Étude RTE/IEA : parier sur un mix électrique à forte proportion d’éolien et de solaire est très incertain

Par Bertrand Cassoret, auteur du livre “Transition énergétique, ces vérités qui dérangent”, dont la 2ème édition est parue en 2020, et de « Energy Transition » paru en février 2021.

RTE, Réseau de Transport de l’Electricité, et l’Agence Internationale de l’Energie, ont publié en janvier 2021 un rapport sur « les conditions d’un système électrique à forte part d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050 ».

Visiblement, certains se sont enthousiasmés pour ce rapport sans l’avoir lu : malgré une communication séduisante (RTE a twitté « pas de barrière technique infranchissable », « c’est techniquement possible »), ce rapport montre surtout que parier sur un mix électrique à forte proportion d’éolien et de solaire est très incertain.

Contexte : la Stratégie Nationale Bas Carbone repose sur une réduction de « près de la moitié de la consommation d’énergie finale ». En croissance économique, ce serait du jamais vu !

La part de l’électricité dans la consommation d’énergie finale passerait de 25 à 50% en 2050 ce qui serait une bonne chose pour moins consommer d’énergies fossiles, mais l’optimisme concernant la consommation d’électricité est impressionnant : elle augmenterait de moins de 30%, et la flexibilité apporterait de la souplesse pour l’équilibre production-consommation. La gestion future de l’équilibre production-consommation serait donc plus simple malgré de nouveaux usages, en particulier les véhicules électriques.

La question, fondamentale, qui se pose est, grosso-modo la suivante : les réacteurs nucléaires français arrivant en fin de vie peuvent-ils être remplacés par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques ?

eoliennes-jpg

Alors que l’électricité se stocke très difficilement et que nous consommons l’électricité au moment où nous en avons besoin, ces moyens ne produisent que lorsque vent/soleil sont présents.

Flexibilité : le maître mot du rapport

On peut lire dans le rapport que :

– « il n’existe aucune démonstration de la faisabilité d’une intégration très poussée d’énergies renouvelables variables comme l’éolien et le photovoltaïque sur un grand système électrique »,

– « il n’existe aucune expérience d’exploitation de tels systèmes à grande échelle »,

– « le rapport n’examine pas la question de savoir si ces scénarios sont socialement souhaitables ou attrayants ni celle de leur coût et de leur viabilité financière »,

– « les technologies actuelles des onduleurs ne contribuent pas à l’inertie et ne peuvent participer pleinement à la stabilité du système », (les onduleurs sont des appareils électroniques insérés entre les éoliennes/panneaux photovoltaïques et le réseau électrique, la stabilité d’un réseau électrique est très complexe et actuellement facilitée par l’inertie mécanique des gros alternateurs),

– « les solutions techniques sur lesquelles reposerait cette stabilité pour un système exploité à grande échelle comme la France ne sont pas aujourd’hui disponibles sur le plan commercial »,

– « à compter de 2035 il ne sera plus possible de poursuivre l’augmentation de la part des renouvelables sans développer la flexibilité de manière significative », il faudra une « flexibilité considérable du côté de lademande ».

Flexibilité est le maître mot de ce rapport : il apparait 21 fois dans la synthèse et 318 fois dans le rapport complet de 186 pages !

Stockage et flexibilité en question

Cela signifie que la consommation devra s’adapter à la production, il faudra donc parfois couper les appareils non prioritaires… Cela se fait parfois actuellement lors d’importants pics de consommation où l’on demande à certains industriels gros consommateurs de diminuer leur consommation, moyennant finances.

Dans le futur on peut espérer que les recharges de certains véhicules électriques pourront être décalées de quelques heures sans grandes conséquences, mais la flexibilité à grande échelle risque de poser d’énormes problèmes ; elle pourrait amener, par exemple, à devoir décaler les horaires de travail des salariés en fonction de la météo.

Il faudra des « installations de stockage dédiées à grande échelle». Concrètement il faudrait surtout développer le « power to gaz » qui permet de créer du gaz de synthèse à partir d’électricité, une technologie balbutiante jamais développée à échelle industrielle. Actuellement je ne vois aucune entreprise se lancer dans l’achat-stockage-revente d’électricité…

Il faut « s’interroger sur les conditions pour développer un environnement industriel permettant de porter cette ambition». En effet, estimer les coûts est une chose, mais il faut aussi avoir des compétences et des usines, et il n’y a pas que dans le nucléaire que l’industrie a décliné…

Analyser les « enjeux environnementaux (utilisation des sols, criticité des matériaux), et sociétaux (acceptabilité), que ce soit pour la flexibilité de la demande au sein des logements ou le déploiement d’infrastructures».

En effet les énergies renouvelables nécessitent plus de matériaux et de surfaces que le nucléaire, et ont des impacts environnementaux globalement plus importants [VIDAL] .

Quels coûts ?

« Toute évaluation future devra se concentrer sur les coûts globaux du système plutôt que sur des indicateurs tels que le coût moyen de l’électricité par technologie (LCOE), car ceux-ci ne tiennent pas compte des coûts environnants».

Enfin on commence à se rendre compte que le Levelized Cost of Energy, souvent utilisé pour mettre en avant la baisse du coût du solaire et de l’éolien, ne représente pas le coût pour la société (les éoliennes et le photovoltaïque viennent en plus des autres moyens de production qu’on utilise moins sans pouvoir les fermer et représentent donc un surcoût ; à moins de développer du stockage qui n’est pas gratuit non plus).

Aujourd’hui en France « le système d’équilibrage est l’un des plus compétitifs d’Europe». Oui le système actuel fonctionne très bien, mais il faudrait tout changer …

« Au-delà de 2030, une extension, un renforcement et une restructuration en profondeur du réseau seront nécessaires pour atteindre des parts élevées d’énergies renouvelables». En effet éolien et solaire, qui n’ont rien de local, nécessitent davantage d’échanges et donc de lignes de transport de l’électricité dont la construction rencontre systématiquement de vives oppositions.

Concernant l’éolien en mer, « il faudrait 60 parcs éoliens de 500 MW chacun, alors qu’aucun n’a été développé jusqu’à présent et que seuls 7 sont prévus dans les prochaines années». Je ne suis pas personnellement opposé à l’éolien en mer, mais je ne peux que constater les vives oppositions rencontrées !

Nous aurons toujours besoin de nucléaire

En conclusion : en France où le potentiel hydroélectrique est quasiment à son maximum, il faudrait pour avoir une grande part d’énergies renouvelables dans l’électricité et une quantité énorme de panneaux photovoltaïques et d’éoliennes.

Mais il faudrait aussi davantage de lignes à Haute Tension, adapter la consommation à la production donc à la météo, et du stockage à grande échelle avec des technologies immatures. Personne ne peut garantir que nous aurons alors un réseau électrique stable, c’est-à-dire capable de fournir sans problème les besoins des consommateurs.

La France a été capable de mettre en service plus de 40 réacteurs nucléaires en 10 ans dans les années 80 ! Le pari sur l’avenir est donc nettement plus important sur nos capacités à construire un système reposant largement sur l’éolien et le photovoltaïque, que sur nos capacités à reconstruire des réacteurs nucléaires.

Et il est faux de penser qu’un tel système serait plus écologique : les impacts des renouvelables sont globalement plus importants sur une grande majorité de critères environnementaux que ceux du nucléaire dont les déchets bien gérés n’ont aucune conséquence sur le vivant.

Il ne s’agit pas de refuser systématiquement l’éolien et le solaire, qui peuvent contribuer à moins faire fonctionner les centrales fossiles, mais affirmer que ce rapport conclue que nous n’avons pas besoin de nucléaire est absolument faux. En lisant à peine entre les lignes la conclusion est inverse.

————–

[RTE/IEA] « Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système

électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 », synthèse /

« Conditions and Requirements for the Technical Feasibility of a Power System with a High Share of Renewables in France Towards 2050 », Janvier 2021. Réseau de Transport de l’Electricité, International Energy Agency, https://www.rte-france.com/actualites/rte-aie-publient-etude-forte-part-energies-renouvelables-horizon-2050

 

[VIDAL] Vidal, O. (2017).Mineral Resources and Energy : Future Stakes in Energy Transition. Elsevier.

 

 

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • « Et il est faux de penser qu’un tel système serait plus écologique : les impacts des renouvelables sont globalement plus importants sur une grande majorité de critères environnementaux que ceux du nucléaire dont les déchets bien gérés n’ont aucune conséquence sur le vivant. »

    Que vaut la crédibilité d’une personne qui écrit ou rapporte de tels propos !!!
    De toute façon, la messe est dite, aucune société privée sans le soutien de l’état ne veut investir dans le nucléaire.
    Regardez ce que font les majors du pétrole, ou les sociétés d’électricité privée, du renouvelable, rien que du renouvelable.
    Pourquoi donc des personnes s’entêtent avec la filière nucléaire, dont l’argumentaire ne repose plus que sur un mot, pilotable, aussi
    pilotable sur les 2 réacteurs de Flammenville restés à l’arrêt près de 2 ans, aussi pilotable que L’EPR dont les couts derivent autant qui ‘un bateau sans pilote…, aussi pilotable que les épaves et le mots est bien faible, que sont tchernobyl et fukushima.
    Après ça, votre fameuse phrase est à relire comme suit, :
    les impacts du nucleaire sont globalement plus importants sur une grande majorité de critères environnementaux que ceux des RENOUVELABLES
    A BON ENTENDEUR !!!

    Répondre
    • Les Majors du fossile font du renouvelable pour avoir le beurre et l’argent du beurre, c »est à dire le business ENR protégé et le business du gaz de backup………

      Pour ce qui est des atteintes à l’environnement des ENR, il faut aller chez les damnés de la Terre, en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique pour en mesurer l’extravagance: donc nos « riches verts » s’en fichent royalement!

      Répondre
    • Vos affirmations sont totalement gratuites, bien autant que celles que vous dénoncez. Quant au nucléaire, il nous a épargné l’émissions de qqes GT de CO2 depuis le début du programme, et ce n’est pas fini. Ce n’est pas rien!

      Répondre
    • M Barret
      Je suis en train de rédiger un article sur l’analyse de cycle de vie comparative de plusieurs systèmes de production d’électricité. Si vous estimez que le risque d’accident nucléaire et la gestion des déchets sont trop problématiques, effectivement il faut moins de nucléaire. Si vous estimez que les déchets tuent 0 personnes par an et que les accidents nucléaires sont un moindre mal par rapport aux millions de décès prématurés des fossiles chaque année (oui!) , alors vous verrez que la comparaison entre les systèmes montre clairement que sur la grande majorité des critères environnementaux le nucléaire est l’énergie la plus vertueuse : moins de surface, moins de matériaux utilisés, donc moins de minerais et de transformations .
      Oui la pilotabilité est un critère important, c’est pourquoi RTE et l’AIE ont rédigé ce rapport.
      Cordialement.

      Répondre
    • Monsieur Barret
      Votre commentaire est consternant de naïveté.
      Vous parler de pilotable sans connaitre sa signification. C’est faire en sorte que le moyen de production puisse fournir au consommateur l’energie dont il a besoin à tout moment. Ceci Sans dépendre du vent et du soleil. Tchernobyl était lié à une faute humaine. Fukushima était lié à un tsunami. Quel rapport avec ces incidents. Un outil pilotable ne s’impose pas, il doit répondre à la demande à tout moment en contribuant à la stabilité du réseau. Je vous rappelle que l’electricité est pour l’instant très difficilement stockable.
      L’EPR Est un prototype qui subit des aléas de mise au point. Les chinois en ont mis en service deux avec la participation d’EDF, et fonctionnent bien.
      Les producteurs d’énergie fossile font du renouvelable. Ils font croire à leurs clients qu’ils leur vendent de l’energie verte alors qu’ils se fournissent sur la « bête » EDF qui prend les risques industriels, à qui on a imposé de revendre à ces sociétés parasites et opportunistes du KWh nucléaire qui peut représenter une grande part de leur fourniture. Cette concurrence non libre et complètement faussée a été voulue par la loi NOME. Un scandale monté de toutes pièces sur le dos des consommateurs français qui ont financé le programme nucléaire.
      Autre notion qui vous échappe sans doute. Le nucléaire est très capitalitique et fondé sur le long terme. Ça ne convient pas à ces sociétés qui cherchent le profit à court terme en se souciant peu de l’intérêt du consommateur. La loi Nome devait permettre à ces fournisseurs d’investir dans des moyens de production. Que nenni, ces alternatifs préfèrent faire du business par internet en trompant leurs clients, sans vison à long terme. Pour info, regardez ce qui se passe au Texas, en Californie ou en Australie. On y va tout droit avec ce lobby ecolo, qui ne fait pas la différence entre un kW ou un KWh. Quelle tristesse…

      Répondre
  • Je trouve très amusant le paragraphe de M. Barret sur le mot « pilotable ». A-t-il conscience qu’utilisant ce mot de façon moqueuse, surtout, différente de sa signification nucléaire, il ne démontre rien du tout ?

    Répondre
  • M. Barret
    Ce que vous dites est consternant de naïveté
    Que vaut votre crédibilité pour écrire de tels propos ?
    Pourquoi croyez-vous que les sociétés privées n’investissent pas dans le nucléaire ? Ce moyen de production est très capitalistique. Demande de gros moyens financiers et est prévu sur le long terme par sur 20 ans comme une éolienne mais sur 60 ans. Aucune ne veut prendre de risque. Ces sociétés parasites et opportunistes s’intéressent à faire du profit sur le court terme. La messe est dite.
    Elles ne font que du renouvelable, vous êtes sérieux. Aucune n’investit sur de vrais moyens de production pilotables, mais vous font croire qu’elles vous vendent du renouvelable alors que 80% de leur apport vient de l’ARENH. Autrement dit du rachat du nucléaire à bas prix, à EDF, sans prendre aucun risque industriel, mais en faisant du business sur le dos de la bête qu’est EDF, que certains voudraient voir dilapidée après s’être servis grassement sur cette outil payé par les consommateurs français.

    Répondre
  • Monsieur Barret
    Votre commentaire est consternant de naïveté.
    Vous parler de pilotable sans connaitre sa signification. C’est faire en sorte que le moyen de production puisse fournir au consommateur l’energie dont il a besoin à tout moment. Ceci Sans dépendre du vent et du soleil. Tchernobyl était lié à une faute humaine. Fukushima était lié à un tsunami. Quel rapport avec ces incidents. Un outil pilotable ne s’impose pas, il doit répondre à la demande à tout moment en contribuant à la stabilité du réseau. Je vous rappelle que l’electricité est pour l’instant très difficilement stockable.
    L’EPR Est un prototype qui subit des aléas de mise au point. Les chinois en ont mis en service deux avec la participation d’EDF, et fonctionnent bien.
    Les producteurs d’énergie fossile font du renouvelable. Ils font croire à leurs clients qu’ils leur vendent de l’energie verte alors qu’ils se fournissent sur la « bête » EDF qui prend les risques industriels, à qui on a imposé de revendre à ces sociétés parasites et opportunistes du KWh nucléaire qui peut représenter une grande part de leur fourniture. Cette concurrence non libre et complètement faussée a été voulue par la loi NOME. Un scandale monté de toutes pièces sur le dos des consommateurs français qui ont financé le programme nucléaire.
    Autre notion qui vous échappe sans doute. Le nucléaire est très capitalitique et fondé sur le long terme. Ça ne convient pas à ces sociétés qui cherchent le profit à court terme en se souciant peu de l’intérêt du consommateur. La loi Nome devait permettre à ces fournisseurs d’investir dans des moyens de production. Que nenni, ces alternatifs préfèrent faire du business par internet en trompant leurs clients, sans vison à long terme. Pour info, regardez ce qui se passe au Texas, en Californie ou en Australie. On y va tout droit avec ce lobby ecolo, qui ne fait pas la différence entre un kW ou un KWh. Quelle tristesse…

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