalent en plastique, en métal, en carton ?
Benjamin Keltjens —Notre analyse inclut bien la légère amélioration apportée par le recyclage : le facteur d’émission de 0,83 kgCO2 par kg de verre correspond à l’hypothèse que 88% du verre est recyclé (c’est le taux de recyclage du verre en Europe d’après l’étude de Citeo). Le verre est donc un matériau très énergivore et émetteur en co2, qu’il soit recyclé ou non. L’énergie nécessaire pour le recycler n’est pas éloignée de celle nécessaire pour le fabriquer. Les chiffres de l’association Zero Waste vont bien dans ce sens : une tonne de verre recyclé génère 71% des émissions de CO2 d’une tonne de verre ‘neuf’ (360 kg vs 510 kg )
Eloi Courau —Un autre aspect du verre est à prendre en compte : le poids de son emballage. Si ses émissions de CO2 par kg de matériau sont équivalentes voire inférieures aux alternatives comme le carton ou le plastique, l’énorme poids des emballages en verre en font finalement l’emballage le plus polluant. En prenant à nouveau l’exemple du vin, une bouteille de 75cl vide pèse 370g, alors qu’un emballage d’un cubi de 3L pèse 189g. Cela fait 493g par litre emballé pour la bouteille contre 63g pour le cubi, soit un facteur de 8 ! Ce grand écart de poids fait qu’un matériau peu émetteur par kg de matière d’emballage devient très émetteur par volume de matière emballée.
Le Monde de l’Énergie —Pourquoi le verre conserve-t-il une image d’emballage sobre et circulaire ? Pensez-vous nécessaire de davantage communiquer sur ce manque de sobriété carbone ?
Eloi Courau —L’image du verre a bénéficié des intenses efforts de communication publique et d’investissement dans la filière du recyclage lors de son déploiement en France dès 1974. Ce changement volontariste partait d’une vraie prise de conscience et touchait des questions importantes, notamment autour des risques environnementaux associés au plastique et au modèle de consommation linéaire. Il a cependant promu le recyclage comme solution parfaite de manière parfois excessive. Cette nouvelle solution a d’ailleurs remplacé la consigne des bouteilles, pratique satisfaisante et sensée écologiquement, malheureusement disparue au cours des années 90. On parle beaucoup du besoin de nous diriger vers une économie circulaire, mais on oublie souvent que le meilleur levier de sobriété environnementale est le réemploi, quand le recyclage devrait seulement concerner les résidus non réutilisables en dernier recours.
Le Monde de l’Énergie —Comment évolue l’utilisation du verre dans le conditionnement d’aliments et de boissons ?
Eloi Courau —Les emballages en verre semblent quand même avoir reculé par rapport aux années de 90 et à leurs excès : On peut par exemple se souvenir de bouteilles de lait ou de soda en verre, ce qui est moins répandu aujourd’hui. Le verre dégage cependant toujours une impression de qualité et de tradition, ce qu’on voit dans l’alcool bien sûr mais aussi dans des boissons artisanales (jus, limonades) qui jouissent paradoxalement d’une image naturelle et écologique malgré leur emballage polluant. Faire connaître le véritable impact environnemental du verre pourrait aider à bousculer cette représentation trompeuse.
Le Monde de l’Énergie —Le développement du vrac ou le retour des consignes pourrait-il limiter cet impact écologique ?
Benjamin Keltjens —Oui, ce sont des solutions vertueuses écologiquement et relativement simples à mettre en place. Une bouteille pourrait être réutilisée jusque 50 fois, et l’impact environnemental total serait 5 fois inférieur à celui d’une bouteille recyclé d’après les défenseurs de la consigne.
Le véritable obstacle est psychologique et culturel : il faut sortir de la logique linéaire et se rendre compte de l’importance des emballages et de la nécessité de les réduire. Si nos grands-parents y arrivaient, on devrait pouvoir s’y habituer nous aussi !
Le Monde de l’Énergie —Vous avez étudié le cas particulier du vin, qui est l’un des produits dont le contenant présente le plus fort impact carbone. Dans ce cas particulier, quelles alternatives réalistes pourraient permettre de réduire cette empreinte carbone ?
Eloi Courau —Les leviers côté producteur sont de baisser la quantité et le poids des emballages, les remplacer quand ils sont en verre (idéalement par du carton, sinon par du plastique), et proposer des nouveaux modes de consommation plus circulaires comme le vrac et la consigne au réemploi (bien entendu préférable à la consigne au recyclage).
Côté consommateur, on peut surtout faire pression sur le marché en dirigeant notre demande vers les débuts d’alternatives circulaires qui se développent. On peut également s’écarter de nous-mêmes des emballages polluants et viser des produits vendus en grands volumes, ce qui diminue la quantité d’emballage par volume de produits consommés. On peut enfin évoquer ces sujets et diffuser à notre échelle cette réalité environnementale pour pousser courageusement un changement structurel et plus d’action de la part des entreprises et de l’État !
COMMENTAIRES
Je crois que le recyclage du vert pourrait avoir un impact positif si on l’utilisait finement broyé ou concassé dans la fabrication de briques, de parpaings, de chappes béton, et surtout mélangeait au ternaire utilisé en fond de chaussées, voire même dans le bitume.
Pour le verre on ne devrait parler que de sa réutilisation qui passe d’abord par une standardisation des contenants. Ce qu’il faut combattre pour avancer dans cette direction est l’idée d’associer la forme du contenant au luxe ou à la distinction du liquide qu’il contient.
C’est la perversité de ces approches qui a fini par exclure la réutilisation de l’emballage en verre par sa consignation.
Tout à fait d’accord, il faut commencer par là.
La mise en bouteille d’antan du vin de table qui arrivait dans divers contenant (le plastique apparu assez vite, mais il y avait aussi des barriques en bois de mémoire) n’avait pas que des mauvais cotés, je me souviens de mon père le faisant, les bouteilles étaient « recyclées »/lavées à la maison… (même si cela incitait à plus de consommation…). A noter que mon père gardait les bouteilles de « grand cru » à cet effet…
Et que dire des bocaux en verre « bonne maman » pour stocker de la confiture « maison » !!! Le problème vient plus des couvercles qui s’oxydent…
Le problème vient peut-être de la diversité des emballages (donc non « consignables » de facto ! Trop de références maintenant !!!) et de l’absence de filière avec « consignes » (comme il y a quelques décennies…) qui existe encore dans certains pays…
Nota : Du verre « consigné » et qui est utilisé quelques dizaines de fois a certainement une des plus basses empreintes « carbone » en tant que contenant et peut toujours se recycler à la fin… (avec de futurs fours électriques pour le verre, l’empreinte carbone baissera radicalement !)
On parle d’un facteur d’émissions de 0,83 kgCO2 / kg de verre produit soit 830 kg/tonne de verre produit puis 510 kg/tonne de verre « neuf » produit en fin de premier paragraphe. Comment expliquer ces écarts ?
Dans le premier cas, il s’agit des émissions totales de l’emballage tout au long de son cycle de vie (incluant notamment, en plus de sa production, son transport jusqu’au site d’emballage, la part du poids de l’emballage dans le transport du produit et la gestion de sa fin de vie), dans le second les émissions brutes de la production de l’emballage en verre (et seulement sa production. Mais la formulation est effectivement ambigüe.
Pour ce qui est des couvercles de bocaux en verre qui s’oxydent, cela ne se produit que tardivement et il est possible d’en trouver dans certaines boutiques de coopératives agricoles. De quoi réduire son empreinte carbone et ses dépenses en faisant ses propres conserves, à condition de veiller aux procédés énergétiques utilisés pour la pasteurisation ou la stérilisation.
contrairement aux matières plastiques, le verre n’est pas cancérigène, ce qui est déjà pas mal.
D’autre part, il conserve les caractéristiques du goût, enfin les bouteilles verre peuvent être réemployées dans le vrac qui est revenu à la mode.
J’ai connu comme APO, au sein de la famille, le lavage des bouteilles en cave et la mise en bouteille du vin acheté en tonneau. Ainsi que la stérilisation de conserves en bocaux de verre, sans parler des confitures maison stockées en pots de verre. L’écologie n’était pas de mise à cette époque mais se servir de dame nature et de ses bienfaits, c’était une réalité dans les faits.
Avis aux amateuses !