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Etats-Unis : le scénario 100 % renouvelables de Jacobson critiqué par ses pairs

Des experts de renoms pointent les dangers et les incohérences du scénario 100 % renouvelables. Pour eux, ce type d’étude envoie des signaux négatifs et menace la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique. (Article de la rédaction de la Sfen).

L’essentiel des scénarios permettant de contenir le réchauffement climatique à 2°C mobilisent l’ensemble des technologies disponibles, le nucléaire jouant souvent le rôle de socle.

Or, en 2015, en pleine COP21, Mark Zachary Jacobson et ses co-auteurs ont publié un scénario de production électrique à l’horizon 2055 impliquant uniquement trois sources d’énergies renouvelables (l’hydraulique, l’éolien et le solaire). Le professeur de Stanford démontrait ainsi que l’économie pouvait basculer rapidement vers un mix 100 % renouvelables.

Après avoir identifié de nombreuses erreurs dans cette étude, et face au refus de Jacobson et de ses collègues de revoir une partie de leur copie, une vingtaine de chercheurs du monde entier et issus des universités les plus prestigieuses (Stanford, Colombia, etc.) viennent de publier, ce 19 juin, une étude alertant des incohérences et des dangers du scénario de Jacobson.

Pour les auteurs de la contre-étude, l’article de Jacobson contient des erreurs de modélisation et des hypothèses trop optimistes (voire irréalistes). Ils pointent notamment le potentiel surestimé de substitution par l’hydraulique. A l’inverse, les coûts d’intégration et d’installation des solutions de stockage seraient sous-estimés.

Surtout, les auteurs soulignent que l’urgence climatique nécessite de mobiliser toutes les technologies mâtures et industrialisables rapidement à grande échelle, comme le nucléaire.

La lutte contre le changement climatique ne peut pas reposer sur un pari

Les experts réaffirment d’ailleurs que l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible est crucial et que la tâche est énorme.

Le risque, selon eux, serait de fausser le débat public en suggérant que seule la volonté politique suffit. Ce scénario fait ainsi des paris sur trop de facteurs : rupture technologiques importantes, disponibilité du marché, maturité des technologies, maîtrise de la consommation d’énergie, réorientation des modes de consommation, etc.

Ce type de scénario pourrait avoir des impacts négatifs en mobilisant des ressources publiques sur les mauvaises technologies, en sous-estimant le besoin de R&D encore nécessaire ou en abandonnant les sources de production qui pourraient être nécessaires, comme l’énergie nucléaire, pour réduire les émissions de CO2.

« Les problèmes d’énergie sont complexes. La solution simple de Mark attire beaucoup de ceux qui n’ont pas les outils nécessaire pour appréhender cette complexité », a déclaré à la MIT Technology Review Jane Long, co-auteur de l’étude critique et ancien directeur associé du Lawrence Livermore National Laboratory (Californie).

David Victor, autre co-auteur et chercheur en politique énergétique à l’Université de Californie de San Diego, craint que l’étude de Jacobson conduise à imposer dans la loi des objectifs qui ne peuvent être atteints avec les technologies disponibles à des prix raisonnables, entraînant des « attentes irréalistes » et une « mauvaise affectation d’importantes ressources ». « C’est à la fois dangereux pour l’économie et cela porte les germes d’un retour de bâton ».

Des études contestées qui orientent les décisions publiques

Le risque pointé du doigt par David Victor est réel, différents acteurs politiques et think-tanks ayant déjà adopté les idées de Jacobson.

Ainsi, avant son étude de 2015, ce professeur de Stanford avait publié un scénario détaillant pour chacun des cinquante Etats américains un plan pour passer à 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050. Or, son travail avait contribué à la prise de décision par les Etats de New York et de Californie de promulguer des lois imposant 50 % d’énergies renouvelables dans leur mix de production électrique à l’horizon 2030. Dans le même temps, pourtant, la Californie a prévu de fermer ses réacteurs nucléaires d’ici 2025.

Pour les auteurs de la contre-étude, la fermeture anticipée de centrales nucléaires compliquera la transition vers un monde post-carbone.

À l’image de son concitoyen Jérémy Rifkin, Mark Z. Jacobson se fait l’apôtre de scénarios irréalistes et irresponsables. Face à l’impérieuse nécessité de réduire les émissions de CO2, le monde aura besoin de toutes les énergies bas carbone, renouvelables et nucléaire.

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